Les djihadistes du mouvement radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) et leurs alliés, soutenus par la Turquie, ont lancé des offensives éclair simultanées depuis le nord-est et le nord de la Syrie mercredi 27 novembre. En trois jours seulement, ils ont réussi à pénétrer dans la ville d’Alep. Les combats acharnés jusqu’aux portes de la ville ont fait plus de 350 morts, parmi les combattants et les civils. Cependant, leur entrée à Alep les 30 novembre et 1er décembre s’est déroulée sans résistance notable, les forces gouvernementales syriennes s’étant retirées, suivies des représentants des institutions d’État, y compris le préfet, conformément à un ordre reçu depuis Damas. (Notons que les forces russes basées aux alentours d’Alep, l’effectif de la mission civile arménienne dépêchée en Syrie pour des travaux de déminage ainsi que le personnel du consulat général d’Arménie avaient également quitté la ville, avant l’arrivée des rebelles).
Si certains analystes estiment que ce retrait est une stratégie visant à reculer pour mieux contre-attaquer, cette hypothèse reste incertaine. Ce retrait semble plutôt révéler l’impuissance de Bachar al-Assad, qui a immédiatement sollicité le soutien de son homologue iranien, probablement pour demander des renforts. À ce jour, Alep est sous le contrôle des rebelles.
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Cette situation suscite une vive inquiétude au sein de la communauté arménienne d’Alep et, plus largement, parmi les chrétiens, compte tenu des antécédents de ces groupes armés. Toutefois, des témoignages locaux se veulent pour l’heure rassurants. Selon des sources fiables, les nouveaux maîtres d’Alep, conscients des craintes des populations chrétiennes, cherchent à apaiser les tensions. Des représentants des branches politiques de ces groupes auraient contacté les responsables des communautés chrétiennes pour les rassurer. Des témoignages rapportent également un comportement respectueux des combattants dans les rues, même envers les chrétiens. Par exemple, une vieille dame arménienne aurait demandé à l’un d’eux : « Que va-t-il nous arriver ? », et aurait reçu cette réponse :
« Vous n’avez pas à vous inquiéter. Tous les habitants de cette ville sont les bienvenus parmi nous. »
Sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, de nombreux messages des dirigeants des nouveaux occupants visent également à apaiser les inquiétudes des habitants chrétiens.
En ce qui concerne les besoins essentiels, après une courte pénurie le premier jour, l’approvisionnement alimentaire est redevenu normal : pain, viande, légumes, et autres produits de base sont disponibles, bien que 90 % des magasins restent fermés, la méfiance et la peur dissuadant les habitants de sortir, de se rendre à leurs lieux de travail.
Un changement notable depuis la prise d’Alep est l’amélioration soudaine de l’approvisionnement en électricité. Alors que les habitants ne disposaient auparavant que de 2 à 3 heures d’électricité par jour depuis plus de douze ans, ils bénéficient désormais de 17 à 18 heures quotidiennes. Ce développement, accueilli avec joie mais aussi incompréhension, reste inexpliqué, les coupures précédentes étant officiellement attribuées à des pénuries.
Du côté des établissements scolaires, les écoles arméniennes restent fermées jusqu’à nouvel ordre pour des raison de sécurité. Toutefois, un signe de normalisation est apparu le mardi 3 décembre : une messe arménienne en l’honneur de Sourp Minas a été célébrée à l’église Sourp Asdvadzadzine (Sainte Mère de Dieu), en présence d’une foule nombreuse. Fait notable, des combattants armés sont désormais postés devant les lieux de culte chrétiens ainsi que devant les sièges des prélatures, vraisemblablement pour assurer leur sécurité.
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Les paroles rassurantes sont bienvenues, mais elles doivent impérativement être tenues et suivies.
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L’implication de la Turquie
Un mot également sur l’implication de la Turquie. Depuis les premiers jours de l’offensive ayant conduit à la prise d’Alep, de nombreux médias internationaux ont évoqué le soutien actif d’Ankara à certains
de ces groupes armés. Pourtant, le gouvernement turc a formellement démenti ces accusations. Mais ces dénégations peinent à convaincre face aux faits.
Un simple regard sur la presse turque suffit à mesurer l’étendue de l’implication d’Ankara dans ces événements récents. Pour ne citer qu’un exemple, Devlet Bahçeli, chef du parti ultranationaliste MHP, a déclaré ouvertement dans un discours qu’Alep est une « ville turque et musulmane » et qu’elle le restera. Cette rhétorique est reprise à travers le pays, où la chute d’Alep est célébrée comme une victoire nationale.
Le drapeau turc, désormais visible sur la citadelle d’Alep, est perçu comme une immense source de fierté pour les Turcs. Cette symbolique illustre clairement l’appropriation de cet événement par Ankara, malgré ses dénégations officielles. ■
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