France 24 – Monsieur Vardanyan, merci d’être avec nous sur France 24. Tout d’abord, je voudrais vous poser la question suivante : pouvez-vous présenter la situation du peuple de la République d’Artsakh dans les conditions de ce blocus ?
Ruben Vardanian – Tout d’abord, je veux saluer tout le monde et remercier tous les Français qui nous soutiennent, ainsi que le gouvernement français. Nous apprécions réellement votre soutien. La réalité est qu’au cœur de l’hiver, 120 000 personnes n’ont pas de carburant, de médicaments, de nourriture. La route est bloquée, nous comptons des familles séparées, plusieurs centaines d’enfants qui se retrouvent sans parents en Arménie, et des enfants privés de leurs parents en Artsakh. Nous avons de nombreux citoyens non-Artsakhiotes qui étaient en visite en Artsakh et qui sont maintenant également bloqués ici. La situation est assez difficile, mais les gens qui vivent ici croient que c’est un grand combat pour l’indépendance. C’est pourquoi ils demeurent forts. Malgré tous les défis et toutes les difficultés, nous sommes unis et nous nous sentons très forts. Malgré toutes les pressions que l’Azerbaïdjan tente de nous imposer, nous résistons et devenons plus forts dans les conditions de ce blocus.
France 24 – Qui sont les personnes qui mènent ces manifestations ? Des militants qui protestent contre l'exploitation minière illégale dans la région. Qu'en pensez-vous ?
Ruben Vardanian - Aujourd'hui, nous avons publié une déclaration conjointe avec le gouvernement et la direction de la société minière indiquant que nous sommes prêts à recevoir des experts environnementaux internationaux pour venir inspecter nos exploitations minières. Nous pensons qu'ils travailleront selon les meilleures normes et nous demandons à ce qu’ils vérifient non seulement notre industrie minière, mais également celle de l’ensemble de la région, que cela soit fait par des professionnels, et non par de prétendus « militants écologistes » dont nous savons tous qu’ils ne sont pas de vrais écologistes. La plupart d'entre eux sont des personnes qui servent dans des services spéciaux d’Azerbaïdjan. En fait, si les Français sont intéressés, qu’ils vérifient combien d'actions d’écologistes ont eu lieu en Azerbaïdjan au cours des dix dernières années. Ils seront surpris car ce nombre est de zéro. Il s'agit donc bien d'une mise en scène organisée par le gouvernement azerbaïdjanais, et non d'un mouvement écologiste.
France 24 – Je voudrais maintenant évoquer votre histoire personnelle. Avant de devenir ministre d'État de l'Artsakh en novembre 2022, vous aviez la nationalité russe et vous étiez un homme d'affaires en Russie. Je veux vous demander ce qui vous a poussé à vous engager dans la politique en Artsakh et à revenir à Stepanakert.
Ruben Vardanian - Les Arméniens vivent partout dans le monde. Nous avons une grande diaspora en Russie, en France, en Amérique, dans de nombreux autres pays, et nous sommes tous liés à l'Artsakh. L'Artsakh est un foyer pour l’ensemble du peuple arménien car Mesrop Mashtots, le créateur de l'alphabet arménien, a commencé à enseigner les lettres arméniennes en Artsakh. C’est un symbole de l'héritage arménien, de la culture arménienne et de l'ADN arménien. C'est pourquoi nous y avons réalisé de nombreux projets au cours des vingt dernières années. Après la « Guerre des 44 jours », j'ai senti que c'était l'un des moments les plus difficiles pour les habitants de l'Artsakh et j'ai réalisé que je voulais être avec ces gens qui subissent réellement une grande oppression de la part de l'Azerbaïdjan. Ils doivent sentir qu'ils ne sont pas seuls. Nous avons aussi des racines en Artsakh, mais nous vivons dans d'autres endroits, et j'ai réalisé qu’était venu le moment d'être responsable de notre nation, de notre propre patrie et d'essayer d'aider les personnes qui souffrent vraiment dans la situation actuelle.
France 24 - Récemment, des accusations ont été proférées, par exemple par certains partis d'opposition en Arménie, affirmant que la Russie ne remplit pas suffisamment son rôle de garant de la paix dans cette région de Lachin, qu’elle n'est pas en mesure de remplir ses obligations envers cette région. Êtes-vous d'accord avec cette idée?
Ruben Vardanian - Vous savez, j'ai suivi l’action de casques bleus dans de nombreux pays, par exemple des Français qui ont été envoyés en Afrique à de nombreuses reprises. Nous savons tous que cela implique généralement un nombre limité de soldats, un mandat limité et droits limités d'utiliser des armes. La déception des gens est compréhensible, mais en même temps, nous devons comprendre que sans un mandat plus large, sans un plus grand nombre de soldats, sans un mandat plus clair pour protéger les Arméniens vivant dans leurs foyers et luttant pour leur indépendance depuis 35 ans, il n'y aura pas d'avenir. Par conséquent, je pense que le blocus a démontré qu'un mandat plus large et plus fort de l'ONU s’impose.
France 24 - Nous nous entretenions avec le ministre d'État de la République d'Artsakh. Merci d'être avec nous sur France 24.