Avec la chute du régime d’Assad, la fragile souveraineté de la Syrie est davantage mise en danger. Le pays est divisé entre quatre forces locales, qui à leur tour sont protégées par des puissances extérieures : la Turquie, l’alliance USA-Europe-Israël, la Russie et l’Iran. Personne ne s’attendait à une chute aussi soudaine du pays. Personne ne s’attendait à ce que l’armée syrienne, force principale de la sécurité et de la souveraineté de l’État, se rende sans se battre. La chute d’Assad emporte avec elle la puissante influence de la Russie et de l’Iran. En face, celle de la Turquie et d’Israël se voit renforcée.
Selon l’agence de presse turque Anadolu, le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé que les organisations terroristes comme l’« État islamique » et les kurdes alliés de PKK « Forces Démocratiques Syriennes» (YPG) en Syrie seraient immédiatement écrasées. Bien qu’aujourd’hui comme dans le passé, l’«État islamique » soit armé par la Turquie et qu’à ce sujet la rhétorique utilisée ne trompe personne, dans la déclaration du chef de l’Etat turc, la cible principale désignée est bien le YPG. Et pendant que les forces Hayat Tahrir al Sham (HTS) occupaient Damas, l ‘« Armée Nationale syrienne » soutenue et armée par la Turquie a attaqué et capturé Manbij, une ville stratégique sous contrôle des Kurdes.
Ainsi la chute d’Assad a été aussi un coup dur pour le Rojava – territoires syriens sous la domination des Kurdes – soutenu et armé par les États-Unis, des Européens et Israël. En tant qu’alliée des États-Unis, la Turquie est dans l’obligation de prendre en compte les intérêts stratégiques des États-Unis dans la région, mais la question kurde vient perturber ses calculs. Le sénateur américain Lindsey Graham – républicain – a envoyé un avertissement sur son compte X à la Turquie, disant que les États-Unis ne devraient pas permettre à la Turquie de menacer les Kurdes.
La question des relations de la Turquie avec Israël est beaucoup trop ambigüe, étant donné que les deux pays sont alliés des Etats-Unis. La Turquie va-t-elle occuper la place de l’Iran en tant que force opposée à la politique annexionniste et meurtrière vis-à-vis des Palestiniens ? Quelle politique vont adopter les forces islamiques qui lui sont subordonnées ? Dans quelle mesure la Turquie participera-t-elle aux initiatives militaires anti-israéliennes ?
Avec la chute d’Assad, l’armée israélienne a pénétré en territoire syrien et a occupé de nouvelles positions militaires, et de même, elle a bombardé les casernes et les dépôts de munitions de l’armée syrienne dans toute la Syrie, pour éviter qu’ils ne soient capturés par les nouveaux maîtres islamistes.
Le renforcement de la Turquie dans la région constitue une nouvelle menace pour la stabilité du Moyen-Orient. Cette nouvelle donne va affecter le sort de la communauté arménienne de la Syrie sous domination islamiste. Jusqu’à aujourd’hui, les droits des Arméniens et des autres minorités étaient respectés par le régime Assad. Même si les nouvelles forces islamistes ont assuré aux minorités que leurs droits seraient protégés, que valent les promesses politiques lors des bouleversements majeurs ?
Le renforcement des positions turques aura également des conséquences sur les relations avec l’Arménie. Dans les conditions d’instabilité politique de la Géorgie, l’axe Turquie-Azerbaïdjan renforce à nouveau l’exigence de l’ouverture du corridor «Zanguezour», demande qui sera accentuée par celle de la Russie si la guerre en Ukraine prend fin rapidement avec l’intervention du président Trump. Parmi les pays environnants et frontaliers de l’Arménie, la stabilité de l’Iran reste le seul facteur externe qui ne présente pas de menace pour sa sécurité.
J. Tch. ■
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