Vue générale du monastère de Dadivank
Tous les médias azerbaïdjanais l’annoncent dans le mêmes termes et avec une même sélection de photographies, ce qui en dit long sur l’indépendance de la presse de ce pays et sur sa raison d’être : le monastère médiéval arménien de Dadivank a été livré par les autorités à la prétendue « Communauté chrétienne albanienne des Oudis », une officine de la propagande azerbaïdjanaise créée en 2003.
Aux portes du monastère
Le 5 décembre 2020, alors que le monastère était théoriquement placé sous la protection de la force « d’interposition russe », les membres de cette organisation s’étaient présentés à l’entrée du monastère accompagnés du photographe propagandiste Réza pour le revendiquer. La communauté monastique arménienne qui s’y trouvait alors[1] avait empêché les membres de ce groupe de célébrer une « liturgie » dans les églises de l’ensemble monastique[2]. Ces azéro-oudis avaient dû se contenter d’une prière récitée par l’aumônier du contingent russe[3].
Réza au monastère
Trois semaines auparavant, le 14 novembre 2020, le père Vahram Melikyan, responsable des relations avec la presse du Catholicossat de tous les Arméniens avait écrit sur sa page Facebook: « Je vous informe que Dadivank est déjà sous le contrôle des soldats de maintien de la paix russes et n’est pas en danger. Il y a actuellement plusieurs ecclésiastiques au monastère qui continueront d’y célébrer les offices canoniques »[4].
Les Russes à Dadivank
Le Kremlin indiquait de son côté que lors d’une conversation téléphonique tenue 14 novembre avec Ilham Aliev, le président russe avait souligné la nécessité de « préserver les sanctuaires chrétiens dans les territoires que l’Arménie restituait à l’Azerbaïdjan ».
Le 20 novembre 2020, l’agence Armenpress reprenait une brève de l’agence de presse russe Ria novosti indiquant que lors d’une consultation sur la mission russe de maintien de la paix au Haut-Karabakh, V. Poutine avait déclaré que « la question de la protection des monuments et des sanctuaires du Haut-Karabakh était très importante », et que « la participation de l’UNESCO était espérée par Moscou ». Le dirigeant russe avait alors déclaré « Je voudrais particulièrement parler de la protection des monuments historiques et des sanctuaires religieux, tant arméniens qu’ azerbaïdjanais. Cette question revêt une importance morale humaine importante. Je pense que l’implication de l’UNESCO est très attendue. Nous espérons que L’UNICEF aidera les enfants et les adolescents qui sont particulièrement vulnérables aux horreurs des conflits militaires »[5]. Vladimir Poutine avait alors ajouté que le ministère russe des Affaires étrangères avait des instructions pour tout cela[6].
Les églises du monastère
Bas-reliefs
En mai 2021, après plusieurs mois de résistance durant lesquels quelques dizaines de pèlerins avaient pu se rendre sous escorte des Russes au monastère, la communauté monastique a été contrainte de quitter le sanctuaire[7]. Les Azéris avaient commencé par empêcher la venue des fidèles des régions non occupées de l’Artsakh, puis interdit la relève des ecclésiastiques qui continuaient d’y vivre et d’assurer la célébration des offices. En 2020, Une partie du patrimoine du monastère – ses deux célèbres khatchkars, les fresques[8] et les cloches – avait heureusement été déposés et été emportés en Arménie où ils se trouvent en sécurité.
Célèbres khatchkars de Dadivank
Fresques
En septembre dernier, I. Aliev et son épouse, vice-présidente de la République et ancienne « ambassadrice de bonne volonté » auprès de l’UNESCO, avaient visité en conquérants le monastère comme ils l’avaient fait à la cathédrale du Saint Sauveur de tous de Chouchi.
Il est naturellement vain de rajouter quoi que ce soit à ces nouvelles, mais peut-être de conseiller au groupe des braconniers et mercenaires oudis à leur solde ces versets du chapitre 10 de l’évangile selon saint Jean :
01 « Amen, amen, je vous le dis : celui qui entre dans l’enclos des brebis sans passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit, celui-là est un voleur et un bandit. 02 Celui qui entre par la porte, c’est le pasteur, le berger des brebis. 03 Le portier lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix. Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom, et il les fait sortir. 04 Quand il a poussé dehors toutes les siennes, il marche à leur tête, et les brebis le suivent, car elles connaissent sa voix. 05 Jamais elles ne suivront un étranger, mais elles s’enfuiront loin de lui, car elles ne connaissent pas la voix des étrangers. »
Un peu de lecture biblique ne pourra pas nuire à ces « néophytes », convertis de la dernière heure.
Sahak SUKIASYAN
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[1] Mgr Vrtanès Abrahamian, qui n’était pas encore primat de l’Artsakh, avait alors poliment reçu et écouté Robert Mobili et Raffik Tanakari, les deux animateurs de ce groupuscule.
[2] On peut d’ailleurs se demander quel office aurait pu être célébré puisque les Oudis ont depuis des siècles adopté le rite arménien. Voir au sujet de l’Église et de la langue des Albaniens du Caucase la discussion filmée de Bernard Outtier: https://youtu.be/uWbRZj_0XBM?feature=shared et l’article de Marion Duvauchel https://www.eecho.fr/albanie-du-caucase-et-propagande-azerbaidjanaise/
[3] https://www.mobili.az/pdf/Xudavenk-news-0566.mp4
[4] https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=1789790984503135&id=1006972809451627&m_entstream_source=permalink&_rdr
[5] Il est vrai qu’il n’avait pas encore donner l’ordre d’envahir l’Ukraine, ni de bombarder ses « frères orthodoxes » et leurs sanctuaires.
[6] https://armenpress.am/en/article/1035512 la nouvelle est également reprise par Interfax : https://www.interfax.ru/russia/738062
[7] https://youtu.be/M6AUTQkWkQw?feature=shared
[8] Une de ces magnifiques fresques est unique de par sa composition. L’iconographe y a représenté la réhabilitation de saint Nicolas de Myre, dit le taumaturge, l’un des pères du Concile de Nicée dont nous fêterons en 2025 le 1700e anniversaire.
Mgr Vrtanès avec Mobili (à-g) et Tanakari
Tanakari
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