Ces derniers jours, les politologues et les diplomates parlent du destin de l’Arménie en des termes tragiques. Tout comme les journaux, qui titrent « L’Arménie seule au monde », « L’Arménie est sous le feu et l’Europe regarde ailleurs ». A l’occasion d’une conférence de presse, l’ambassadrice d’Arménie en France, Hasmik Tolmajian, a décrit la stratégie d’Aliev comme une politique graduelle visant à rayer l’Arménie de la carte, que le président azerbaïdjanais a ouvertement réaffirmée à plusieurs reprises, et dont le but ultime est la prise d’Erevan, en tant que « ville azerbaïdjanaise historique ». C’est aussi en ces termes que le président du Fonds Arménien de France par lettre a averti le président Macron et le président du Conseil européen Charles Michel.
Les regards et les pensées des Arméniens sont tournés vers les frontières de l’Arménie où, malgré les déclarations de la communauté internationale condamnant l’Azerbaïdjan, notamment celle des États-Unis, l’Azerbaïdjan n’a pas reculé d’un mètre, n’a pas abandonné ses positions occupées, n’a pas rendu les soldats nouvellement capturés, ni adouci sa rhétorique vengeresse et agressive, même du haut de la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies. Aliev, Bayramov et Hassanov adoptent tous un ton des plus menaçants. De plus, de grands regroupements de troupes azéries peuvent être observées à la fois à la frontière du Nakhitchevan et au nord-est de l’Arménie, ce qui laisse présager de nouvelles attaques.
La Turquie, ignorant les objections internationales, ne manque pas l’occasion de soutenir l’Azerbaïdjan. Elle appelle l’Arménie à accepter les cinq points de l’accord de paix proposé par Bakou, qui équivaudrait pour l’Arménie à une capitulation.
Heureusement, certaines figures politiques et nationales arméniennes ne cherchent pas seulement de l’aide à l’extérieur, mais travaillent aussi à consolider les forces politiques arméniennes. En ce sens, il faut saluer l’initiative du Catholicos Garegin II de réunir les anciens présidents d’Arménie et d’Artsakh pour discuter de solutions pour sauver le pays. S’il paraît inimaginable d’amener les trois anciens présidents du pays à adopter une position commune, compte tenu des rôles contradictoires qu’ils ont joués dans l’histoire de l’Arménie indépendante, l’initiative est cependant encourageante, car aucun des acteurs internationaux impliqués ne défendra les intérêts de l’Arménie avant les intérêts de son propre pays. Aujourd’hui, pour faire face à la menace de l’Azerbaïdjan, il faut que toutes les forces politiques se s’unissent pour sauver le pays, mettent de côté leurs clivages, leur intérêt avec telle ou telle puissance étrangère, et organisent l’autodéfense du pays et la stratégie à suivre. L’unité interne ne peut que renforcer la diplomatie du pays.
Les réactions à la première réunion des anciens présidents n’inspirent pas beaucoup d’espoir, mais il ne faut pas désespérer. On retiendra surtout le message de Levon Ter Petrossian, pour qui la coopération entre l’opposition et le gouvernement est impérative en cette période cruciale pour l’Arménie, afin de choisir la solution « la moins douloureuse ». Autrement, le pays est menacé de pertes irréversibles.
Face à l’armée azerbaïdjanaise, supérieure en nombre et dotée d’un arsenal moderne, qui a également l’avantage de disposer de deux armes économiques et stratégiques que sont le gaz et le pétrole, l’Arménie manque d’armes et de munitions. Le Premier ministre Nikol Pachinian a ouvertement parlé de cette question depuis la tribune du Parlement. Il a même laissé entendre que l’argent n’était pas le problème : l’Etat dispose des fonds, et les vendeurs d’armes ne manquent pas. Mais le principal problème est l’interdiction d’en acheter. Et d’où pourrait bien venir cette interdiction, sinon de l’allié stratégique russe, qui jusqu’à présent était le principal fournisseur d’armes de l’Arménie, et qui est actuellement incapable de se procurer des munitions, compte tenu de la guerre en Ukraine. Un « allié » qui trouverait tout aussi inacceptable que l’Arménie se tourne vers d’autres sources d’approvisionnement.
Face à cet état de fait, les déclarations des puissances occidentales en faveur de l’Arménie restent insuffisantes pour stopper la politique d’agression azérie. La classe politique arménienne doit s’unir pour adopter une politique qui protège les intérêts suprêmes de l’État et pour exiger des grandes puissances qu’elles protègent l’intégrité territoriale et défendent les droits de l’Arménie dans le cadre du droit international et aident à définir du statut de l’Artsakh.
J. Tch.