ÉDITORIAL – Un forum prématuré sur l’art et la culture

Les 20 et 21 novembre, le Bureau du Haut-Commissaire de la Diaspora avait organisé le « Forum sur l’art et la culture arméniens » en collaboration avec le nouveau « Conseil international de coordination de la culture et de l’art arméniens », avec la participation de deux cent cinquante invités de la diaspora et d’Arménie. Les forums sont essentiellement des initiatives importantes pour faire se rencontrer des participants venus de différents pays, qui ne partagent pas forcément les mêmes opinions. Ce dernier était intéressant par le fait que, pour la première fois, il était consacré à l’art et à la culture. Enfin, une initiative ambitieuse : l’art et la culture étant des expressions fondamentales de l’identité nationale, ils créent de nombreuses occasions d’échanges, de perceptions et d’expériences parfois contradictoires. Compte tenu de l’état de la politique intérieure de l’Arménie, actuellement plutôt dans la turbulence et de ses conséquences sur les relations Arménie-Diaspora, la programmation d’un forum avec un tel titre devait être passionnante ou bien incomplète, voire même décevante.

Le forum avait défini un objectif en quatre points, dont le premier – contribuer au développement durable de la coopération culturelle entre l’Arménie et la diaspora – est pratiquement irréalisable dans les circonstances actuelles compte tenu de l’état actuellement extrêmement tendu des relations Diaspora-Arménie. Ce phénomène était perceptible tant dans la limitation géographique des participants de la diaspora arménienne, dont la majorité venait d’Europe, avec l’absence du Moyen-Orient, de l’Amérique du Sud et du Nord et de la Russie, que dans l’absence d’institutions ayant des organisations avec un long passé et une tradition dans le domaine culturel et artistique, comme les Églises, Hamaskaïne, l’UGAB, Gulbenkian, les maisons culturelles, les associations culturelles et les établissements éducatifs. Étonnamment, les structures internationalement reconnues établies en Arménie – Tumo, COAF… – étaient également absentes. Quant aux médias, ils sont passés presque silencieusement en ignorant ce forum.

Le 2e point – l’élargissement de la reconnaissance mutuelle des artistes arméniens – est un objectif intrinsèquement difficile à réaliser, car les artistes sont reconnus par leurs œuvres, par leur art, alors que le forum n’est pas un lieu d’exposition, bien qu’il ait été prévu l’ouverture d’une exposition intitulée « Courants du modernisme : l’art arménien de la diaspora de l’autre côté du rideau de fer » à la Galerie nationale, où cependant les œuvres exposées appartenaient à des artistes déjà décédés et non aux participants du forum. Il en était de même pour « l’exposition de livres d’écrivains arméniens contemporains » dont les auteurs étaient pour la plupart décédés ou absents.

Quant au 3e point – soutenir l’élaboration et la mise en œuvre de la politique culturelle avec l’implication d’experts de la diaspora – c’est un objectif  essentiel, sur lequel des allusions ont été faites simplement pour souligner l’absence de politique culturelle auprès du gouvernement arménien et des structures de la diaspora. 

Le 4e point dérive du 3e. Il a également été noté l’inexistence d’un ministère de la Culture indépendant en Arménie, celui-ci rendant la culture et l’art dépendants du ministère de l’Éducation.

Un autre phénomène caractéristique dans le cas de ce forum était également l’absence des premières figures à la tête du pouvoir politique, ce qui créait un grand vide quant à la responsabilité de l’Etat. Naturellement, il n’est pas obligatoire que le Premier ministre ou le Président du pays soient présents au forum. Cependant, l’absence du Haut-Commissaire de la Diaspora et du ministre de l’Éducation, des Sports, de la Science et de la Culture à la cérémonie de clôture et aux sessions en tant que principal organisateur du forum était inhabituelle et ouvrait la porte à des interrogations. À la place, le président du nouveau « Conseil international de coordination de la culture et de l’art arméniens » a présidé la fête lors de clôture et a pris la parole de nombreuses fois à la fin des sessions pour transmettre un message simple, quasi naïf – apprendre à travailler ensemble et à s’aimer les uns les autres – ce qui est loin d’être un projet pour servir de base à une politique culturelle.

J. Tch.

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