Les 13 et 14 septembre, les attaques de l’Azerbaïdjan sur les frontières souveraines de l’Arménie ont entraîné de lourdes pertes – 207 morts, 297 blessés, 20 soldats capturés – et de nombreux crimes de guerre : du territoire de l’Arménie, bombardements d’habitations et d’infrastructures, déplacement de milliers de personnes… La communauté internationale aurait dû réagir vigoureusement.
Le 15 septembre, sous les auspices de la présidence française, le Conseil de sécurité de l’ONU a examiné l’attaque de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie. A cette occasion, le représentant de l’Arménie a exigé que le Conseil de sécurité respecte ses obligations de protéger l’intégrité territoriale de l’Arménie et a averti les diplomates des préparatifs de l’Azerbaïdjan pour une deuxième attaque, cette fois du côté du Nakhitchevan, où d’importants mouvements de troupes ont été récemment observées.
Heureusement, pour la première fois, la communauté internationale a condamné l’attaque de l’Azerbaïdjan, à l’exception de l’OTSC, de la Russie et d’un certain nombre de pays alliés à l’Azerbaïdjan, comme la Turquie. Naturellement, les réactions les plus inacceptables et les plus décevantes ont été celles du gouvernement russe et de l’OTSC qui, en tant qu’alliés stratégiques de l’Arménie, ont seulement appelés les deux parties à l’arrêt des opérations militaires, au lieu de soutenir l’Arménie, de condamner les attaques, de défendre les frontières internationales de l’Arménie et de repousser les forces armées azéries.
Cette réalité a causé une grande désillusion au sein de la société arménienne. Les pertes humaines ont aggravé le désespoir du peuple, son sentiment d’impuissance. La visite de Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, a considérablement influé sur les dispositions négatives du public. Le peuple était enthousiaste : enfin, un dirigeant international a osé visiter l’Arménie dans un moment des plus difficiles. Pelosi a prononcé les mots qui devaient être dits à ce moment-là. Premièrement, elle a condamné l’attaque de l’Azerbaïdjan contre les frontières souveraines de l’Arménie. Deuxièmement, elle a clairement affirmé la position des Etats-Unis de défendre la démocratie arménienne. Et troisièmement, elle a rendu hommage aux victimes du génocide de 1915.
La visite de Nancy Pelosi en Arménie a été une grande réussite pour le retour des États-Unis dans la sphère d’influence politique du Caucase du Sud. Lors de la guerre d’Artsakh de 2020, avec la mise en œuvre infaillible du plan Lavrov, la Russie a poussé l’Arménie et l’Artsakh à la défaite en utilisant la Turquie et l’Azerbaïdjan, ce qui lui a permis de déployer des forces de maintien de la paix russes en Artsakh et de chasser l’Occident hors de la sphère d’influence du Caucase du Sud, délégitimant ainsi la coprésidence américano-russo-française du Groupe de Minsk de l’OSCE. Mais la visite de Pelosi est venue bouleverser cette situation. En se rendant en Arménie, elle a remporté une victoire importante, gagnant le cœur du peuple arménien contre les Russes, considérés pourtant comme l’allié stratégique de l’Arménie.
Cependant, ce n’est pas avec une seule visite que l’Arménie sera sortie d’affaire. La situation militaire autour de l’Arménie est vraiment alarmante. La visite de Pelosi en Arménie est encourageante à première vue, mais elle n’inclut aucune garantie pour la sécurité de l’Arménie. Dans quelle mesure les États-Unis peuvent-ils prévenir les conflits militaires sur le terrain ? Dans quelle mesure la visite de Pelosi poursuit-elle la perspective d’établir une paix vraiment sérieuse dans la région ? Dans quelle mesure les opérations militaires turco-azéries peuvent-elles être durablement contenues, surtout si elles visent à chasser les forces de maintien de la paix russes de l’Artsakh ? Quelle garantie y a-t-il que les États-Unis seront en mesure d’imposer leur volonté à un puissant allié de l’OTAN comme la Turquie ? Auront-ils le courage de lui imposer des sanctions ?
Pour l’Arménie, coopérer avec les États-Unis a toujours été risqué, comme en témoignent les promesses du président Woodrow Wilson. Le président Biden a encore deux ans de mandat, mais si les élections prochaines ramènent au pouvoir Donald Trump, la situation redeviendra comme avant insupportable. La seule issue est la coopération collective des forces politiques arméniennes, renforcement de l’armée et l’adoption d’une politique étrangère multipolaire.
J. Tch.
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