En Ukraine, la Russie subit défaite sur défaite, Kherson étant la dernière. Cette situation donne des ailes aux anciens États soviétiques turcophones, qui en profitent pour se rapprocher de la Turquie. L’Azerbaïdjan joue un rôle clé dans le rapprochement de la Turquie avec les États turcophones d’Asie centrale. Et l’Arménie reste le principal obstacle refusant légitimement l’octroi d’un couloir extra-territorial dans le Syunik. Le couloir de «Syunik» est la clé de la réalisation du rêve pantouranique. Et l’Azerbaïdjan, bénéficiant du soutien à part entière de la Turquie, menace de s’emparer par la force du corridor dans le sud de l’Arménie. Même si cela paraît étonnant, Poutine est le parrain de ce projet. Et s’il n’y avait pas eu ses défaites en Ukraine, aujourd’hui le corridor de Syunik aurait été accordé à l’Azerbaïdjan avec la bénédiction et sous le contrôle de la Russie. Ainsi, les portes des pays turcophones d’Asie centrale s’ouvriraient pour la Turquie sous les auspices de la Russie, son objectif principal étant la rupture autant que possible de l’alliance de la Turquie et de l’Occident, et son rapprochement stratégique avec la Russie.
Cependant, les calculs politiques de Poutine se sont avérés faux et la roue s’est tournée en sens inverse, contre lui. Les victoires militaires et diplomatiques importantes de celle-ci au cours des dix dernières années sont en train de s’effondrer sur le front de l’Ukraine, comme son intervention victorieuse en Syrie contre l’État islamique, la vente du système de missiles de haute précision S400 à la Turquie, qui a conduit à la détérioration des relations de cette dernière avec les États-Unis, la prise de la Crimée sans aucune résistance, et finalement la guerre de l’Artsakh, à l’issue de laquelle elle a imposé un accord de cessez-le-feu et a obtenu le déploiement d’une armée de 2 000 hommes tout en mettant les Occidentaux hors jeu dans le Caucase du Sud.
Le cycle de l’échec a commencé lorsqu’il a voulu renverser le gouvernement pro-occidental de l’Ukraine en trois jours. Et depuis, la guerre est entrée dans son 10e mois et sa fin n’est pas encore en vue. Les conséquences de cette cuisante défaite seront sévères. Tous les grands et petits acteurs du Caucase du Sud redéfinissent leur stratégie. L’Arménie aussi, depuis la guerre de 2020, n’ayant pas reçu la protection et le soutien promis de son allié stratégique la Russie, ni de l’OTSC, pour se protéger des fréquentes attaques azéries, elle s’est tournée vers d’autres acteurs, les USA, l’UE, l’Inde, l’Iran.
Profitant de l’affaiblissement de l’influence de la Russie dans la région, l’Occident est revenu en force dans le Caucase du Sud. De manière inattendue, l’Iran aussi est apparu sur l’échiquier comme un contrepoids aux ambitions militaires de l’Azerbaïdjan envers l’Arménie. Historiquement, l’Iran et l’Azerbaïdjan ont beaucoup de différends liés aux minorités nationales et à la religion. La coopération militaire entre l’Azerbaïdjan et Israël est une grande menace pour sa sécurité. Enfin, les relations conflictuelles de l’Iran avec l’Occident entravent l’étroite coopération stratégique de l’Arménie avec elle. Soit dit en passant, que la Russie aussi n’encouragerait jamais la coopération de l’Arménie avec l’Iran, en particulier dans les domaines du pétrole, du gaz et d’autres secteurs d’importance stratégique.
Lors du 9e sommet de l’Organisation des États turciques qui s’est tenu à Samarcande la semaine dernière, Ilham Aliev a fait une déclaration remarquée, rappelant à l’auditoire que des millions de ses compatriotes azéris sont privés de leur langue et de leur culture, se référant à la communauté turcophone du nord de l’Iran. Naturellement, cette déclaration n’a pas échappé à l’attention du gouvernement iranien, qui y a réagi très vivement, lui rappelant de bien se souvenir de l’histoire, notamment du traité de Golestan. Répondant aux journalistes, le porte-parole du secrétaire d’État américain Price a annoncé que l’Iran est une menace dans la région et qu’ils soutiendront l’Azerbaïdjan dans sa résistance à toute action déstabilisatrice de l’Iran.
Avec l’affaiblissement de l’influence de la Russie, le Caucase du Sud devient plus explosif. Dans ces conditions politiques, très instables, l’Arménie cherche de nouveaux moyens d’assurer sa sécurité sans abandonner complètement l’alliance russe, qui est actuellement la principale force militaire garantissant la sécurité des Arméniens d’Artsakh.
J. Tch.