Sommet mondial arménien 2022

Le premier Sommet mondial arménien s’est tenu à Erevan du 28 au 31 octobre, à un moment fatidique de lutte existentielle pour l’Arménie. Pour les Républiques jumelles d’Arménie et d’Artsakh, une coopération extérieure désintéressée est indispensable comme l’air et l’eau. Indépendamment des considérations politiques et idéologiques, il est impératif d’être au côté de l’Etat arménien. C’est en effet l’impératif du jour. De ce point de vue, le dialogue Arménie-Diaspora revêt un caractère essentiel. Aliev, ivre de sa victoire dans la guerre d’Artsakh de 2020, mène des attaques brutales, sans qu’elles ne soient provoquées de la part des Arméniens, à l’intérieur des frontières souveraines de l’Arménie, contre lesquelles l’Arménie doit être soutenue par tous les moyens. Suite à la défaite de la guerre de 44 jours, la Russie a pris en charge la sécurité de la République d’Artsakh. Cependant, malgré la présence des forces russes de maintien de la paix, l’armée azérie poursuit ses attaques, en toute impunité. Le peuple d’Artsakh est menacé d’anéantissement. La mobilisation à tous les niveaux est nécessaire.

La tenue du premier Sommet mondial arménien dans de telles conditions de crise est en soi une indéniable manifestation de solidarité, bien que, avançant des raisons politiques et organisationnelles, les deux Catholicos de l’église arménienne, le parti FRA-Dashnaktsoutioun et d’autres organes affiliés à ces structures, aient refusé d’y participer.

Malgré le front de refus, 600 personnes venues de 50 pays différents, ont pris part à ce Sommet. Les panels comportaient de nombreux sujets de discussion d’intérêt pour la diaspora et l’Arménie, répartis dans trois salles différentes. Le Sommet a été marqué par un haut niveau de performance technique. Les sujets abordés étaient multiples, proches des objectifs stratégiques à long terme de l’Arménie et des questions politiques aiguës du moment.

Il va de soi que les Sommets Diaspora-Arménie ne résoudront pas les problèmes existentiels immédiats de l’Arménie, bien que la coopération avec la diaspora revête une importance stratégique. Cette coopération  requiert nécessairement une maturation à long terme, en tenant compte de nombreux conflits d’intérêts et des attentes politiques et idéologiques contradictoires. L’attaque de la Russie contre l’Ukraine a provoqué un grand mouvement démographique dans la région vers le Caucase du Sud, dont les principaux bénéficiaires ont été les pays voisins de la Russie. L’Arménie est une destination très favorable aux Arméniens de la Russie, ainsi qu’aux citoyens russes qui quittent leur pays à cause de la guerre. Il en va de même pour les enfants des communautés arméniennes du Moyen-Orient, qui ont choisi l’Arménie comme nouveau lieu de réinstallation en raison de l’instabilité politique et de la guerre. Si dans les forums Arménie-Diaspora passés, l’émigration était mentionnée et critiquée comme le plus grand facteur mettant en danger l’avenir de l’Arménie, voire comme « génocide blanc», aujourd’hui, en raison des nouvelles conditions géopolitiques, l’Arménie se présente comme un pays bénéficiant de l’immigration, malgré les menaces de guerre que fait profiler à l’horizon l’alliance Turquie-Azerbaïdjan. Parmi les questions abordées lors du sommet, le rapatriement, le retour, constituaient des sujets emblématiques, avec tous ses aspects juridiques, économiques, sécuritaires, éducatifs et culturels.

Le Sommet s’est caractérisé par le choix intelligent de conférenciers. Ils avaient été sélectionnés en fonction de leurs capacités professionnelles et de leur expérience. Les présentations, les angles de vues et les critiques lors des discussions ont été appréciées. La participation massive de l’auditoire et les questions posées, auxquelles il n’a pas toujours été possible de répondre par manque de temps étaient remarquables.

Il y avait naturellement des points critiquables, comme le nom pléthorique du Sommet « Sommet mondial arménien ». Il y avait l’usage inutile de certains vocables en « anglais », comme la pause déjeuner « lunch break ». Certains sujets ont été omis ou évités, comme le rôle des médias, le développement et l’enseignement artistique et culturel, l’apprentissage des langues, l’enseignement de l’arménien occidental… et leur financement. 

Sur le plan organisationnel, le parti pris d’ignorer les organisations diasporiques ou nationales en tant qu’entité participantes, et d’inviter leurs dirigeants et responsables en tant que participants à titre individuels, était aussi discutable.

J. Tch.