ÉDITORIAL – L’Église face à l’impératif de réforme

La suspension du prêtre Aram Assatryan et le refus dudit prêtre de se soumettre à la décision du Saint-Siège, la déclarant anti-canonique et la condamnant, ainsi que sa célébration de la liturgie dominicale à Hovhanavank, ouvrent une nouvelle page dans le conflit interne à l’Église apostolique arménienne. Une page qui, contrairement aux prédictions catastrophistes de nombreux analystes et responsables politiques, pourrait constituer le premier pas vers une résolution de la crise.

Pour deux raisons : d’abord, le soutien populaire, surtout celui des villageois envers leur prêtre et, deuxièmement, la présence du Premier ministre à la liturgie. Le prêtre défroqué a ouvert la première brèche dans le mur de l’édifice ecclésiastique sclérosé créé par Sa Sainteté et la hiérarchie de l’Église. Il a trouvé des partisans. Les langues commencent à se délier, et en premier lieu celles des curés des paroisses, qui sont les plus grandes victimes du conflit qui oppose l’Église au gouvernement. Le curé marié n’est pas concerné par les problèmes du célibat monastique de la hiérarchie de l’Église, mais il subit le déshonneur créé par les hauts dignitaires ecclésiastiques qui ont une épouse et des enfants, et il encaisse la colère de l’opinion publique. Le curé souffre tout autant des autres comportements répréhensibles de la hiérarchie : abus de position, compétition pour occuper des postes élevés dans l’ordre clérical… Et contrairement aux curés paroissiaux de la diaspora, ils ne disposent même pas d’une rémunération stable, Sa Sainteté les ayant privés de cet avantage. Ils dépendent donc uniquement des dons volontaires de la communauté paroissiale. Imaginez la situation d’un pasteur paroissial qui sert dans un village frontalier dont les habitants vivent dans une situation matérielle misérable – comment voulez-vous qu’il accomplisse son service sacerdotal ? Il est contraint de prendre un emploi secondaire, ce qui devient également l’objet de critiques : « l’ecclésiastique fait du business ». Dans ces conditions, le rêve de nombreux prêtres parmi les 700 que compte l’Arménie est de partir à l’étranger, se libérant ainsi des exigences arbitraires du Saint-Siège et pour assurer au minimum des moyens de subsistance décents.

Finalement, l’affrontement Pachinian-Karékine II n’est pas si intéressant, ni prometteur, lorsqu’il se limite au conflit entre l’Église et le pouvoir – deux institutions protégées constitutionnellement qui se livrent des attaques réciproques de position. Bien que dans le cas présent, les positions de Pachinian soient beaucoup plus solides, car il est un Premier ministre élu au suffrage populaire, et ses critiques et accusations dirigées contre Sa Sainteté et la hiérarchie de l’Église reposent sur des fondements moraux solides. L’Église n’a toujours pas réussi à apporter une réponse crédible aux accusations portées contre les ecclésiastiques ayant violé le célibat monastique. Des vidéos circulent, des interviews et des enregistrements secrets révèlent de nouvelles découvertes, pour lesquelles le Saint-Siège est contraint de fournir des explications, d’imposer des sanctions disciplinaires, d’établir des règles et de l’ordre, mais cependant, la seule décision disciplinaire prise jusqu’à présent a été celle de la suspension du prêtre Aram.

Le Premier ministre a également de sérieuses motivations politiques pour contrer l’activité politique de l’Église, lorsque celle-ci rend des services aux dirigeants de pays étrangers contraires aux intérêts de l’État arménien, comme ce fut le cas lors de la participation condamnable de Sa Sainteté à l’inauguration d’une église arménienne en Biélorussie, alors que le gouvernement arménien avait suspendu ses relations diplomatiques avec ce pays en raison de sa position hostile et perfide durant la guerre de l’Artsakh.

Les positions de Pachinian sont également solides parce que le gouvernement et le groupe parlementaire majoritaire au parlement se tiennent unanimement aux côtés du Premier ministre. Quant à la situation de l’Église, des fissures internes apparaissent. Il y a également des poursuites judiciaires contre les hauts dignitaires qui démontrent la nécessité d’une réforme de l’Église.

J. Tch.

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