Bakou continue d’insister sur le fait qu’il ne signera pas le traité de paix avec Erevan sans l’amendement de la Constitution arménienne, et plus précisément, sans en supprimer la mention de la Déclaration d’indépendance. « Il y a des revendications territoriales contre l’Azerbaïdjan dans ce document », a déclaré Eltchin Amirbeyov, représentant des missions spéciales du président de l’Azerbaïdjan, dans une interview avec Joshua Kucera, correspondant régional de la radio “Liberté”.
En outre, le responsable azerbaïdjanais a souligné que la Constitution arménienne est le seul et principal obstacle au traité de paix, en déclarant : « Nous voulons être sûrs que l’accord de paix avec l’Arménie rende impossible à l’avenir tout retour à la vengeance ou toute revendication territoriale contre l’Azerbaïdjan, ce dont nous avons déjà été témoins par le passé. Il est inacceptable pour nous que l’Arménie considère les négociations de paix et la signature finale du traité comme une tactique visant à gagner du temps pour renforcer ses capacités militaires et recommencer la même histoire. »
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« Il existe une opinion selon laquelle il est important de terminer les négociations de paix le plus rapidement possible et peut-être de signer le projet d’accord en novembre, dans le cadre de la COP29. Mais nous pensons que cela n’aurait aucun sens sans régler la question de revendications territoriales contre l’Azerbaïdjan, qui sont inscrites dans la Constitution arménienne. De plus, à mon avis, cela pourrait avoir le résultat inverse, car dans le cas d’une signature précipitée du projet d’accord, s’il existe des lacunes juridiques, cela pourrait permettre à l’Arménie de raviver ses revendications territoriales à l’avenir, lorsque le rapport des forces dans la région aura changé en sa faveur », a déclaré Amirbeyov.
Depuis plusieurs mois, Erevan affirme que la modification de la Constitution est une question interne à l’Arménie. Dans le même temps, le Premier ministre Pachinian a annoncé au début de l’année que le pays avait besoin d’une toute nouvelle Constitution, et il y a deux mois, il a chargé d’élaborer et d’approuver le projet de la nouvelle Constitution d’ici la fin de 2026. Selon Amirbeyov, Pachinian a également discuté de cette question avec eux.
« Maintenant, il (Pachinian – ndlr) veut avancer l’argument selon lequel il s’agit d’un processus politiquement très complexe et que le projet de Constitution ne peut être prêt qu’en 2027. Très bien, c’est aussi une option, mais le monde extérieur est-il prêt à attendre aussi longtemps jusqu’à ce qu’un traité de paix soit signé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ? Parce que c’est évident, nous n’avons pas besoin de nous presser et de signer un morceau de papier qui va, peut-être, être déclaré invalide par un nouveau gouvernement », a souligné le haut responsable azerbaïdjanais et a ajouté :
« Si l’Arménie veut rédiger une nouvelle Constitution, c’est une question interne et c’est son droit. Nous parlons de modifier le préambule et cela n’a pas besoin des années de discussions. De plus, Bakou a également la formule pour soumettre cette question à un référendum : “Voulez-vous parvenir à la paix avec l’Azerbaïdjan ou laisser la porte ouverte à la possibilité d’un nouveau conflit ?” Je suppose que s’ils présentent la question de cette manière, la majorité du peuple arménien soutiendra la paix, car en 2021, lorsque Pachinian a organisé des élections anticipées après sa lourde défaite dans la guerre du Karabakh, son parti a gagné. Habituellement, après qu’un dirigeant ait subi une défaite aussi écrasante dans une guerre, il devrait perdre également les élections, mais il les a gagnées. »
Une autre question problématique, selon Amirbeyov, est celle du Groupe de Minsk de l’OSCE, qui devrait être dissoute, ainsi que les plaintes déposées par l’Arménie auprès d’instances internationales, où l’Azerbaïdjan voit également des ambitions territoriales. Selon le représentant d’Aliev, l’Arménie n’a accepté de trouver des solutions à ces problèmes qu’après la signature du traité de paix. Selon lui, les parties ont également trouvé une option mutuellement acceptable sur la question de la route reliant l’Azerbaïdjan au Nakhitchevan, que Bakou appelle depuis quelques années le « corridor de Zanguezour ».
« Nous avons réalisé que nous ne pourrons pas conclure l’accord de paix dans un avenir proche si à la question de la Constitution, nous ajoutons un autre désaccord qui est celui de l’ouverture des voies de communication. C’est pourquoi, par un accord bilatéral, nous avons décidé de supprimer ce paragraphe de l’accord de paix et d’y revenir ultérieurement », a ajouté Amirbeyov. « Une fois le traité de paix signé, les deux délégations ou les deux pays pourront reprendre les discussions pour trouver une solution acceptable pour eux afin de rouvrir les voies de communication entre l’Azerbaïdjan et le Nakhitchevan. »
Dans le même temps, il a souligné que la paix avec l’Azerbaïdjan crée des opportunités immédiates pour l’Arménie qui pourra améliorer ses relations avec la Turquie. Rappelant la dernière réunion des envoyés spéciaux de l’Arménie et de la Turquie tenue à la frontière, Amirbeyov a souligné : « Ankara a montré une fois de plus qu’Erevan perd son temps s’il pense pouvoir réguler ses relations avec la Turquie en contournant Bakou. »
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