Elle s’appelait Anush Apetyan et, en dehors d’être un soldat sous contrat, elle était mère de trois enfants. Elle avait 36 ans et défendait son pays contre une agression illégale et ignoble. Capturée par des soldats azerbaïdjanais, elle a été violée, ses jambes amputées. Après lui avoir coupé les doigts, ils les ont mis dans sa bouche. Ils lui ont arraché les yeux pour mettre des pierres à la place. Sur son ventre, ils ont gravé le mot « YAŞMA » avec une lame. Par la suite, ses tortionnaires ont filmé son corps nu et mutilé et en ont fait un objet de dérision. Autour de ses restes massacrés se trouvait une montagne faite des corps de ses compagnons soldats arméniens, portant eux aussi des signes évidents de torture, le visage tuméfié et meurtri. La vidéo est facilement accessible sur les médias sociaux : pour les bourreaux, pour le régime d’Aliyev, c’est une source de fierté. C’est le chef d’Etat-major Edvard Asryan qui a annoncé la nouvelle du meurtre d’Anush ce matin. Elle n’était pas la seule femme soldat à subir de telles atrocités. Mais les projecteurs restent ailleurs, de manière coupable, inhumaine. Ici, je crois que c’est l’indifférence qui a conduit à la mort d’Anush, car si, il y a deux ans, le monde était intervenu contre la violence azerbaïdjanaise dans le Karabakh, aujourd’hui Aliyev ne serait pas aussi sûr de lui, fort de son allié turc et de la crise russe en Ukraine. Pas un mot de la part de Von der Leyen sur l’Arménie attaquée, pas un mot sur les crimes contre l’humanité perpétrés par le régime de Bakou. Les deux seules interventions en faveur de l’Arménie sont venues des députés Martin Sonneborn et François-Xavier Bellamy, au Parlement européen. C’est une nouvelle honte d’une Union européenne fidèle à tout sauf aux principes qui devraient incarner son essence. Dans l’intervalle, la Turquie a déployé 45 000 soldats à la frontière arménienne pour contrer la mobilisation de 40 000 soldats iraniens de l’autre côté de la rivière Araxe, prêts à intervenir en cas de nouvelle percée azerbaïdjanaise sur la frontière arménienne, qui est déjà violée sur au moins 10 kilomètres carrés. La Russie, pour sa part, ne peut ou ne veut pas s’intéresser au sort de l’Arménie non-oligarchique de Nikol Pashinyan. N’oubliez pas Anush et ses compatriotes, n’oubliez pas ceux à qui nos gouvernements serrent la main (et continueront à le faire). Ne vous laissez pas habituer à la cruauté et au cynisme, parlez, partagez, criez, manifestez, pensez. Car ce n’est qu’en communiquant et en informant que nous empêcherons que d’autres personnes subissent les souffrances infligées à Anush.
Alessia BOSCHIS
Erevan, 16 septembre 2022
Université d’Udine (Italie)