Pour la première fois, des négociations au plus haut niveau se sont déroulées entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, à Dubaï, durant cinq heures, sans la médiation des grandes puissances. À leur issue, une courte déclaration des deux parties a confirmé une victoire diplomatique décisive pour l’Armé-
nie : le Syunik restera sous la souveraineté et la juridiction de l’Arménie, cette dernière cherchant une solution pour réaliser l’exploitation et la logistique des transports traversant la région. Une position que les autorités arméniennes ont défendue de manière cohérente depuis la guerre de 2020, malgré les efforts persistants de la Russie et de l’Azerbaïdjan pour imposer le contrôle russe sur la route reliant les deux territoires azerbaïdjanais laquelle passe par le Syunik. Et ce malgré les affirmations persistantes de l’opposition en Arménie selon lesquelles les autorités arméniennes auraient cédé le « corridor de Zanguezour » au duo turco-azerbaïdjanais.
Comment la Russie va-t-elle réagir au renoncement de l’Azerbaïdjan à son engagement de lui confier le contrôle du « corridor de Zanguezour » en vertu de l’article 9 de l’accord du 9 novembre 2020 ? Déjà, dans les semaines précédant la rencontre de Dubaï, les arrestations massives d’Azerbaïdjanais en Russie laissaient présager que la lune de miel russo-azerbaïdjanaise était terminée. Le bombardement et la destruction de l’avion AZAL reliant Bakou-Grozny en décembre dernier ont marqué le début de la détérioration des relations entre les deux pays. L’Azerbaïdjan, prenant alors pour cible les ressortissants et les intérêts de la Russie, a commencé les persécutions. La réaction frontale, œil pour œil, des Azerbaïdjanais provient du soutien inconditionnel que leur accorde la Turquie, ainsi que de leurs relations étroites avec Israël, conditionnés par des intérêts économiques et stratégiques. L’absence de condamnation internationale quant au nettoyage ethnique de la population arménienne d’Artsakh témoigne aussi du soutien dont jouit l’Azerbaïdjan en Occident. Le retrait de l’armée russe du territoire d’Artsakh en 2023 a donné à l’Azerbaïdjan un avantage supplémentaire permettant de neutraliser le danger d’une attaque russe directe.
Le durcissement de la position russe peut s’expliquer par la combinaison de plusieurs facteurs internationaux : d’une part, les succès récents de la Russie sur le front ukrainien et les postures mercantiles des États-Unis vis-à-vis de ses alliés historiques ont sérieusement affaibli la capacité de combat du front occidental, d’autre part, la coopération stratégique avec l’Iran dans le cadre de BRICS, nouvelle plateforme internationale anti-occidentale, en collaboration avec la Chine.
Le rapprochement arméno-azerbaïdjanais a également tendu les relations arméno-russes, dont les manifestations apparentes sont l’op-
position Église-Gouvernement ainsi que l’opposition Samuel Karapetyan-Gouvernement, qui semblent montrer les prémices d’une aggravation croissante à l’approche des élections de 2026.
Depuis la réélection de Trump, toutes les initiatives de paix que ce dernier a proclamées ont échoué, à l’exception de celle concernant l’Arménie et l’Azerbaïdjan, pour laquelle il n’a engagé aucun effort. Celle-ci a des chances de succès si le processus suit son cours naturel. La Russie utilisera tous les moyens à sa disposition pour faire échouer ce processus.
Bien que les États-Unis n’aient joué aucun rôle sérieux dans le succès des négociations arméno-azerbaïdjanaises, le succès que s’attribue le président Trump attise davantage la colère de la Russie envers l’Arménie, qu’elle considère toujours comme sa chasse gardée.
J. Tch. ■
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