Qui comblera le vide créé par le déclin de l’influence russe dans le Caucase du Sud ?

La garantie russe s’affaiblit suite à l’accord tripartite du 9 novembre 2020. Le dernier fait a été la fermeture du corridor de Latchine par les Azéris pendant plusieurs heures, à la suite de quoi le trafic Arménie-Artsakh a été complètement arrêté. Les conditions de fonctionnement de ce corridor sont garanties par la force russe de maintien de la paix, et il s’avère que le commandant en chef Volkov soit personnellement intervenu et négocié pendant quelques heures pour rétablir le trafic.

Et que se passera-t-il dans le futur ?
Les Azéris ont exigé qu’un point de contrôle douanier azéri y soit établi pour contrôler l’entrée de soi-disant munitions interdites en Artsakh. Cependant, ils ont finalement convenu que la partie russe devrait vérifier avec des scanners la cargaison de tous les camions entrant en Artsakh.

Naturellement, une telle solution peut avoir des conséquences très graves pour la partie arménienne. Et quelles qu’en soient les conséquences, une telle disposition n’est pas prévue dans l’accord du 9 novembre. Ce phénomène montre également la faiblesse de la partie russe et son incapacité à faire respecter tous les points de l’accord tripartite.

Jusqu’à l’époque où la Russie était maîtresse des lieux, c’est-à-dire avant la guerre d’Ukraine, elle pouvait s’imposer aux pays du Caucase du Sud. Cependant, en raison de ses pertes militaires actuelles, elle est incapable de s’imposer, notamment face à l’Azerbaïdjan, qui a l’appui de la Turquie, et donc un vide de pouvoir s’est créé dans le Caucase du Sud, et les pays de la région veulent profiter de ce vide et assurer leur avantage stratégique.

Naturellement, le premier à profiter de cette possibilité de retour a été l’Occident : les États-Unis, la France et l’Europe. Les deux premiers étaient également co-présidents du groupe de Minsk de l’OSCE et avaient été chassés de la région lors de la deuxième guerre d’Artsakh en raison d’une manœuvre russe inouïe, qui a permis à la Turquie de gérer la conduite de la guerre dans une alliance militaire avec l’Azerbaïdjan.

Il est clair que le retour des occidentaux dans la région nuit aux intérêts russes, surtout en ce moment, ainsi qu’aux plans militaires turco-azéris. L’attaque des 13 et 14 septembre aux frontières de l’Arménie et l’invasion de Syunik ont été des tentatives sanglantes que les Azéris ont menées pour imposer, par la force des armes, le corridor de Syunik reliant l’Azerbaïdjan à la région autonome de Nakhitchevan, sans le contrôle russe. Ils auraient réussi si l’armée arménienne n’avait pas résisté. Et pour la première fois elle a combattu sans compter sur l’armée russe d’interposition, censée protéger les frontières arméniennes. Elle a défendu la région de Syunik et les frontières sud, bien qu’avec une lourde perte d’environ trois cents victimes. L’Arménie, cette fois, a été soutenue par les États-Unis et la France, qui ont forcé les Azéris à arrêter l’attaque militaire et à entamer des négociations, et cette fois sous les auspices des occidentaux, à Bruxelles et à Washington.

Pour la partie arménienne, après la défaite de 2020, la protection d’une grande puissance est nécessaire pour assurer la sécurité du pays. La Russie est l’alliée stratégique actuelle de l’Arménie et elle l’est aussi dans le cadre de l’OTSC. Cependant, ni l’OTSC ni la Russie n’ont protégé les frontières internationales de l’Arménie contre les attaques azéries. En outre, le gouvernement arménien a déclaré que les pays de l’OTSC n’avaient pas respecté le contrat de vente d’armes d’une valeur de cent millions, ce qui est d’une importance vitale pour l’Arménie.

Dans le cas de l’Iran, l’affaiblissement de la Russie dans la région nuit à ses intérêts stratégiques, perturbe l’équilibre des forces antagonistes. La frontière arméno-iranienne est vitale pour les deux pays, dans ce sens ; l’Iran est un allié naturel de l’Arménie, mais l’animosité avec les occidentaux et la concurrence avec la Russie le rendent un partenaire encombrant. Le renforcement de l’Occident dans la région se traduit par le renforcement de l’Azerbaïdjan, de la Turquie et d’Israël. 

L’Arménie n’est pas un vrai partenaire stratégique pour l’Occident, malgré le vote de certains parlements européens et américains. Mais l’Azerbaïdjan l’est. Les Etats-Unis et la présidente de la Commission européenne l’ont déclaré. Si d’une manière ou d’une autre la guerre est déclanchée dans la région, l’Occident défendra la Turquie dans le cadre de l’OTAN, au détriment de la partie arménienne.

Dans ces circonstances très difficiles pour l’Arménie, il ne reste qu’une voie : éviter la guerre, tant qu’il est possible, et en attendant se renforcer militairement et économiquement.

J. Tch.