Après l’appel des Républicains, cette fois plus de 60 sénateurs, députés et haut responsables des collectivités territoriales socialistes, communistes ou écologistes demandent au président Emmanuel Macron d’imposer des sanctions contre l’Azerbaïdjan.
« L’exécutif doit entendre les appels des parlementaires en faveur d’un soutien opérationnel à destination du Haut-Karabakh », affirment les sénateurs Gilbert-Luc Devinaz et Pierre Ouzoulias dans une tribune au « Monde » cosignée par cinquante-neuf autres élus.
« En ces temps troublés où s’accroissent les désordres du monde, la république du Haut-Karabakh s’efforce encore non seulement de survivre, mais d’incarner au Caucase du Sud (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie) les valeurs démocratiques que nous entendons comme les nôtres. Pourtant, nous ne bougeons pas ; pourtant, nous ne l’aidons pas face aux tentatives d’épuration ethnique qu’elle subit de la part de l’Azerbaïdjan. A chaque soubresaut de l’actualité mondiale, l’affaire Prigojine étant un exemple récent, le dictateur azerbaïdjanais Ilham Aliev profite de nos yeux détournés comme de notre coupable indifférence pour accroître un peu plus son emprise létale sur ce territoire arménien.
Ainsi, depuis le 15 juin, abandonnant définitivement la fable de la libre circulation sur le corridor de Latchine, qui relie le Haut-Karabakh et l’Arménie, et renforçant le blocus qui perdure depuis le 12 décembre 2022, Ilham Aliev a fait installer des blocs de béton qui coupent définitivement toute communication.
Un « nouveau mur de Berlin » dans cette Europe élargie qui promet la mort par famine aux cent vingt mille habitants du Haut-Karabakh. Devons-nous encore répéter, à l’instar de nos collègues Les Républicains, que les menées de Bakou [capitale de l’Azerbaïdjan] contreviennent aux principes les plus élémentaires du droit international ? Devons-nous encore rappeler que l’Azerbaïdjan viole tous les jours ses propres engagements et les termes du cessez-le-feu de novembre 2020 ?
Devons-nous encore affirmer que cet Etat voyou se place au ban de la communauté internationale en se moquant de l’ordonnance du 22 février 2023 de la Cour internationale de justice lui intimant de rétablir immédiatement la libre circulation entre l’Arménie et le Haut-Karabagh ? Enfin, faut-il rappeler que l’exécutif dispose d’un mandat clair pour agir conformément aux résolutions adoptées par le Sénat le 15 novembre 2022 et l’Assemblée nationale le 30 novembre 2022, ce qui lui donne toute liberté d’action pour engager des sanctions et des politiques économiques contre le régime de Bakou et apporter un soutien opérationnel décisif aux Arméniens ?
L’actualité montre que la France sait punir qui elle veut et quand elle veut, même face à une Russie puissante. L’actualité montre que nous savons aussi déployer nos forces aux frontières de la Moldavie. Ne pas entendre nos appels répétés en faveur du Haut-Karabagh et ne pas consolider nos mesures fortes en sa faveur, c’est être complice de l’Azerbaïdjan.
Le président Emmanuel Macron a annoncé que le résistant arménien Misak Manouchian entrera au panthéon de la France le 21 février 2024, quatre-vingts ans après son exécution. On ne peut que se féliciter de cette décision qui, en la personne de Manouchian, marque aussi l’engagement de centaines d’apatrides rejetés par un pays : Arméniens, Juifs, Républicains espagnols, antifascistes italiens et bien d’autres, à servir en faveur des valeurs de liberté, d’humanité et de fraternité qui sont celles de la République française. Mais cette juste reconnaissance ne doit pas se transformer en une farce qui servirait de barrière pour laisser les Arméniens seuls à lutter contre le régime autoritaire et autocratique actuel de l’Azerbaïdjan.
Le Haut-Karabakh arménien est au bord de l’anéantissement. Le Haut-Karabakh, qui représente dans le Caucase du Sud ce que nous prétendons incarner nous-mêmes, mérite plus qu’un simple coup d’œil. Il mérite tout simplement le respect du droit à l’autodétermination de ses citoyens. Elle justifie le rôle et l’action de la France dans la région, elle confirme la légitimité de l’action de notre pays, et l’occupation établie par la force ne peut en aucun cas remettre en cause son existence.
Dans sa célèbre lettre d’adieu à sa femme Melina, Misak Manuchian écrit : “Au moment de ma mort, je déclare que je n’ai aucune haine pour le peuple allemand ou qui que ce soit d’autre. Chacun aura ce qu’il mérite, que ce soit en tant que punition ou en tant que récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront après la guerre dans la paix et la fraternité, qui ne dureront pas longtemps.”
Nous demandons à Emmanuel Macron de prendre des sanctions contre Ilham Aliyev et son groupe criminel, sans nourrir de haine contre les peuples, pour qu’Arméniens et Azerbaïdjanais puissent enfin coexister dans la paix et la fraternité dans ce Caucase du Sud où ils vivent côte à côte », peut-on lire dans la tribune.
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