Le site du Bureau des Musulmans du Caucase[1], rapporte que le chef religieux du pays, le Cheikh-ul-islam Allahchukur Pachazadé, participe à divers événements dans le cadre d’une Année du monde islamique en Belgique et en Europe qui se déroule à Bruxelles depuis deux jours. Ces rencontres placées sous patronage du Roi Philippe sont soutenues par l’Académie européenne de développement et de recherche, le Centre international du multiculturalisme de Bakou et le Bureau des Musulmans du Caucase. Parmi les participants, figurent des représentants du Parlement européen, les députés du Milli Majlis[2] Javanshir Pachazadé et Gudrat Hasanguliev, des dirigeants des confessions religieuses d’Azerbaïdjan, le responsable de la Communauté juive des montagnes, Melih Yevdaev, le responsable de la Communauté catholique d’Azerbaïdjan et Préfet apostolique de l’Église catholique romaine, l’évêque Vladimir Fekete, et le chef de la Communauté Albanienne des Oudis, l’incontournable Robert Mobili[3].
Une nouvelle fois, cette manifestation visiblement organisée par les autorités azerbaïdjanaises n’aurait pour seul but que « d’approfondir les relations entre les religions et les civilisations entre l’Europe et le monde islamique »[4]. Sans aucune autre intention …
Lors d’une table ronde qu’il inaugurait le 6 mars, Allahchukur Pachazadé, a déclaré « qu’il était honoré d’offrir les salutations et les bénédictions de [son] peuple, en particulier du président azerbaïdjanais Ilham Aliev, au nom de l’Azerbaïdjan, un pays aux valeurs multiculturelles ». Il a ensuite développé son propos en insistant sur le fait que « cette réunion à Bruxelles, le centre politique de l’Europe, a été un événement très important et d’une importance historique en termes de contribution réelle à l’approfondissement des relations entre les civilisations, les religions et les cultures ».
Le hiérarque musulman a poursuivi en livrant pieusement la sempiternelle rhétorique aliévienne en rappelant que « les années de multiculturalisme et de la solidarité islamique annoncées par le président azerbaïdjanais Ilham Aliev et le processus de Bakou sur le dialogue interculturel dont il est l’auteur, servent la solidarité humaine dans le monde .
Le couplet désormais bien connu sur « l’Azerbaïdjan terre de tolérance » a été servi comme il convient en pareilles circonstances : « En termes d’amitié, de fraternité et de coopération interreligieuses, le modèle de coexistence accompli de l’Azerbaïdjan peut être un exemple pour le monde entier. Les personnes appartenant aux différentes confessions religieuses d’Azerbaïdjan estiment qu’elles font partie intégrante de notre société et qu’elles ont également droit à l’attention, aux soins matériels et moraux et à la protection de l’État. Outre les mosquées, les églises et les synagogues fonctionnent librement … la diversité ethnique et religieuse est considérée comme la richesse nationale de notre pays ». A une exception près …
En propagandiste zélé, évoquant selon le rédacteur du site « les travaux de construction à grande échelle sur les terres libérées de l’esclavage de l’Azerbaïdjan », Pachazadé s’est une fois de plus lancé dans la rituelle diatribe anti-arménienne en déclarant que « les sanctuaires appartenant à toutes les religions ont été restaurés par [notre] État, malheureusement, les forces qui ne se soucient pas de l’Azerbaïdjan calomnient notre peuple aux traditions de tolérance dans des campagnes de diffamation contre notre pays, abusant de la solidarité chrétienne, autorisant deux poids, deux mesures et essayant d’accuser l’Azerbaïdjan…. Je voudrais profiter de cette occasion pour déclarer que les campagnes de diffamation et les accusations sans fondement et partiales de l’Église arménienne, qui est à l’avant-garde des idées de revanchisme dans l’Arménie mono-ethnique, contre l’Azerbaïdjan au niveau international se poursuivent ».
Assuré de la coopération logistique des organismes d’état, dont la Fondation Aliev, disposant d’énormes ressources financières et toujours prêts à mettre « la main à la poche pour la bonne cause », il a terminé son discours par ces mots : « Je vous invite à visiter l’Azerbaïdjan, qui a restauré son intégrité territoriale et sa souveraineté reconnue par la communauté mondiale conformément aux résolutions de l’ONU, et à découvrir nos terres qui ont été ravagées pendant 30 ans d’occupation, les résultats du vandalisme, les mosquées et les temples détruits et profanés, les villages et les villes qui ont été effacés de la surface de la terre. Les discours de haine se répandent dans le monde, y compris dans certains pays d’Europe, rappelant que leurs appels constituent la plus grande menace pour la tolérance et le multiculturalisme ».
Et nous dans tout ça ? On se prend en tant qu’Arménien à rêver d’une telle initiative de nos responsables religieux des trois confessions alors que nous disposons d’innombrables « amis » dans toutes les instances européennes et que l’Arménie et son peuple viennent d’entamer un rapprochement avec l’Union européenne.
Pourquoi cette frilosité alors que le chef religieux des Musulmans d’Azerbaïdjan, dont on sait qu’il ne pourrait prendre aucune initiative de ce type sans la « bénédiction » d’Aliev, se présente au sein des instances européennes pour y prêcher la bonne parole en si bonne compagnie ?
Sahak SUKIASYAN
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[1] Le « Vatican de l’Azerbaïdjan »
[2] Parlement de Bakou.
[3] On notera avec intérêt que l’évêque russe orthodoxe Alexy qui répond traditionnellement à toutes les convocations de ce type n’avait pas fait le déplacement de Bruxelles, sans doute pour ne pas mécontenter sa hiérarchie et à l’ambassadeur de Russie à Bakou.
[4] A l’exception de la page Facebook de l’ambassade d’Azerbaïdjan en Belgique et du site de l’Église catholique en Azerbaïdjan, à ce jour, on ne trouve trace de cet événement dans aucun autre media.
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