Le déclin de l’autorité russe au Caucase

Des événements notables ont suivi les commémorations du 24 avril. Après avoir installé un point de contrôle frontalier sur le pont Hakar du corridor de Latchine, les autorités azerbaïdjanaises ont demandé aux pseudo-écologistes qui bloquaient le corridor depuis le 12 décembre de mettre temporairement un terme à leur action. Dans le même temps, l’armée azérie a repris les positions des « écologistes ». Ainsi, les deux extrémités du corridor de Latchine se trouvent sous le contrôle des troupes spéciales des gardes-frontières azerbaïdjanais. Cette action unilatérale de l’Azerbaïdjan n’a été que condamnée modérément par les pays occidentaux, mais la Russie a fait savoir qu’elle négocie avec les autorités azéries pour résoudre le problème. Le secrétaire d’Etat Blinken avait fait savoir que « l’installation d’un point de contrôle azerbaïdjanais sur le corridor de Latchine nuit aux efforts visant à établir la confiance dans le processus de paix ».

Dans le même temps, les Russes ont procédé au changement du commandant de leurs casques bleus, ils ont nommé le colonel-général Alexander Lentsov, un officier militaire supérieur, ancien commandant adjoint des troupes au sol, commandant adjoint des troupes aéroportées et depuis juillet 2020, conseiller du ministre de la Défense. Ce changement n’a pas abouti à des résultats tangibles sur le terrain.

La réaction des autorités arméniennes a été plus tranchée. Le Premier ministre a annoncé : « Les forces de maintien de la paix de la Russie doivent garder le corridor de Latchine sous leur contrôle et assurer ainsi le fonctionnement normal du corridor. En d’autres termes, aucune autre force, hormis la Fédération de Russie ne devrait contrôler le couloir de Latchine. L’Azerbaïdjan ne devrait pas non plus entraver la libre circulation dans le couloir. C’est exactement ce qui est envisagé dans la déclaration tripartite du 9 novembre 2020. »

Dans le même temps, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, annonçait la nouvelle de la tenue d’une réunion tripartite à Moscou. De son côté, le ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères a annoncé la tenue de la réunion tripartite à Washington sous les auspices du Secrétaire d’Etat Blinken. Une réunion qui pourrait apparemment durer plusieurs jours, pendant laquelle la feuille de route de l’accord de paix sera précisée. Ce changement inattendu du pays hôte organisant la rencontre des belligérants porte un très grand coup à la diplomatie russe et est annonciateur du déclin de son autorité dans le Caucase.

Mme Catherine Colonna, ministre français des Affaires étrangères, s’est également rendue dans la région. De même que pour les dirigeants de tous les pays occidentaux, la réaction qu’elle a exprimée à la fermeture du corridor de Latchine n’a donné aucun résultat tangible. Mme Colonna a fait savoir que lors du prochain Sommet de la Communauté politique européenne, qui aura lieu le 1er juin prochain à Chisinau, la capitale de Moldavie, une rencontre des dirigeants arméniens et azerbaïdjanais est attendue, sous les auspices du président Charles Michel ou de celui d’Emmanuel Macron, le format étant en cours de clarification.

Nonobstant tous ces événements, le mémorial Némésis a été inauguré à Erevan, ce que la Turquie a fermement condamné et en conséquence de quoi, a refusé, de manière unilatérale l’usage de son espace aérien à la compagnie aérienne arménienne Flyone Armenia qui assurait le vol Paris-Erevan. Par ailleurs, comme à l’accoutumée, le président turc a exprimé son soutien inconditionnel à l’Azerbaïdjan en inaugurant avec Aliyev TEKNOFEST à Istanbul,  principal festival turc… dédié à l’aérospatiale et à la technologie. À cette occasion, ce dernier a annoncé la création de l’usine de production de drones Bayraktar en Azerbaïdjan.

Et pour ne pas être en reste, les autorités arméniennes mettent en place des actions préparatoires pour défendre les droits des réfugiés arméniens devant les tribunaux internationaux. À cet effet, le 29 avril, dans le complexe sportif K. Demirdjian, les représentants des organisations de défense des réfugiés ont organisé la conférence intitulée : «Anciens et nouveaux réfugiés des attaques azerbaïdjanaises : le passé, le présent, l’avenir», et ont adopté une déclaration qui précise l’histoire, les responsabilités et les droits des réfugiés arméniens face aux agressions et aux maltraitances des Arméniens sous tous les régimes, de l’époque russo-soviétique à celle de la République.

J. Tch.