Le remue-ménage créé en Arménie par la pré-signature de l’accord de paix du 8 août à Washington n’était pas encore apaisé quand a eu lieu la visite officielle de deux jours du président iranien Massoud Pezeshkian en Arménie les 18-19 août. Si l’Occident — les États-Unis et l’Europe — défendent dans les instances internationales et autres forums connexes la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Arménie, l’Iran, en tant que voisin partageant une frontière de 44 km au sud, et partant de ses intérêts stratégiques, a déclaré à plusieurs reprises qu’il s’opposait à tout changement de la carte de l’Arménie et de la région, notamment à la frontière nord de l’Iran avec l’Arménie. Sur ce point, le soutien ferme et inflexible de l’Iran a constitué un facteur dissuasif important face aux menaces de l’Azerbaïdjan contre le territoire souverain de l’Arménie, et il est naturel que l’émergence de la Route de la paix de Trump passant par le Syunik soit une nouveauté préoccupante pour l’Iran, même si l’Arménie tente de le rassurer en précisant que la société américaine qui a pris en charge la gestion de cette route opérera dans des conditions respectant l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Arménie.
En abordant cette question, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères iranien, Baghaei, a déclaré que l’Iran soutient les efforts pour établir de nouvelles voies de communication et que de telles initiatives doivent respecter les frontières internationalement reconnues et ne doivent pas conduire à quelque changement que ce soit du cadre géopolitique de la région. Il a également ajouté : « Nous avons reçu des garanties qu’aucune force étrangère ne sera déployée dans la région ».
Il existe également une autre raison à l’inquiétude de l’Iran. La route est-ouest passant par le Syunik sera concurrente de la route actuelle passant par l’Iran qui remplit la même fonction, et naturellement les bénéfices et les avantages de l’économie iranienne seraient réduits. L’éditorial du Tehran Times du 10 août souligne les dommages pour l’économie iranienne que représente la construction de la Route de la paix de Trump, notamment dans le cadre de l’initiative chinoise « Ceinture et Route », également connue sous l’acronyme BRI (Belt and Road Initiative).
Cependant, Ali Akbar Velayati, conseiller du Guide suprême iranien pour les affaires internationales, s’est exprimé de manière beaucoup plus sévère et menaçante, dans un entretien à l’agence de presse Tasnim. Pour lui, l’existence de la route de Trump est une menace pour la sécurité de l’Iran et il a déclaré que l’Iran agirait « avec ou sans la Russie ». Velayati a posé la question suivante : « Le Caucase du Sud est-il une terre sans maître que Trump peut louer ? /…/ C’est l’une des régions les plus sensibles du monde. Un tel passage ne deviendra pas la propriété de Trump — il deviendra le cimetière de ses mercenaires ». Pour lui, le projet n’est pas un projet commercial, mais une conspiration géopolitique, qui amènera dangereusement les forces de l’OTAN — par l’intermédiaire de la Turquie et d’autres membres — près des frontières nord de l’Iran. Et citant Poutine, il continue : « Tout comme le président Poutine a mis en garde contre l’approche de l’OTAN vers la Russie via l’Ukraine, nous ne permettrons pas à l’OTAN de s’approcher de l’Iran /…/ Mieux vaut prévenir que guérir ».
C’est dans ces conditions que la visite du Président Pezeshkian en Arménie a revêtu une importance stratégique. À cette occasion, malgré la position stricte de Velayati, de nombreux accords économiques, énergétiques, et des accords portant sur le développement de la route Nord-Sud ont été signés.
Entre-temps, le vice-Premier ministre russe Alexeï Overchuk a également visité l’Arménie. Il a rencontré le Premier ministre Pashinyan, et le principal sujet de discussion a naturellement porté sur les conditions de fonctionnement de la Route de la paix de Trump. La Russie considère actuellement avec plus de compréhension l’initiative du gouvernement arménien. À cette occasion, Overchuk a déclaré : « Nous considérons cette question de la manière suivante : l’Arménie est notre allié stratégique, et si l’Arménie pense que quelque chose est bon pour elle, alors nous soutenons naturellement l’Arménie ».
J. Tch. ■
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