RÉVISIONNISME – L’albanisation des églises géorgiennes d’Azerbaïdjan

Le 6 mai, les membres de la « Communauté chrétienne albanienne des Oudis »  ont organisé un nouveau « pèlerinage-flash » », cette fois à l’église géorgienne du village de Kurmukh dans la région de Gakh (Nord-ouest de l’Azerbaïdjan).

Fondée en 1310, cette élégante église de briques dédiée à Saint Georges située à flanc de colline, a été rebâtie en 1890 par un archimandrite de l’Église orthodoxe géorgienne du nom de Léonid (1861-1921) [1]. Ce sanctuaire est revendiqué depuis de nombreuses années par l’Église orthodoxe géorgienne qui n’obtient pas à ce jour qu’elle lui soit restituée.

Sur le site internet de ce groupe de propagandistes zélés qui se présentent comme les héritiers de l’Église d’Albanie[2] disparue au VIIIe siècle, on peut lire que ce « pèlerinage » a été partagé par de nombreux musulmans et représentants d’autres « minorités » [3] de la région.

En parallèle à l’albanisation du patrimoine arménien, le gouvernement azerbaïdjanais poursuit donc également celui d’autres communautés en les confiants à ces « chrétiens fantômes », dont quelques dizaines de représentants de cette ethnie des Oudis en voie de disparition. Depuis près de trois décennies, la politique de l’Azerbaïdjan consiste à créer de véritables « parcs d’attraction ethniques » [4] dans lesquels subsistent quelques représentants de ces peuples et des éléments résiduels folkloriques de leur culture et de leur religion. On peut dire qu’Aliev a une véritable passion pour les minorités ethniques, surtout lorsque le nombre de leurs membres a été drastiquement réduit, qu’elles ne représentent donc plus aucune « menace » pour son pays, et surtout pour son pouvoir personnel. Tout le reste n’est qu’une simple affaire de marketing et de communication.

Le cas de l’église de Kurmukh est certes symptomatique de cette volonté de l’Azerbaïdjan d’accaparer ce qui n’est pas à elle, mais une affaire très secondaire si on la compare avec le cas du grand monastère historique de David Gareji situé dans une région frontalière de Géorgie. Là, depuis 1991, la délimitation et la démarcation de la frontière entre les deux pays piétine du fait de Bakou. Ici aussi, Aliev revendique la souveraineté sur cette région et légitime sa revendication territoriale sur « l’albanité » de ce monastère fondé au VIe siècle, situé à moins de 70 kilomètres au sud-est de Tiflis.

La logique de Bakou est simple et imparable : tout ce qui est albanien étant azerbaïdjanais, les terres sur lesquelles se trouvent ces sanctuaires sont azerbaïdjanaises.

Comme en Artsakh, à défaut de pouvoir s’approprier directement l’héritage des chrétiens locaux, arméniens et géorgiens, à la manière des mafieux russes et azerbaidjanais de Moscou, Aliev a recours à des hommes de paille, à des « prête-noms ».

Le plus tragique dans cette histoire est le soutien et la collaboration dont il jouit dans de nombreux pays, et en particulier de la part de l’Église catholique et de l’Église orthodoxe russe.

Sahak SUKIASYAN

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[1] Celui-ci occupa par la suite le siège catholicossal de Géorgie de 1918 à 1921.

[2] C’est à partir de 461 que cette Église s’autonomise vis-à-vis de l’Église d’Arménie et qu’elle prend le nom d’Église d’Albanie. Հ. Սվազեան  Աղուանից աշխարհի հոգեւոր առաջնորդները եւ առաջնորդանիստ կենտրոնները, Սբ. Էջմիածին 2021, H. Svazyan, Les primats et les sièges hiérarchiques du monde des Albaniens, Editions de Saint Etchmiadzine, 2021, p. 5.

[3] Une notion très curieuse dans un état moderne qui se prétend laïc et garantit dans sa constitution l’égalité entre tous ses citoyens.

[4] Le village de Nij pour les Oudis et celui de Krasnaya Sloboda pour les Juifs.