Portrait musical d’un pays où la sauvegarde du patrimoine culturel est une lutte séculaire et où la tradition irrigue
la création contemporaine
« Berceau des civilisations indo-européennes, l’Arménie est un pays à l’histoire aussi riche que troublée. La République d’Arménie d’aujourd’hui s’étend d’ailleurs sur un dixième seulement du territoire arménien historique, et la plupart des Arméniens vivent en dehors des frontières du pays actuel. La majeure partie de cette diaspora s’est constituée à la suite du génocide des Arméniens organisé par le mouvement nationaliste des Jeunes-Turcs durant la Première Guerre mondiale. Le lien à la culture arménienne a pris des couleurs d’autant plus essentielles pour ce peuple « hanté par […] la nostalgie irréductible à l’égard d’une patrie confisquée et interdite », écrit Claire Mouradian. Le week-end que consacre la Philharmonie à ce pays entre Europe et Asie est l’occasion de découvrir à la fois son patrimoine musical, mais aussi ses croisements avec d’autres cultures au fil des exils ainsi que ses expressions contemporaines. »
On peut résumer à peu près à ces quelques lignes de la Philharmonie de Paris le leitmotiv qui l’a conduite à organiser « Un Week-end pour l’Arménie », qui s’est tenu à la Cité de la Musique, du 26 au 29 septembre.
Contrairement à son titre, l’initiative ne se limitant pas seul à un week-end, a démarré dès le jeudi 26 septembre. Les ensembles « Vostan » et « Naghash » se sont produits successivement, présentant en particulier le charme du duduk arménien.
Le vendredi 27 septembre a eu lieu une soirée de musique de chambre, au cours de laquelle le violoniste Davit Haroutunian a présenté sa composition « Mayrig » inspirée des œuvres de Komitas. Il était entouré d’Astrig Siranossian au violoncelle, de Xénia Maliarevitch au piano et d’Eva Zaïcik, mezzo-soprano.
En deuxième partie de soirée, Tigran Hamasyan, pianiste et compositeur de jazz s’est produit en quintette pour The Bird of a Thousand Voices, une fusion musicale inspirée du conte « Hazaran Blbul » et de son « Rossignol aux mille voix » qu’il fait envoler entre jazz contemporain, hymnes folkloriques arméniens, musique pop, rock progressif et metal.
Samedi 28 septembre en début de soirée, le tout jeune pianiste Jean-Paul Gasparian a donné un récital tiré de son album « Origins » qui vient de paraître, inspiré essentiellement des Danses de Komitas, mais aussi des œuvres de son père, Gérard Gasparyan, pianiste lui aussi, tout en visitant celles d’autres classiques comme Arno Babajanyan.
En cette même soirée du 28 septembre lui a succédé l’Orchestre Lamoureux, sous la direction d’Adrien Perruchon, célébrant le centenaire de Charles Aznavour, en revisitant ses succès les plus connus en mode symphonique. Les chanteurs et chanteuses Yael Naim, Keren Ann, Oxmo Puccino, Zaz ou encore Charlie Winston ont interprété un « Aznavour Symphonique », avec la participation d’Erik Berchot, qui était le pianiste attitré du grand chansonnier.
L’Orchestre Lamoureux s’est produit également le lendemain.
Et comme il était impensable de rendre hommage à l’Arménie et à sa musique sans programmer des œuvres d’Aram Khatchaturyan, l’Orchestre Symphonique d’État d’Arménie et son chef prestigieux Sergueï Smbatyan se sont produits avec la violoncelliste Astrig Siranossian, sur la scène de la Philharmonie, pour interpréter quelques unes des œuvres du grand compositeur arménien, comme « Mascarade », le « Concerto-rhapsodie pour violoncelle et orchestre » et des extraits de « Gayaneh » et « Spartacus ».
A noter également qu’une table ronde intitulée : « La préservation du patrimoine culturel arménien : une lutte séculaire » a été organisée, avec la participation notamment d’Anaïd Donabedian, responsable des études arméniennes à l’Inalco (Institut National des Langues et Civilisations Orientales).
Et comme la cuisine est un des éléments indissociables d’une culture, la cheffe étoilée Julia Sedefdjian, invitée au restaurant panoramique de la Philharmonie, a proposé samedi soir un diner exceptionnel en cinq services pour un voyage gastronomique revisitant les traditions culinaires arméniennes « avec modernité et élégance et pour une expérience gustative mémorable ».
Ajoutons que c’est dans le cadre de cette initiative que s’inscrivait également la décoration du maestro émérite, compositeur Garbis Aprikian par la médaille « Grand Vermeil » de la Ville de Paris.
La cérémonie de la remise a eu lieu en l’absence du principal intéressé, pour des raisons de santé. La médaille a été remise à ses fils, – en présence de l’ambassadrice SEMme Hasmik Tolmajian, par l’adjoint à la Maire de Paris, Arnaud Ngatcha qui a déclaré à cette occasion : « Fier d’avoir remis au nom de Anne Hidalgo la médaille Grand Vermeil de la Ville de Paris au compositeur et chef d’orchestre Garbis Aprikian. Humaniste engagé, pont entre les cultures arménienne et française, son œuvre a permis de faire rayonner la culture arménienne à Paris et en France. »
© 2022 Tous droits réservés