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Pour qui construit-on une deuxième église catholique à Bakou ?

Vahram Atanessyan,

1in.am, le 16 décembre 2024 

Le 11 décembre, Pachazadé, le chef spirituel de l’Azerbaïdjan,  a reçu l’archevêque Paul Richard Gallagher, le Secrétaire d’État du Vatican[1], qui coordonne les relations avec les structures interétatiques et internationales du Saint-Siège, et de fait le « ministre des Affaires étrangères » du Vatican.

La raison de sa visite à Bakou était la cérémonie de consécration du terrain alloué à la construction d’une nouvelle église catholique. Au mois de  mai de l’année dernière, sur ordre du président Ilham Aliev, le gouvernement azerbaïdjanais avait  attribué un terrain de 0,17 hectare dans le quartier appelé Yasamali de Bakou pour la construction d’une église catholique. À cette occasion, l’agence « Turan » a exprimé sa perplexité en s’interrogeant sur l’utilité de ce deuxième sanctuaire alors que la communauté catholique d’Azerbaïdjan ne compte pas plus de 2 000 membres déjà accueillis spirituellement dans une église en activité depuis quinze ans.

À la fin du siècle dernier, une importante communauté catholique riche de plusieurs centres religieux existait à Bakou. Après l’effondrement de l’empire tsariste, des milliers d’hommes d’affaires européens catholiques quittèrent Bakou. Les « derniers Mohicans », des descendants des Allemands installés dans la région du Ganzak[2], furent alors déportés de la capitale de l’Azerbaïdjan soviétique au Kazakhstan et dans le territoire de l’Altaï au cours de la première année de la Seconde Guerre mondiale. Staline pensait alors qu’ils pourraient être recrutés par les services secrets allemands.

Qui sont aujourd’hui les catholiques qui vivent à Bakou ? Il s’agit très probablement d’hommes d’affaires susceptibles de s’installer dans un autre pays ou de retourner à tout moment dans leur pays d’origine. Dire que le Vatican ignore cette dimension des choses ou qu’Ilham Aliev  ne connaitrait pas le nombre de catholiques qui fréquentent l’église catholique existante à Bakou serait bien naïf.

Le Vatican et la famille qui régne sur l’Azerbaïdjan entretiennent des relations et ont des intérêts communs depuis longtemps. L’archevêque Gallagher a eu des réunions avec les responsables de la Fondation Heydar Aliev. Il est de notoriété publique  que de multiples travaux de restauration ont été accomplis au Vatican grâce à la fondation de la famille Aliev. De nouveaux engagements ont sans doute aussi été pris récemment.

La cérémonie de consécration du terrain de la deuxième église catholique de Bakou constitue de toute évidence une  sorte de « couverture diplomatique » pour le Vatican. L’éditorial de « Turan »[3] laisse entendre que le gouvernement azerbaïdjanais souhaite « également que le Vatican ouvre les archives du Vatican aux scientifiques azerbaïdjanais »  On peut aisément imaginer ce que sous-entend cette information.

Il y a quelques mois, le journal officiel du Vatican avait publié un article sur l’Albanie du Caucase qui reprenait  la thèse historico-civilisationnelle de l’Azerbaïdjan[4]. Il est extrêmement important pour le gouvernement d’Aliev de réaliser son plan « d’internationalisation » du patrimoine historique et culturel de l’Artsakh et de l’ensemble du Caucase oriental.

Le soutien du Vatican, même s’il n’est pas ouvertement déclaré , est si important qu’Ilham Aliev ne ménagera pas ses deniers pour la construction d’une deuxième, voire d’une troisième église catholique à Bakou.

Il a peut-être pu, à cette fin, contraindre le chef spirituel Pachazadé à proclamer l’Azerbaïdjan « berceau de la foi chrétienne » lors de cet échange avec le représentant du Vatican.

Aliev commet actuellement un crime civilisationnel au Haut-Karabakh. La construction d’une deuxième église catholique à Bakou est-elle simplement un moyen pour maquiller l’identité de vue qui existe entre le Vatican et lui  ?

Que fera l’Arménie ? Et a-t-elle d’ailleurs quelque chose à faire ?

Traduction : Sahak SUKIASYAN

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[1] Paul Richard Gallagher, né le 23 janvier 1954 à Liverpool, est un prélat britannique. Membre des services diplomatiques du Saint-Siège, il est secrétaire pour les relations avec les États de la secrétairerie d’État depuis le 8 novembre 2014.

[2] La Gandzak arménienne, devenue ensuite Elizavetpol, aujourd’hui Ganja.

[3] Agence de presse azerbaïdjanaise.

[4]   « A Khudavang, Ganjasar e Khatiravang, Monasteri tra le nuvole », L’Osservatore romano, le 24 juillet 2024. https://www.osservatoreromano.va/it/news/2024-07/quo-167/monasteri-tra-le-nuvole.html

L’église catholique Immaculée Conception de la Vièrge Marie à Bakou