« La Source » d’Arby Ovanessian classé parmi les dix meilleurs films du festival « Il Cinema Ritrovato »

Lors du festival de cinéma « Il Cinema Ritrovato » qui s’est tenu à Bologne du 25 juin au 3 juillet, le film d’Arby Ovanessian, « La Source » (en persan « Cheshmeh », 1970) a été projeté à deux reprises, dont une fois en présence du réalisateur.
« Il Cinema Ritrovato » est un festival de cinéma consacré à la découverte de films rares et peu connus organisé depuis 1986 par la cinémathèque de Bologne. Le festival présente une riche sélection de films introuvables ou considérés perdus provenant des archives historiques des cinémathèques de divers pays. Le festival collabore avec un centre de restauration de films anciens, où de nombreux films ayant une signification historique sont projetés après restauration.
Le festival est le plus grand du genre. Cette année, 400 films ont été projetés sur 9 jours. En plus de la projection de classiques, le festival fait la part belle aux grandes figures du cinéma, aux acteurs et aux pays qui ont apporté une contribution significative au septième art. La 36e édition du festival était consacrée au 100e anniversaire de la naissance de Pier Paolo Pasolini, natif de Bologne.
L’une des particularités du festival est d’offrir l’opportunité à des célèbres experts et critiques de cinéma de proposer leurs propres programmes. Cette année, « La Source » d’Arby Ovanessian a été inclus dans une sélection de films persans proposée par Ehsan Khoshbakht.
« La Source » est basée sur le roman « La Fontaine de Heghnar »
de Mkrtich Armen. Il a été présenté en 1972 au Festival international de film de Téhéran. Un des exemplaires du film est conservé à la Cinémathèque française.
Arby Ovanessian est surtout connu comme metteur en scène, mais a également apporté une contribution importante au cinéma arménien de la diaspora. Le cinéma arménien est constamment à redécouvrir. Il est vrai que le festival « Golden Apricot » a ouvert la voie, mais il est encore loin d’être une plateforme libre où toutes les forces créatrices du cinéma arménien sont présentées de manière impartiale. Arby Ovanessian fait partie des réalisateurs qui, depuis les 19 ans qu’existe le festival, sont étonnamment absents de ses programmes.
Lors de l’enquête menée auprès des personnalités du cinéma à l’issue du festival, « La Source »
d’Arby Ovanessian a été classé parmi les dix premiers meilleurs films parmi les 400 œuvres présentées.

Présentation du film par Ehsan Khoshbakht

« Perle rare de la Nouvelle Vague iranienne, « Cheshmeh » est un film de mystères percés et de désirs refoulés. Comme une berceuse, il vous entraîne dans un état de rêve sans pour autant donner de significations spécifiques. C’est peut-être pour cela qu’il nécessite plusieurs visionnements afin de comprendre son scénario simple mais déroutant, dans lequel une femme musulmane semble être l’intérêt amoureux de deux hommes (dont un chrétien) et mariée à un troisième. L’amour interdit et les destins entrelacés sont destinés à se terminer en tragédie, mais le film laisse ce qui pourrait constituer une tragédie hors cadre. La caméra n’arrive toujours qu’après la mort d’un des personnages. Avec la projection de « Cheshmeh », « Il Cinema Ritrovato » franchit une étape importante dans le chapitre entamé en 2017 pour la découverte du cinéma des Arméniens d’Iran. Si les œuvres de Samuel Khachikian étaient curieusement dépourvues d’éléments spécifiquement arméniens, ce film d’Arby Ovanessian embrasse pleinement ses racines culturelles, les mêlant avec habileté aux traditions iraniennes. Malgré sa richesse en détails arméniens et une histoire inspirée par « La Fontaine de Heghnar » (1935) de l’auteur arménien Mkrtich Armen, le film partage également un nombre important de points communs avec les films iraniens de la Nouvelle Vague, en particulier dans son sentiment d’isolement, d’angoisse et de peur des étrangers. Plus proche de l’avant-garde que des traditions réalistes pour lesquelles le cinéma iranien est souvent célébré, Ovanessian parvient néanmoins à faire un film avec seulement des ruelles, des arbres et des ruisseaux tout en veillant à ce que l’histoire, ou plutôt le sentiment de celle-ci, se tienne. Si Jacques Rivette était magistral dans l’évocation des mystères des parcs publics, Ovanessian capte la magie mélancolique des jardins privés dans la culture persane, où les branches plient sous le poids des fruits de la culpabilité et du désir. Diplômé de la London Film School, Ovanessian est devenu un metteur en scène légendaire en Iran et a collaboré avec Peter Brook à la mise en scène de la pièce « Orghast » de Ted Hughes à Chiraz. Il a également traduit les œuvres de Samuel Beckett en persan. Dans ce long métrage, son seul long métrage, il réduit les mouvements clés à des gestes si minimes qu’ils risquent toujours de passer inaperçus ».

« La Source » d’Arby Ovanessian a été classé parmi les dix meilleurs films du festival « Il Cinema Ritrovato » suite à une enquête réalisée par les organisateurs auprès des collègues, conservateurs, historiens du cinéma, universitaires et participants.

Biographie d’Arby Ovanessian

Né en 1942 à la Nouvelle-Djoulfa (Isphahan) et diplômé de la London School of Film Technique (1966), Arby Ovanessian est l’auteur des films suivants : « Parvanna » (1966), « Lebbeaus/Thaddeus » (1967), « La Source » (1970) », « Le Tablier brodé de ma mère s’étale dans ma vie » (1985), « Rouben Mamoulian, l’âge d’or de Broadway et Hollywood » (2006) et « Haratch 83 : Portrait connu et inconnu » (2019).
Il a mis en scène de plus de cinquante œuvres classiques et contemporaines qui ont été présentées en anglais, en arménien, en persan et en français, et dont certaines ont été primées dans divers festivals internationaux.
En 1970, Peter Brook l’a invité à participer aux recherches expérimentales du Centre International de Recherche Théâtrales. Il a participé avec lui à la mise en scène de « Orghast » du poète anglais Ted Hughes au festival des arts de Chiraz-Persépolis. De 1970 à 1976, il a travaillé avec des metteurs en scène comme Jerzy Grotowski (« Special Project ») et Andrei Serban (« Le Maître et Marguerite »), avant de fonder le Théâtre de Tcharsou de Téhéran en 1976 avec Sadreddin Zahed.
En tant que représentant officiel de l’Arménie, il a organisé et dirigé le programme d’exposition de 120 films d’Arménie et de diaspora au Centre Georges Pompidou à Paris (1993).
Il a enseigné l’art cinématographique et l’art théâtral à Londres (1966), Téhéran (1968-77), Paris (1981-2003), à New York (School of Arts de l’Université Columbia, 1994 et 2000) et Paris (Inalco, 2003-2006).
Il est le rédacteur en chef de « Un acte », anthologie de 40 pièces arméniennes publiée en trois volumes à Erevan (2001, 2003), également le rédacteur de «Anthologie de douze pièces arméniennes originales», en trois volumes, parue à Erevan en 2019.
Dans le cadre de « L’Année de l’Arménie en France » en (2007), Arby Ovanessian a été le commissaire de l’exposition « Nouvelle-Djoulfa : 400 ans de présence arménienne à Isphahan ».
En tant que directeur artistique de l’Association de théâtre arménien à Paris, il a présenté plus de 80 pièces méconnues de dramaturges arméniens à Paris, Erevan, Téhéran, New York et Toronto.