L’Arménie veut qu’une mission d’enquête de l’ONU soit stationnée en Artsakh
Dans la soirée du 20 décembre, lors de la session du Conseil de sécurité de l’ONU convoquée à New York à la demande d’Erevan, l’Arménie a appelé les structures onusiennes à envoyer une mission d’enquête en Artsakh pour prendre connaissance de la situation sur le terrain.
Le représentant de l’Arménie au sein de l’Organisation, Mher Margarian, a déclaré dans son discours :
« L’Azerbaïdjan a lancé une campagne de masse dans le corridor de Berdzor sous les auspices de l’État. Ayant organisé le blocus illégal du corridor sous un faux prétexte, l’Azerbaïdjan a ciblé 120 000 personnes. Au moins 1 100 citoyens ne peuvent plus rentrer chez eux, des enfants ont été séparés de leurs parents et de leur famille, la prestation de services de santé et sociaux a été interrompue, créant des conditions potentiellement mortelles.
La situation alarmante en Artsakh est sur le point de devenir une catastrophe humanitaire. Malgré les efforts des forces de maintien de la paix, les négociations des autorités d’Artsakh avec la partie azerbaïdjanaise, pour rétablir le fonctionnement sûr et ininterrompu du corridor, n’ont donné aucun résultat à ce jour. La nature coordonnée des opérations de l’Azerbaïdjan, y compris les incidents précédents au cours desquels la population civile et les infrastructures ont été ciblées, prouve une fois de plus que la fermeture du corridor de Berdzor est en fait une opération pré-planifiée menée par les autorités azerbaïdjanaises dans le but de causer des dommages à la population et à grande échelle pour provoquer une crise humanitaire en Artsakh.
(…) Le blocage du corridor de Berdzor n’est pas un incident isolé, c’est une fois de plus la preuve d’une violence systémique, qui est dirigée par les autorités azerbaïdjanaises, dont le but est de soumettre le peuple d’Artsakh à un nettoyage ethnique. … Si l’Azerbaïdjan souhaite réaliser une évaluation indépendante de la situation environnementale, il devrait envisager la possibilité de déployer une mission d’enquête de l’ONU pour étudier la question.
Les affirmations de Bakou selon lesquelles il a résolu le conflit d’Artsakh et aboli le nom du territoire habité par les Arméniens depuis des millénaires indiquent clairement qu’il existe des signes de politique génocidaire délibérée. L’implication de la communauté internationale est le seul moyen possible de garantir les droits et la sécurité du peuple d’Artsakh.
Nous appelons le Conseil de sécurité de l’ONU à prendre des mesures pour exiger de l’Azerbaïdjan de respecter pleinement les termes de la déclaration tripartite du 9 novembre 2020 et de mettre fin immédiatement et sans condition à la fermeture du corridor de Berdzor, en levant tous les obstacles, pour une circulation sûre et sécurisée. Nous appelons le Conseil également à déployer une mission d’enquête en Artsakh pour évaluer la situation humanitaire locale, afin d’assurer un accès sans entrave des agences des Nations Unies à l’Artsakh à des fins humanitaires. L’Arménie appelle le Conseil de sécurité à s’acquitter de son devoir de maintenir la paix et la sécurité internationales, à prendre les mesures appropriées et à condamner sans équivoque les actions offensives de l’Azerbaïdjan, qui constituent une menace existentielle pour le peuple d’Artsakh, pour son droit de vivre librement et dans la dignité. »
Représentant de l’Azerbaïdjan : « Personne n’a bloqué la route de Latchine (Berdzor) »
S’opposant aux déclarations de la partie arménienne, l’ambassadeur d’Azerbaïdjan auprès des Nations Unies Yachar Aliev a une nouvelle fois affirmé qu’il n’y a pas de région appelée Haut-Karabakh et que la route de Berdzor (Latchine) n’a été bloquée par personne. Selon lui, Bakou est déjà en contact direct avec les Arméniens locaux. Le diplomate azerbaïdjanais a cité la construction de la nouvelle route de Berdzor et les visites de spécialistes azerbaïdjanais au réservoir de Sarsang comme exemples de « contacts réussis ».
« En tout cas, ces développements positifs sur le terrain inquiètent de plus en plus l’Arménie et certains pays tiers, c’est pourquoi ils recourent à toutes sortes d’agitation afin de créer des tensions et de perturber le fragile processus de règlement. L’apparition de l’homme d’affaires notoire Ruben Vardanian, qui est directement impliqué dans l’exploitation illégale des ressources naturelles azerbaïdjanaises et qui n’a rien à faire dans la région du Karabakh en Azerbaïdjan, ainsi que les actions déstabilisatrices de certains acteurs extérieurs, sont les preuves les plus frappantes de cet état de fait », a déclaré l’ambassadeur d’Azerbaïdjan auprès de l’ONU.
Au cours de la session, qui a duré environ une heure et demie, les diplomates de plus d’une douzaine d’États du Conseil de sécurité de l’ONU, y compris tous les membres permanents, ont évoqué la situation désastreuse créée dans le corridor de Berdzor. Le représentant de la France a exigé que le corridor de Berdzor soit débloqué immédiatement et que les structures de l’ONU aient la possibilité d’entrer dans la région.
