« Forum mondial du dialogue interculturel », « Grand prix de Formule 1 », « COP 29 », « Sommet inter-religieux », les événements internationaux vont se succéder à Bakou jusqu’au mois de novembre prochain. Entre temps, les sportifs azerbaïdjanais dont certains avaient ouvertement exprimé des idées racistes et des appels au meurtre d’Arméniens (1) seront présents à Paris sous les couleurs de leur pays. Pourtant, lors de ces mêmes Jeux olympiques, les athlètes russes et biélorusses devront – c’est le « minimum syndical » – se présenter sous une bannière neutre. L’éternelle politique du « deux poids deux mesures »
Encouragé par cette complicité universelle, Aliev multiplie donc les événements internationaux, et comme le dit l’adage populaire, comme « on n’attire pas les mouches avec du vinaigre », il invite à grands frais dans sa capitale des participants à des colloques, symposiums et sommets de tout type. La très riche « Fondation Aliev » assure le financement et la logistique, tandis que le « Centre international pour le multiculturalisme » et d’autres institutions d’État, dont le « Comité pour le travail avec les organisations religieuses » (2), servent de caution morale ou scientifique à ces manifestations.
C’est dans ce contexte que s’est tenu à Bakou le 20 avril dernier la « 11ème conférence internationale sur l’Albanie du Caucase » avec la participation de plusieurs centaines d’intervenants étrangers. On notera cependant l’absence de représentants renommés de la communauté scientifique internationale. Mais, dans le même temps, la présence de deux dignitaires « d’Églises sœurs », l’archimandrite Alexey Nikonorov du diocèse russe orthodoxe d’Azerbaïdjan et l’archevêque Gabriyel Akyüz, de l’Église orthodoxe Syriaque de Turquie (3).
L’archimandrite Alexey Nikonorov L'archevêque Gabriyel Akyüz
Pour des raisons techniques, ce texte est publié deux mois après l’événement mais il conserve toute son actualité et un intérêt évident pour les spécialistes de la question.
La lecture de ce communiqué ne peut naturellement provoquer que les plus grandes réserves quant aux finalités de cette conférence aux prétentions scientifiques.
Ses organisateurs sont évidemment conscients de l’ineptie que représente l’organisation de telles manifestations. Une seule citation, celle de l’académicien Kamal Abdullah, suffit pour le comprendre : « l’établissement des circonstances de la création de l’État azerbaïdjanais repose sur des travaux scientifiques fiables. C’est la principale différence de principe qui caractérise l’Azerbaïdjan. La vérité est que lorsque nous sondons les profondeurs de l’histoire, nos monuments culturels et historiques expriment cette réalité ». La communauté scientifique internationale, par son absence, témoigne de l’exact contraire.
Peu importe. Leur motivation est ailleurs. Elle est double.
En serviteurs zélés, ils répondent à la commande de leur président et utilisent jusqu’au dernier manat les très généreuses subventions de la Fondation Aliev. Le résultat importe peu. Personne n’est dupe.
Ni les commanditaires, ni les participants qui auront profité d’un accueil somptuaire dans des palaces luxueux qu’aucun colloque scientifique international tenu hors d’Azerbaïdjan ne leur aura jamais assurés. En échange, ils auront apporté au Khan de Bakou un ersatz de caution universitaire auquel ils ne croient pas eux-mêmes, et auront, en « idiots utiles », visité les villes et villages de l’Artsakh occupé où leurs « collègues » azéris leur auront livré la doxa officielle alievienne sur « l’héritage albanien » de la région.
En définitive, au sortir, il y a d’un côté les « voleurs d’histoire » qui tentent de capter l’héritage d’autrui, et de l’autre, les « receleurs » qui font mine d’ignorer l’origine du larcin dont ils profitent.
Dans cette affaire, qui sont les pires ?
Traduction, documentation et notes de Sahag SUKIASYAN
Le 20 avril, le « Centre international pour le multiculturalisme » de Bakou, « l’Institut d’histoire et d’ethnologie de l’Académie nationale des Sciences » de l’Azerbaïdjan, « l’Association d’échange culturel Azerbaïdjan-Corée » et la « Communauté chrétienne albanaise-oudie » ont conjointement organisé la 11ème conférence internationale sur le thème « L’Albanie du Caucase : ethnoarchéologie, sources écrites et monuments historiques ». L’objectif de la conférence était de réunir d’éminents représentants internationaux des études albaniennes et d’assurer la tenue de débats scientifiques féconds.
Lors de la cérémonie d’ouverture de la conférence, le directeur de l’Institut d’histoire et d’ethnologie de l’Académie Nationale des Sciences d’Azerbaïdjan et docteur en histoire, le professeur Karim Chukurov, a déclaré que l’Albanie du Caucase existait depuis près de 1 000 ans. Cet État a créé un nouveau modèle historique par sa contribution à l’histoire universelle. L’Azerbaïdjan est aujourd’hui devenu le centre mondial des études albaniennes. Un important travail scientifique y est mené pour l’étude de l’histoire de l’Albanie du Caucase.
