La décision récente de l’Export-Import Bank des États-Unis (EXIM) d’accorder plus de 339 millions de dollars à la compagnie privée azerbaïdjanaise Silk Way West Airlines soulève de sérieuses interrogations. Officiellement destinée à soutenir les exportations américaines dans le secteur aéronautique, cette aide publique bénéficie à une entreprise dont les activités sont de plus en plus associées au transfert d’armements entre Israël et l’Azerbaïdjan.
Les faits sont bien documentés : depuis 2016, les vols de Silk Way depuis la base aérienne israélienne d’Ovda, centre névralgique de la logistique militaire du pays, se sont intensifiés à chaque montée des tensions dans le Caucase, entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. En 2020, alors que la guerre faisait rage au Haut-Karabakh, la compagnie a opéré 26 vols entre Israël et l’Azerbaïdjan. En 2024, ce chiffre est presque égalé, avec une flambée notable en décembre, dans le sillage de discours ouvertement hostiles du président Ilham Aliev à l’égard de l’Arménie.
En soutenant Silk Way, même indirectement, Washington prend le risque de se rendre complice d’un réarmement qui alimente des conflits régionaux aux conséquences humaines et géopolitiques lourdes. Ce paradoxe est d’autant plus troublant que l’aide américaine est ici mobilisée non pas pour renforcer la paix ou la stabilité, mais pour soutenir une compagnie liée à des transferts de matériel militaire vers un régime autoritaire au passif lourd en matière de droits humains.
Il ne s’agit pas ici de remettre en cause le principe même du soutien à l’exportation. Mais dans un monde de plus en plus polarisé, où les choix économiques ont des répercussions diplomatiques, la neutralité apparente des transactions financières masque trop souvent des implications stratégiques. En l’occurrence, l’argent américain risque de renforcer une chaîne logistique militaire qui a déjà servi dans des offensives critiquées par la communauté internationale.
Le cas de Silk Way est emblématique d’un aveuglement politique plus large : celui qui consiste à soutenir des « partenaires » au nom du commerce, même lorsqu’ils sapent les principes que les États-Unis prétendent défendre. ■
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