En écho à la question de l’ambassadeur canadien sur le retour de la population arménienne au Haut-Karabakh, le président azerbaïdjanais a déclaré que « la question devait être examinée selon le principe de réciprocité ». Pour parler clairement, il faudrait également parler du « retour » des Azerbaïdjanais en Arménie.
Mais Aliev doit avant tout tenir compte du fait que 204 000 Arméniens ont été expulsés de force rien que de Bakou, et ces informations sont officielles. De fait, un certain nombre d’experts azerbaïdjanais admettent même « qu’environ 250 à 300 000 Arméniens vivaient dans la capitale de l’Azerbaïdjan soviétique ». Et si le droit au retour a un caractère de « réciprocité »,
alors il devrait également s’appliquer aux Arméniens de Bakou. Dans ce cas, Bakou devrait être divisée en quartiers comme Jérusalem car environ un demi-million de Russes et de Juifs ont également le droit d’y retourner.
Mais ce n’est là qu’un des aspects du problème.
La population arménienne du Haut-Karabakh ne constitue pas une « minorité ethnique », mais une « entité étatique » en Azerbaïdjan. Son statut a été reconnu à la fois par l’Azerbaïdjan soviétique et par la République démocratique de 1918-20. Aliev ouvre donc la boîte de Pandore.
Le fait est que le 19 août 1919, le Conseil national du Haut-Karabakh et le gouvernement de la République démocratique d’Azerbaïdjan ont signé un accord par lequel le Haut-Karabakh se reconnaît temporairement dans les frontières de la République démocratique d’Azerbaïdjan, jusqu’à ce que la Conférence de la paix de Paris décide de son statut final.
C’est sur la base de cet acte juridique qu’en 1923 l’Azerbaïdjan a été soviétisé. Par le décret du 7 juillet, la région autonome du Haut-Karabakh a été constituée à partir de la « partie arménienne du Karabakh », comme cela est précisé dans le document.
Certes, des Azerbaïdjanais vivaient en Arménie, mais ils ne constituaient pas une entité étatique, ni dans l’Arménie indépendante, ni en Arménie soviétique. Ils ne possédaient pas d’institutions juridiques et politiques autonomes. Ils constituaient une minorité ethnique, comme plus de 200 000 Arméniens vivant dans les régions de Khanlar, Shamkhor, du Dashkesan, de Sumgaït et de Mingetchaour.
Si l’Azerbaïdjan est le successeur de la République démocratique d’Azerbaïdjan telle qu’elle existait entre 1918 et 1920, alors les relations entre Bakou et les représentants de la population arménienne du Haut-Karabakh devraient être basées sur les dispositions de « l’Accord provisoire » du 19 août 1919. En d’autres termes, le Haut-Karabakh serait momentanément inclus à l’intérieur des frontières de l’Azerbaïdjan, jusqu’à ce que son statut final soit déterminé par le Groupe de Minsk de l’OSCE. Toutes les décisions du Conseil suprême de l’Azerbaïdjan concernant le Haut-Karabakh doivent être annulées et un statut transitoire doit être établi qui permettra à la population arménienne du Haut-Karabakh de disposer d’organes de pouvoir locaux et d’une complète indépendance culturelle.
À cet égard, l’élite politique de Stepanakert représentée par l’Assemblée nationale devrait maintenant lancer le processus qui s’impose. Le Président de l’Azerbaïdjan a réactualisé une question juridique et politique d’importance.
Personne ne discutera de la question des droits de la population arménienne du Haut-Karabakh si les autorités officielles de Stepanakert ne font pas preuve d’initiative.
Quiconque affirme que la question de l’Artsakh n’est pas close doit faire preuve de volonté politique et internationaliser ses problématiques.
Aliev crée cette occasion et cette opportunité, il appartient à Stepanakert de relever le défi.
L’acceptera-t-il, ou continuera-t-il de s’enferrer dans un populisme stérile ?
Traduction : Sahak Sukiasyan
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