La question la plus importante concerne l’histoire et la géographie de l’Albanie caucasienne. Cet État qui était situé sur les deux rives du fleuve Koura (4) s’est développé dans cette même zone géographique historique.
En Azerbaïdjan, l’étude scientifique de l’Albanie caucasienne est menée de manière institutionnelle plutôt qu’individuelle (5). Jusqu’à cette 11ème conférence, un long chemin a été parcouru, des recherches sérieuses ont été menées et publiées. Aujourd’hui, l’albanologie continue d’être l’une des orientations scientifiques de l’histoire de l’Azerbaïdjan.
L’académicien Kamal Abdullaev, président du conseil d’administration du « Centre international de Bakou pour le multiculturalisme » et Recteur de l’Université des langues d’Azerbaïdjan, a noté que ceux qui lancent des affirmations sans fondement sur l’histoire de l’Albanie du Caucase, c’est-à-dire les « scientifiques » de l’Arménie voisine et ceux qui les soutiennent, ne sont pas motivés pas la recherche scientifique, mais par des considérations politiques. Ils poursuivent le rêve d’une « Grande Arménie » et prétendent ainsi écrire l’histoire de leur pays. Dans le même temps, la politique azerbaïdjanaise attend des résultats de la science. Et de ce point de vue, la vérité est de notre côté.
L’académicien Kamal Abdullah a déclaré que l’établissement des circonstances de la création de l’État azerbaïdjanais reposait sur des travaux scientifiques fiables. C’est la principale différence de principe qui caractérise l’Azerbaïdjan. La vérité est que lorsque nous sondons les profondeurs de l’histoire, nos monuments culturels et historiques expriment cette réalité. Le travail conjoint des historiens et des spécialistes de la littérature au service de l’étude de l’Albanie caucasienne est extrêmement important.
Ravan Hasanov, le directeur exécutif du « Centre international du multiculturalisme de Bakou », a souligné que l’Azerbaïdjan était l’héritier historique direct et le protecteur du riche patrimoine ethnoculturel albanien, de la culture ancienne et médiévale de l’Albanie du Caucase et de tout le patrimoine historique et religieux créé par les ethnies qui ont vécu dans cette région au cours des siècles. Il joue le rôle de principal centre mondial de recherche pour l’étude systémique de l’histoire et du patrimoine ethnoculturel de l’Albanie du Caucase. Il a souligné que l’étude des problèmes importants des études albaniennes dans les domaines de l’histoire, de l’archéologie, de l’anthropologie, de l’ethnologie, de la linguistique, de l’architecture et de l’art, la préservation et la protection du patrimoine ethnoculturel albanien constituent l’un des vecteurs importants de la politique multiculturelle de notre pays.
Le « Centre international pour le multiculturalisme » de Bakou se concentre en permanence sur des projets liés à l’Albanie du Caucase. Il organise régulièrement des conférences internationales, des présentations et des tables rondes afin de diffuser auprès d’un large public les recherches des scientifiques locaux et étrangers liées au patrimoine matériel et culturel, à l’histoire, à la géographie et à la population de l’Albanie du Caucase, qui appartient aux périodes antique et médiévale de l’histoire de l’Azerbaïdjan. Les matériaux présentés lors de ces conférences sont ensuite publiés dans différentes langues par le « Centre international de Bakou pour le multiculturalisme » et ils s’ajoutent aux supports pédagogiques déjà utilisés à l’étranger. Je pense que notre conférence d’aujourd’hui sera également au centre de l’attention du public.
Parmi les autres intervenants, figuraient le Directeur de l’Institut turc d’Histoire, le Docteur-professeur Yüksel Özgen, le Directeur général de l ‘Institut d’histoire et d’ethnologie du Comité scientifique du ministère des Sciences et de l’Éducation du Kazakhstan, membre correspondant de l’Académie des sciences du Kazakhstan, docteur en sciences historiques, le professeur Ziyabek Kabuldinov, le Directeur de l’Institut d’histoire de l’Académie des sciences d’Ouzbékistan, docteur en sciences historiques, l’ académicien Azamat Ziyo Gafaz qui a souligné l’importance d’étudier le patrimoine matériel et culturel de l’histoire, de la géographie, de l’ethnographie de l’Albanie et la population. Il a été indiqué que la conférence contribuerait aux travaux menés dans cette direction.
Des conférences sur les thèmes « Géographie historique et archéologie de l’Albanie du Caucase, situation intérieure de l’Albanie du Caucase, relations internationales et politique étrangère », «Écriture, religion et culture en Albanie caucasienne » (6),« Population et héritiers de l’Albanie caucasienne » se sont déroulées dans le cadre de ce symposium. Lors de ces conférences, ont été présentés les travaux d’experts en albanologie venus de Turquie, du Kazakhstan, d’Ouzbékistan, de Corée du Sud, de Russie, de Pologne, d’Italie, de Géorgie, d’Allemagne, de France (7), du Canada, des États-Unis et de Lituanie .
