Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

HOMMAGE – L’architecte Alain Daronian nous a quittés mais l’EPYM de Chouchi renaîtra au Tavush 

Nous avons été bouleversés par la disparition le 12 aout dernier de l’excellent architecte/concepteur, notre ami, Alain Daronian. Il incarnait, à mes yeux le génie des grands bâtisseurs arméniens d’Asie Mineure et son nom me rappelait la région du Daron, Royaume Bagratide indépendant, qui devint un haut-lieu de résistance à l’oppression ottomane.

Alain mobilisa tous ses sentiments, son savoir, sa rigueur dans la conception et le suivi des travaux de l’École Professionnelle Yeznig Mozian (EPYM) à Chouchi (alors République d’Artsakh), une École professionnelle dédiée à l’enseignement des métiers du bâtiment. Du Premier Ministre Arayik Haroutunian (aujourd’hui otage de Bakou), jusqu’aux vaillants ouvriers de chantier, une équipe fut constituée pour réaliser les plans d’Alain ; bâtir et équiper 4000 m2 d’ateliers, de salles de classe et de labos alimentés par des panneaux solaires. 

J’ai eu la chance d’avoir Alain à mes côtés dès 2010. 

Je me rappelle encore notre première visite au Centre de Formation d’Apprentis du BTP de Rueil-Malmaison. Il y photographiait tous les coins et recoins de l’établissement, pendant que son directeur, Éric Leymarie, me prodiguait ses conseils et nous remettait sur clés USB toutes les données de son établissement qui devint notre référentiel.

Alain voulait que le bâtiment de l’école de Chouchi inspire pleinement ses élèves et leur permettent de saisir les contraintes de leurs futurs métiers. D’où, par exemple, son insistance à le bâtir en béton armé, technique que les entrepreneurs locaux devaient, selon lui, maîtriser pour que leurs ouvrages résistent aux secousses des montagnes du Caucase. 

En 2018 nous envisageâmes même d’élargir le champ des enseignements, en rénovant un bâtiment historique adjacent laissé en jachères. Alain se disait prêt à nous accompagner à nouveau sur cette idée.

Entre 2015 et 2020, 20 jeunes ingénieurs/enseignants/cadres, formés en France, permirent à 300 jeunes d’obtenir l’équivalent d’un C.A.P. très prisé localement. 

Il y eu malheureusement le mois d’octobre 2020 quand une armée de mercenaires, appuyés d’engins volants sophistiqués, passèrent par-là semant « ruine et deuil ». Seul l’EPYM fut épargnée par les drones israéliens, perfidement pilotés, pour que ses bâtiments servent de « Kommandantur » à l’armée azérie. De là furent pilotés l’embargo du pays et l’épuration ethnique de 2023. 

Quelle destinée paradoxale pour un peuple et une école « qui ne voulaient que vivre ».

Et pourtant, de 2021 à 2023, nous avons installé l’EPYM2 à Stépanakert. Une bonne centaine de professionnels supplémentaires y reçurent leurs diplômes. Ils sont très appréciés aujourd’hui en Arménie.

L’EPYM comme le Phénix renaîtra de ses cendres.

J’aime à répéter : « Une École, c’est avant tout du savoir-faire et du savoir-être, des principes techniques et éthiques à cultiver et à transmettre pour pérenniser sa mission ». 

Forts de ces convictions, des cadres expérimentés de Chouchi préparent, sous la direction du Fonds Arménien de France (fidèle à sa mission de légataire universel), l’ouverture en septembre 2025 de trois sections d’enseignement des métiers du bâtiment à Idjevan, au cœur même du Collège Patrick Devedjian. Ce sera la naissance de l’EPYM 3.

Là, dans un an, nous rappellerons l’œuvre magistrale d’Alain Daronian et le dicton préféré de son mécène Yeznig Mozian: « Celui qui maîtrise un métier ne meurt jamais de faim ».

 Robert AYDABIRIAN