Le difficile chemin vers la souveraineté

Une nouvelle fois, l’Azerbaïdjan a lancé une attaque de grande ampleur contre les frontières souveraines de l’Arménie, ciblant les positions des gardes-frontières et les villages pacifiques. Les chiffres officiels parlent de 49 victimes et blessés, de nombreux dégâts matériels et de nombreuses infrastructures détruites. Cependant, les chiffres définitifs n’ont pas encore été révélés. Cette attaque a eu lieu malgré les récentes réunions diplomatiques et politiques internationales et les négociations au plus haut niveau, comme à Bruxelles, entre le Premier ministre arménien et le président azerbaïdjanais, et à Moscou et Bakou, entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays. Et même malgré la visite dans la région du nouveau coprésident américain du groupe de Minsk, Philip Ricker, et du représentant russe Igor Khovayev. Malgré aussi la déclaration du Conseil œcuménique des Églises condamnant l’agression la politique anti-arménienne azérie et les opérations militaires contre la population civile, la déclaration de la Commission des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale et le verdict du CICR. Les attaques ont eu lieu une semaine après la libération de cinq prisonniers de guerre arméniens, en signe de « bonne volonté » de l’Azerbaïdjan. Comment interpréter ces phénomènes, la stratégie barbare de l’Azerbaïdjan et la réaction inappropriée de la communauté internationale ?
Depuis deux semaines, l’Azerbaïdjan répète les déclarations accusant la partie arménienne de bombarder des positions azerbaïdjanaises, ce qui a été régulièrement démenti par le ministère arménien de la Défense.
L’Arménie s’est officiellement tournée vers son allié russe et l’OTSC. On ne sait pas encore si elle fera appel au Conseil de sécurité de l’ONU. Il est naturel que l’Arménie se tourne vers la Russie, son principal allié stratégique et militaire, ainsi que vers l’OTSC, qui est cependant une organisation majoritairement pro-azerbaïdjanaise, et qui jusqu’à présent n’a pris aucune mesure positive en faveur de l’Arménie, qui, contrairement à l’Azerbaïdjan, en est pourtant membre.
Le président de la République et le ministre des Affaires étrangères ont indiqué dans leurs déclarations qu’ils attendaient de la communauté internationale une condamnation de l’attaque azérie.
Les attaques militaires azéries exposent toujours avec acuité l’attitude irresponsable et irresponsable de l’allié stratégique de l’Arménie, la Russie. Pendant la guerre des 44 jours en 2020, la Russie n’est pas intervenue au motif que l’Artsakh ne faisait pas partie de l’Arménie en vertu du droit international. Elle a même rappelé sur un ton moqueur que même l’Arménie n’avait pas reconnu son indépendance. Mais aujourd’hui, c’est le territoire souverain de l’Arménie qui est bombardé. Pourquoi la Russie n’a-t-elle pas réagi ? On peut penser qu’en raison de ses lourdes pertes en Ukraine, l’Azerbaïdjan profite de l’occasion pour forcer l’ouverture du « corridor du Zanguézour » et pour éluder la question du statut de l’Artsakh qu’elle considère comme résolue. Mais si ce raisonnement est en quelque sorte acceptable aujourd’hui, il ne justifie en aucun cas son inaction face à tous les empiètements de l’Azerbaïdjan contre le territoire souverain de l’Arménie depuis la fin de la guerre de 2020 et à remplir ses obligations dans le cadre de l’alliance entre les deux pays.
La défaillance de l’alliance stratégique avec la Russie prive l’Arménie de deux leviers importants de légitime défense. Premièrement, de la possibilité d’acheter librement des armes et des munitions de pointe à des pays tiers, car cette initiative serait considérée par la Russie comme une démarche inamicale et voire même hostile. Et deuxièmement, de la possibilité de saisir le Conseil de Sécurité de l’ONU, car cette démarche pourrait entraîner une condamnation internationale, et même la décision de déployer sur place des troupes internationales de maintien de la paix, ce qui irait à l’encontre des intérêts russes de déploiement de soldats de maintien de la paix en Artsakh.
La France portera la situation devant le Conseil de sécurité des Nations unies, dont elle assure actuellement la présidence. Cela constituerait un progrès important afin de sortir l’Arménie de la sphère de subordination stricte à la russe. Bien que la Russie ait aussi le droit de véto dans cet instance.

J. Tch.