Il convient de noter que l’Azerbaïdjan joue le rôle de principal centre de recherche mondial pour l’étude systémique de l’histoire et du patrimoine ethnoculturel de l’Albanie du Caucase.
L’Albanie du Caucase occupe depuis près de mille ans (8) une place importante dans la vie de la région et a laissé un héritage historique important. Grâce à l’étude approfondie de ce patrimoine, le domaine scientifique des études albaniennes a été créé et se développe encore aujourd’hui.
La République d’Azerbaïdjan est l’héritière historique directe et la protectrice du riche patrimoine ethnoculturel albanais, de la culture ancienne et médiévale de l’Albanie caucasienne et de tout le patrimoine historique et religieux créé par l’ethnie qui a vécu dans cette région des siècles durant.
Étudier les problématiques importantes des études albanaises dans les domaines de l’histoire, de l’archéologie, de l’anthropologie, de l’ethnologie, de la linguistique, de l’architecture et de l’art, préserver et protéger le patrimoine ethnoculturel albanien est l’une des orientations importantes de la politique multiculturelle de notre pays.
Le programme «Étudions l’Albanie du Caucase » du « Centre international du multiculturalisme de Bakou » a été mis en œuvre dès les premiers jours de fonctionnement du centre. Dans le cadre de ce programme, on trouve les travaux des chercheurs locaux et étrangers liées au patrimoine matériel et culturel, à l’histoire, à la géographie et à la population de l’Albanie caucasienne, qui appartiennent aux périodes antique et médiévale de l’histoire de l’Azerbaïdjan. Des conférences internationales, des présentations et des tables rondes sont régulièrement organisées afin de transmettre la recherche à un large public.
Le 19 avril, les participants à la conférence se sont rendus en visite dans les localités de Hadrut [Հադրութ ]et de Tugh [Տող]de la région de Khojavend [Մարտունի]
Ci-dessous, les liens azerbaïdjanais qui revoient à cette conférence.
https://youtu.be/EMLGCEfAglE?si=P8_FZRtuG9PQUTDb
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(1) On se souvient en particulier qu’en novembre 2020, Nurlan Ibrahimov, le responsable de la communication du Qarabağ FK avait appelé à « tuer tous les Arméniens, jeunes et vieux, sans distinction ».
(2) Véritable « Ministère des Cultes » créé sur le modèle du « Diyanet İşleri Başkanlığı » le Ministère des cultes de Turquie, « l’autre État laïc » de la région. Depuis 2001, l’année de sa création par Heydar Aliev, cet organe d’État contrôle d’une main de fer l’activité de toutes les communautés religieuses du pays, qu’elles soient musulmanes, chrétiennes ou juives.
(3) Auteur d’un ouvrage sur « l’Église d’Albanie », le premier est surtout connu pour le zèle avec lequel il sert depuis de nombreuses années la propagande azerbaïdjanaise. Administrateur du diocèse russe de Bakou jusqu’à une date récente, il n’a cependant pas réussi à se faire nommer à la tête de ce diocèse malgré le soutien des autorités locales. Le 30 mai dernier, c’est l’évêque Alexey Sminov qui a été désigné à cette charge par le Synode de l’Église russe. Le second, le métropolite Gabriyel Akyüz, est un religieux de l’Église orthodoxe syriaque de Turquie. Un personnage « sulfureux » qui avait été défroqué en 2021 et récemment rétabli dans ses fonctions, en raison de « problèmes au sein de l’archidiocèse de Tur Abdin ».
(4) Cette affirmation est entièrement fausse, cet Etat ne s’est étendu que sur la rive gauche de ce fleuve.
(5) On comprend évidemment pourquoi.
(6) On peut espérer que dans le cadre de la conférence consacrée à ce thème, les participants n’auront pas manqué de souligner le rôle capital de Saint Mesrob Mashdots en tant qu’inventeur de l’alphabet albanien. Pour l’information des organisateurs, très récemment, des ouvrages ont été publiés sur l’Albanie du Caucase, un sous la direction de Jost Gippert et de Jasmina Dum Tragut, et un autre sous la direction d’Igor Dorfmann Lazarev. Jost Gippert qui a été l’un des déchiffreurs de l’albanien du Caucase est l’un des savants les plus qualifiés dans ce domaine. On peut aussi citer Marco Bais qui a écrit une histoire de l’Albanie du Caucase.
(7) Curieusement, le communiqué ne cite aucun nom de spécialistes français, connu ou moins connu. Aucun des spécialistes de la région que j’ai contactés n’était ni informé, ni invité, à cette « conférence internationale » .
(8) Cette seule affirmation permet de juger de la compétence des organisateurs de cette conférence lorsqu’ils affirment que l’Albanie occupe depuis près de mille ans une place importante dans la vie de la région. C’est rajeunir de manière drastique ce pays lorsque l’on sait qu’il y avait déjà en 66 avant notre ère, c’est-à-dire il y a plus de 2000 ans, un roi d’Albanie nommé Oroisès qui s’opposa à Pompée.
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