Par Hakob BADALIAN
1in.am, Erevan le 28 juin 2025
Dans le contexte des actions menées par les autorités politiques contre le haut-clergé de l’Église apostolique arménienne et de la vive confrontation qui en a résulté, les propos des uns et les espérances des autres selon lesquelles « l’Église Apostolique Arméniens devrait diriger la vague d’opposition politique et parvenir à l’unification du peuple et à la destitution de Nikol Pachinian et de l’appareil des autorités en place » se sont largement amplifiés.
Beaucoup de gens en parlent. Je ne veux pas juger ici des objectifs poursuivis. Il ne fait aucun doute que beaucoup le font uniquement par calcul politique, et beaucoup sont tout à fait sincères. Cependant, dans ces circonstances, le statut et l’avenir de l’Église apostolique arménienne sont en jeu en tant qu’institution nationale d’exception qui peut également jouer un rôle particulier dans la vie de l’État arménien.
Lorsqu’on attend de l’Église apostolique arménienne qu’elle prenne la tête d’un mouvement politique, ou qu’elle prenne position d’une manière ou d’une autre en se positionnant en première ligne de la vie politique, cela ne peut nullement pas contribuer au renforcement de l’importance existentielle, exceptionnelle, de l’Église et de son rôle potentiel, mais au contraire, cela lui portera très probablement préjudice.
Quelle que soit la réputation de l’Église nationale arménienne, celle-ci ne suffit manifestement pas à garantir une mobilisation publique et un soutien exceptionnels. D’autant plus que nous sommes aujourd’hui confrontés à un environnement informationnel et de propagande hautement « hybride », où la moindre publication peut entraîner des changements majeurs dans le comportement des gens.
Dans ces circonstances, amener l’Église et le haut clergé au premier plan politique, même animé par les plus sincères convictions afin de les « protéger des actions de Nikol Pachinian », reviendrait à placer l’Église ou le haut clergé au centre du jeu politique et faire que la « cible » de tout « tir politique », au sens figuré du terme, soit plus visible.
Certes, nous ne devons pas nous détacher de l’Autorité de l’Église mais pas non plus nous laisser bercer par l’illusion d’une autorité incontestable de l’Église ou du Haut clergé.
Toute illusion serait vaine.
Il ne fait aucun doute que l’Église est aujourd’hui une cible, mais il y a un problème pour la retirer de la cible par un travail vraiment en profondeur, y compris une réflexion approfondie et une élaboration sur les causes et les racines des problèmes, afin de préserver et de renforcer la perspective du rôle de cette institution unique, plutôt que de l’amener dans un espace ouvert, à la « meilleure position » pour la cibler.
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