Conditions préalables pour déstabiliser l’Etat arménien

Lors du Forum Diplomatique d’Antalya organisé par la Turquie, le ministre azerbaïdjanais, Jeyhun Bayramov, a de nouveau insisté sur les deux conditions préalables à la signature d’un traité de paix avec l’Arménie : la modification de la Constitution et la dissolution du Groupe de Minsk. Lors de la conférence de presse tenue avec le président allemand Frank-Walter Steinmeier, le 2 avril, Aliev n’avait-il pas déclaré : « Une fois ces deux conditions remplies, il n’y aura pas d’obstacle à la signature du traité de paix ». Aliyev n’en est pas à sa première volte-face.

Lors du FDA, le ministre arménien des Affaires étrangères, Ararat Mirzoyan, a donné une réponse très pertinente à Jeyhun Bayramov, en déclarant que l’Arménie voit également des revendications territoriales à son encontre dans la Constitution de l’Azerbaïdjan, mais qu’elle n’en fait pas une condition préalable à la signature d’un traité de paix. La partie azerbaïdjanaise reste inflexible : l’objectif n’est pas la Constitution arménienne en soi, mais toute mention de l’existence de l’Artsakh.

Le principal objectif du colloque « Le christianisme en Azerbaïdjan : histoire et modernité » à l’Université pontificale grégorienne de Rome est également la négation de l’existence des Arméniens en Artsakh, en utilisant la falsification de l’histoire, la déformation et la destruction du patrimoine culturel et spirituel, et le déplacement de la population autochtone.

Le parallélisme de ces phénomènes démontre la politique délibérée et systématique de la partie azerbaïdjanaise visant à effacer la présence arménienne et les traces historiques, à imposer au peuple arménien une nouvelle situation où son retour serait définitivement interdit par la législation.

Cette stratégie n’est pas nouvelle, la Turquie l’avait également adoptée au début du 20e siècle. Récemment, lors d’une discussion sur l’ouvrage «Monuments and Identities in the Caucasus : Karabakh, Nakhichevan and Azerbaijan in Contemporary Geopolitical Conflict» au centre d’études arméniennes NAASR aux États-Unis, le professeur Sebouh Aslanian a évoqué les falsifications présentes dans l’historiographie turque, un phénomène qui avait déjà émergé en 1918 avec l’œuvre «Ermeni Tarihi» (Histoire arménienne) de l’historien turc Riza Nur, où la présence turque sur le plateau arménien est décrite comme ayant une histoire vieille de 4000 ans, présentant les Arméniens comme des nouveaux venus… une théorie que les Azerbaïdjanais ont également poursuivie au 20e siècle, comme avec Farida Mamedova, Zia Bunyatov…

Il n’est donc pas du tout surprenant qu’Aliev adopte cette même intention qui consiste à falsifier l’histoire, en la transformant en un outil politique pour renforcer son pouvoir, imposer une relecture de l’histoire. Il utilise la force, les menaces, la corruption, la violence, jusqu’à l’Université pontificale grégorienne du Vatican. En un mot, plus le mensonge est gros, plus il est facile de faire croire à sa véracité par la force.

C’est dans la même logique qu’il faut considérer les simulacres de procès des autorités de l’Artsakh à Bakou, les bombardements azerbaïdjanais du 13 avril sur la Maison de la Culture du village de Khnatsakh dans le Syunik, les fausses accusations de tirs émis par l’armée arménienne, le refus de coopérer avec la mission de médiation des observateurs européens, le refus d’ouvrir des voies de communication économiques. Mener d’un côté des négociations pour conclure un traité de paix, et de l’autre, créer des tensions frontalières, montrent que l’objectif principal de la stratégie azerbaïdjanaise n’est pas la paix, mais bien la déstabilisation de la situation politique intérieure de l’Arménie, espérant que l’occasion propice se présentera pour lancer une nouvelle attaque et ouvrir le corridor du Syunik par la force.

J. Tch.