par Marc DAVO
>>> Son rôle essentiel dans la révolution de velours
L’un des facteurs essentiels du déclenchement de la révolution de velours en 2018 en Arménie et aussi dans d’autres pays de l’espace post-soviétique, a été le ras-le-bol populaire contre la corruption quasi-institutionnalisée. Dans l’esprit des gens, la corruption était –et elle l’est toujours– le mal dont était accusé le système de gouvernement mis en place par les milieux mafieux à partir de l’arrivée au pouvoir des clans qui s’inspirent des méthodes de gouvernance pratiquées dans la quasi-totalité des régimes issus de l’effondrement de l’URSS.
Les slogans scandés lors des manifestations de rue contre le régime de Serge Sarkissian reflétaient le profond mécontentement de la population vis-à-vis de ses pratiques condamnables. La corruption a fait des ravages en Arménie et même en Artsakh. Elle a gangréné l’administration la rendant inefficace face aux défis et surtout face à la demande de services de la part du public. Elle a pesé lourdement sur le développement socio-économique, fragilisant fortement le processus de construction d’État en Arménie.
Nikol Pachinian et ses co-équipiers se sont appuyés sur ce rejet populaire pour réclamer le pouvoir au nom de la démocratie et de la lutte contre la corruption. Ici n’est pas le lieu de dresser le bilan de la politique anti-corruption du gouvernement, mais de rappeler aux lecteurs de ce journal que la lutte contre ce phénomène doit être permanente et requérir une vigilance accrue de la part de tous. A nos jours, des signes inquiétants se révèlent ici et là. Cette vigilance est d’autant plus indispensable qu’Erevan affirme sa volonté de faire appel à la compétence de la diaspora et continue d’espérer la contribution financière de cette dernière au développement du pays. Par ailleurs, des études sont engagées en diaspora pour évaluer la possibilité d’instituer une sorte d’ « impôt national » diasporique à caractère volontaire, en vue d’apporter un soutien financier aux projets de développement en Arménie.
>>> Inquiétant cas de HayPost
Récemment, Hovsep Khourchoudian, président de l’organisation « Azat kaghakatsi » (Citoyen libre /“Free Citizen” Civic Initiatives’ Support Center), a enquêté sur le cas des services postaux de la République d’Arménie (HayPost) et a révélé les bizarreries qui frappent cette entreprise publique stratégiquement importante pour le pays.
L’enquête rappelle que le gouvernement d’Erevan avait fait appel aux compétences d’un Arménien de la diaspora, Hayk Karapetian en 2020, pour remettre sur pied la poste arménienne et la diriger comme PDG. Des efforts appréciables ont abouti au développement de cette entreprise publique, rationalisation de la prise en charge d’opérations bancaires –en tant que banque postale qu’un PDG hollandais, avant lui, avait initiée– et fourniture de médicaments en l’absence de pharmacies –économiquement non-rentables– dans les villages reculés du pays. M. Karapetian, outre la bonne gestion –HayPost passe en un an (2020-2021) du 83e au 48e rang, d’après l’évaluation de l’UPU (Union postale universelle)–, avait élaboré des projets d’extension et de développement, dont le financement avait été obtenu grâce aux prêts de la BEI (Banque européenne d’investissement) à hauteur de 50% et le reste par un financement de la BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement). Mécontents, les milieux bancaires qui ont vu dans HayPost un concurrent sérieux, ont eu recours à des intrigues. Un second adversaire, le réseau de pharmacies Natali Pharm, voit, lui aussi, ses intérêts privés concurrencés.
Dans une intervention sur la plateforme d’information d’Armen Tchiboukthchian, le nom de Mher Grigorian, vice-Premier ministre, est cité comme celui ayant participé à la mobilisation du système bancaire contre HayPost, de même que celui de Samuel Alexanian, dirigeant de Natali Pharm. Hayk Karapetian a été évincé et un nouveau PDG, Araïk Abrahamian, dirigeant de la banque russe VTB (sous sanctions internationales), a été désigné, … Ce dernier aurait placé des gens proches et
« politiquement utiles », dont certains à compétence douteuse, à des postes importants. Parmi les noms cités, on reconnaît Armen Ter Tatchatian, de la Converse bank que les médias présentent comme la banque de Robert Kotcharian. Un proche du ministre de la Défense, Souren Papikian, aurait été nommé conseiller, … Des informations sur des projets de vente du bâtiment de la poste et d’autres pour la construction de nouveaux bâtiments ou l’installation d’appareils automatiques circulent laissant suspecter des opérations financières opaques…
Pour plus de détails, le lecteur peut accéder au site de l’ONG … <@freecitizencisc9484> N°15 et N° 16.
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Il est important que les plus hautes autorités du pays suivent attentivement la stratégie et les activités des différents groupes de pression locaux liés à des puissances étrangères, dont le seul but est de tirer profit maximal quel que soit le prix qui coûtera aux citoyens arméniens. Il est également impératif que des nominations s’effectuent suivant les critères de compétence avérée bannissant tout népotisme et cas de corruption.
Dans cette lutte permanente, les ONGs ont leur part de responsabilité pour dénoncer les agissements malveillants qui portent atteinte aux intérêts bien compris du pays.
La diaspora, habituée à la transparence dans les pays occidentaux, n’acceptera pas de participer à un fonctionnement inspiré d’un modèle étatique failli.