L’étau se resserre

L’étau se resserre. L’Artsakh fait face à une grande catastrophe humanitaire. Son blocus total depuis 219 jours est devenu l’objet d’une condamnation sans équivoque de la part de la communauté internationale, mais on n’a vu aucune menace, aucune sanction pratique pour y mettre fin. Seule l’opposition du peuple d’Artsakh a provoqué une réaction, notamment du côté russe. Le rassemblement de plusieurs milliers de personnes, dirigé par le ministre d’État d’Artsakh, Gourguen Nersissian, contre les casques bleus russes stationnés en Artsakh, porte un coup dur au crédit de la Russie, car le peuple d’Artsakh avait, jusqu’à présent, fait confiance en la présence des forces russes de maintien de la paix, plus qu’aux autorités d’Arménie. En fin de compte, après la fin de la guerre en 2020, des dizaines de milliers de citoyens d’Artsakh sont retournés en Artsakh, faisant confiance à la protection des troupes russes de maintien de la paix. Et aujourd’hui, ces troupes sont impuissantes à protéger l’existence pacifique des Artsakhiotes sur leurs terres ancestrales.

Le ministère russe des Affaires étrangères a répliqué face à l’expression du mécontentement du peuple d’Artsakh en rejetant la responsabilité sur les autorités arméniennes, arguant – à Prague, capitale tchèque – que la reconnaissance par l’Arménie de l’Artsakh comme faisant partie du territoire de l’Azerbaïdjan, a fondamentalement changé la donne et le contenu de l’accord tripartite de 2020. Cependant, sans attendre la réaction du gouvernement arménien, l’Azerbaïdjan a rappelé au ministère russe des Affaires étrangères qu’en raison de la déclaration sur la coopération entre Moscou et Bakou, la Russie avait accepté l’inclusion du Haut-Karabakh comme faisant partie de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan et que cela n’était pas conditionné par le bon vouloir de l’Arménie.

Et le président Poutine avait, en fait, à maintes reprises, cité le Haut-Karabakh comme faisant partie intégrante de l’Azerbaïdjan conformément au droit international.

La Turquie a également fait part de la fin de la présence de la Russie en Artsakh. Erdogan a suggéré que les forces de maintien de la paix russes devraient quitter l’Artsakh à la fin de la période de cinq ans, comme prévu dans la déclaration tripartite de 2020.

Seul l’Iran a averti la Russie, par la bouche d’Ali Akbar Vilayati, conseiller principal de l’ayatollah Khamenei pour les affaires internationales, du danger d’invasion de la région du Caucase par des forces étrangères, si elle cédait du terrain par imprudence. Celui-ci a déclaré : « La Russie doit être prudente et elle sait que même une petite négligence dans le Caucase, transformerait la région en cible, livrée à l’invasion et à la concurrence menées par différents pays et des forces malveillantes, ce qui porterait atteinte aux intérêts de la Russie et de l’Iran ».

L’avertissement de l’Iran n’est pas accidentel, car la catastrophe humanitaire qui menace la population d’Artsakh exige une solution immédiate. Les autorités d’Artsakh n’ont pas cédé jusqu’à présent aux agressions azéries, mais le couteau a atteint l’os, ni les autorités, ni le peuple ne peuvent plus tolérer cette situation. Une solution doit être trouvée d’urgence pour empêcher le nettoyage ethnique.

La proposition de l’Azerbaïdjan qui consiste à transporter des produits alimentaires vers l’Artsakh via Agdam est une solution temporaire, mais cela ne résoudrait en rien la menace d’anéantissement des Arméniens d’Artsakh. Et si cette solution a été rejetée par les autorités d’Artsakh, elle exprime aussi la position des autorités russes. Parce que le résultat en serait l’effacement immédiat de l’influence russe et le premier pas d’une subordination permanente des Arméniens d’Artsakh aux autorités azerbaïdjanaises. Et donc, la première étape pour les Russes de quitter l’Artsakh.

Le président de l’UE, Charles Michel, a répondu positivement à l’offre azérie de transport de fret via  Agdam vers l’Artsakh. Mais Araïk Haroutunian, le président d’Artsakh, a annoncé qu’il rejoignait également la manifestation populaire et que le gouvernement était prêt à recourir à des mesures plus sévères si la situation ne se dénouait pas d’ici une semaine. Dans ces conditions, tous les regards se tournent vers la Russie qui détient la clé de la résolution de la situation. Car in fine, lors de la guerre de 2020, par sa non-intervention en faveur de l’Arménie, elle a permis la réalisation du plan Lavrov, qui avait pour but ultime de chasser les Occidentaux du Caucase du Sud et l’entrée des casques bleus russes en Artsakh.

J. Tch.