Représentante française : « Les restrictions à la libre circulation dans le corridor de Latchine sont inacceptables »
Nathalie Broadhurst Estival, la représentante de la France à l’ONU, a déclaré : « Nous sommes très préoccupés par les événements récents. Je voudrais souligner deux circonstances, premièrement, les restrictions à la libre circulation dans le corridor du Haut-Karabakh sont inacceptables. Le blocage du corridor de Latchine à mené à l’isolement de la population du Karabakh. Les conséquences humanitaires s’aggravent. La France appelle à la reprise inconditionnelle de la circulation des marchandises et des approvisionnements par ce corridor, tout en garantissant pleinement les droits de la population. La France appelle à respecter les obligations prévues par la déclaration tripartite, j’entends celle du 9 novembre 2020. La France souligne également que, conformément à l’engagement de l’Azerbaïdjan, la sécurité de la circulation des personnes, des véhicules et des marchandises dans les deux sens du corridor de Latchine doit être garantie. »
Madame Broadhurst Estival a ajouté que la France appelle à un libre accès immédiat pour les organisations humanitaires et les agences des Nations Unies.
« La France appelle les deux parties à créer un environnement propice au succès et au progrès des négociations en cours, qui ne doivent se faire que par le dialogue et non par l’usage de la force, ainsi que les droits du peuple du Karabakh doivent être garantis. Aux côtés de l’Union européenne, la France continue de soutenir les efforts du dialogue entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, notamment dans le sens de l’accord de paix initial, de la démarcation, de l’ouverture des communications et de l’établissement de la paix dans la région. La France est prête à travailler avec toutes les parties pour obtenir des résultats », a conclu la représentante française.
Représentant américain : « Les obstacles dressés contre l’utilisation du corridor de Latchine conduisent à un revers dans le processus de paix »
Le discours du représentant des États-Unis, Robert Wood, a été consacré aux conséquences tant humanitaires que politiques de la fermeture de la route reliant l’Arménie à l’Artsakh.
« Les États-Unis sont profondément préoccupés par les obstructions continuelles à l’utilisation du corridor de Latchine et les conséquences humanitaires. Permettez-moi de dire très clairement que ces obstructions continuelles entraînent un recul du processus de paix. Ils minent la confiance internationale existante en lui. Nous appelons le gouvernement azerbaïdjanais et les autres forces responsables de la sécurité du corridor à rétablir la libre circulation dès que possible, à la fois à des fins humanitaires et commerciales », a déclaré le représentant américain.
Selon le représentant de la Russie, son pays met tout en œuvre pour surmonter les difficultés
Selon Anna Evstigneeva, représentante de la Russie, Moscou travaille activement, depuis le début de la crise, pour surmonter les difficultés.
« La partie russe, avec l’intervention du ministère de la Défense, du commandement des forces russes de maintien de la paix, ainsi que du ministère des Affaires étrangères, a déployé tous les efforts nécessaires ces derniers jours pour résoudre rapidement le problème qui s’est posé dans le Couloir de Latchine. Des contacts réguliers sont organisés avec les partenaires arméniens et azerbaïdjanais », a déclaré le diplomate russe, ajoutant que des négociations sont en cours pour confirmer la procédure de visite des mines de l’Artsakh par les experts azerbaïdjanais de la protection de l’environnement.
La déclaration la plus pertinente est venue d’Irlande
La déclaration la plus pertinente faite lors de la session du Conseil de sécurité de l’ONU a été faite par le représentant de l’Irlande.
« L’Irlande appelle les autorités azerbaïdjanaises à rétablir la liberté et la sécurité de circulation dans le corridor de Latchine sans aucune condition préalable, conformément aux dispositions de la déclaration du 9 novembre 2020. Nous appelons également à la poursuite du processus de réconciliation, qui permettra d’éviter de nouvelles pertes insensées de vies humaines. L’Irlande soutient une solution globale obtenue par des négociations, qui clarifie également le statut permanent de l’Artsakh. Nous réaffirmons notre plein soutien au format international des négociations, celles menées par le groupe de Minsk, qui devrait atteindre l’objectif susmentionné”, a déclaré Martin Gallagher, représentant de l’Irlande à l’ONU.
Le Royaume-Uni est profondément préoccupé par la fermeture du corridor de Berdzor
Le représentant du Royaume-Uni, James Kariuki, a déclaré que son pays est profondément préoccupé par la récente fermeture du corridor de Berdzor.
« Nous sommes heureux que l’approvisionnement en gaz de la région ait été rétabli, mais nous continuons d’appeler à la réouverture immédiate du corridor. Le corridor de Latchine est le seul moyen par lequel les nécessités quotidiennes peuvent être acheminées en Artsakh. La fermeture de ce corridor a de graves conséquences humanitaires, surtout en ce froid hivernal. Nous notons également avec préoccupation que les civils sont bloqués sur la route et ne peuvont rentrer chez eux. Leur retour immédiat est tout aussi important et nécessaire », a déclaré le représentant de la Grande-Bretagne à l’ONU.
Il a ajouté que les autorités de son pays sont en contact avec les gouvernements d’Arménie et d’Azerbaïdjan.
« Une paix durable ne peut être instaurée qu’en conformité avec les principes de la diplomatie et la Charte des Nations Unies. Le Royaume-Uni continue de soutenir les efforts de négociation organisés au niveau international, dont le but est d’assurer la paix et la sécurité dans la région », a-t-il conclu.
À la fin de cette session, le site officiel du gouvernement du Royaume-Uni a publié le discours du représentant de son pays, en indiquant clairement dans son titre que la fermeture du corridor de Berdzor par l’Azerbaïdjan peut entraîner de graves conséquences humanitaires.
Pour conclure, notons qu’en plus de ce qui précède, les représentants des Émirats arabes unis, de l’Albanie, de la Chine, du Brésil, du Kenya, du Mexique, de la Norvège, du Ghana, du Gabon et de l’Inde ont également prononcé des discours.