La Turquie se prépare-t-elle à la guerre ?

Par Vahram ATANESSIAN

1in.am

 Le journal «Türkiye gazetesi» rapporte que le président turc Recep Tayyip Erdoğan aurait convoqué une réunion d’urgence de son cabinet pour le 16 juin à 15 h 00, heure locale. La veille, il s’était entretenu téléphoniquement avec le président américain Donald Trump, puis avait tenu une consultation sur la sécurité à laquelle avaient assisté les ministres des Affaires étrangères et de la Défense Hakan Fidan et Yaşar Güler, ainsi que le directeur du Service national de renseignement, İbrahim Kalın.

 Selon «Türkiye gazetesi», le premier point à l’ordre du jour de la réunion gouvernementale concernerait la « Turquie sans terrorisme », c’est-à-dire le programme de désarmement du P.K.K. Un peu plus tôt, plusieurs experts turcs avaient tiré la sonnette d’alarme : les bombardements israéliens sur Tabriz, la « capitale » de l’Azerbaïdjan iranien, et d’autres régions « viseraient à établir une zone d’influence kurde dans la région et à encercler la Turquie ». Ce point de vue serait justifié par le fait que les organisations kurdes en Iran ont rejeté l’appel du chef du P.K.K Abdullah Öcalan à cesser la lutte armée contre la Turquie.

Selon certaines informations, les principaux sujets abordés lors de la réunion du gouvernement concerneraient la situation entre Israël et l’Iran, la montée des tensions dans la région, la position de la Turquie à ce sujet et les démarches diplomatiques du président Erdoğan. À cette occasion, le journal turc a précisé que « la guerre frappait aux portes de la Turquie ».

L’éditorial du journal russe « Regnum » affirmait de son côté que bien que la Turquie ait condamné au plus haut niveau les attaques israéliennes contre l’Iran, « cela ne signifiait pas pour autant qu’Ankara et Téhéran avaient cessé d’être des rivaux régionaux ». Les détails des discussions entre les présidents américain et turc n’ont donc qu’un caractère purement spéculatif.

Précédemment, bien qu’à une échelle limitée, Israël avait mené des opérations similaires en Syrie, désactivant tous les systèmes de défense aérienne et antimissiles et bombardant les bases que la Turquie prévoyait de restaurer et de moderniser.

La question de l’« autonomie kurde » en Syrie demeure un point de friction entre la Turquie et les États-Unis. Ankara est convaincue qu’Israël a un plan pour renforcer et officialiser cette entité et cherche à « désintégrer l’intégrité territoriale de la Syrie ».

La Turquie semble également avoir des inquiétudes sérieuses à l’égard de l’Iran, dont les régions à population kurde bordent la Turquie et le Nakhitchevan, où, soit dit en passant, des exercices militaires conjoints turco-azerbaïdjanais avaient commencé à la veille de l’attaque israélienne contre l’Iran.

Il est évident qu’une guerre américano-israélienne majeure contre l’Iran aurait de graves conséquences politiques.

La probabilité d’un démembrement de l’Iran est extrêmement élevée. La Turquie ne semble pas très intéressée par la mise en œuvre de ce scénario, du moins à ce stade des choses. Mais Ankara ne peut pas non plus se contenter d’observer et attendre de voir comment les États-Unis « remodèleront » l’Iran avec l’aide d’Israël.

La volonté de la Turquie de jouer un rôle de médiateur pour mettre fin à la guerre israélo-iranienne ne constituerait en réalité qu’une tentative de participer à ce processus.  Le président américain Trump acceptera-t-il les « services » d’Erdoğan ? Quelles sont les véritables intentions de Washington ? S’agit-il de forcer Téhéran à abandonner complétement son programme nucléaire et à lui permettre de rester une théocratie, ou bien l’objectif est-il de « démocratiser » l’État iranien ou de morceler le pays ?

La Turquie pourra-t-elle contrecarrer ces plans par la menace d’une guerre, ou se contentera-t-elle de s’assurer sa « part du gâteau » ?  Il semblerait qu’Erdoğan tente d’établir le leadership régional de la Turquie par la voie diplomatique. S’il échoue, « jettera-t-il de l’huile sur le feu » ?  Comment ? Par l’intermédiaire de l’Azerbaïdjan ?