2024 a été une année difficile et controversée pour le monde entier. Malheureusement, les anciennes guerres se sont poursuivies et de nouvelles se sont ajoutées au Grand Moyen-Orient. La paix, en tant que valeur suprême et condition préalable à la prospérité, n’a pas encore de perception mondiale.
2024 : bilan sécuritaire et économique
En Arménie, ce fut une année de paix, c’est le plus important, mais la région reste dans un statut « ni paix ni guerre », ce qui l’oblige à assurer sa sécurité avant tout. En 2024, le ministère de la Défense a mis en discussion le concept de transformation de l’armée. Une fois révisé, le document peut devenir la base des réformes nécessaires et des changements inévitables, s’il y a une volonté politique suffisante. La sécurité est un système dont les différentes composantes sont tout aussi importantes et complémentaires. Elle repose sur la politique étrangère, l’éducation, la démographie, le climat politique intérieur et surtout, le développement économique.
Selon Anahit Adamyan, membre du conseil politique du parti “République”, “l’économie est restée le talon d’Achille. L’échec de la diversification de l’économie, l’accent mis uniquement sur la construction, le secteur des services et du tourisme, l’existence de monopoles russes en Arménie, l’absence d’une industrie produisant des biens compétitifs sont les échecs de 2024 et de la période 2018-24.”
La démographie : une préoccupation prioritaire
C’est le principal marqueur de la qualité de la gouvernance de l’État et du comportement du citoyen, pour qui l’émigration est devenue une des solutions privilégiées.
L’Arménie sans une population satisfaite dans ses besoins de base (travail, école, santé, logement) sera une proie facile pour ses voisins qui pourraient être tenté de l’avaler en totalité ou en morceau à la prochaine occasion. L’équipe au pouvoir se débrouille assez bien mais a-t-elle les ressources humaines et les méthodes de management suffisantes pour faire le job ? Doit-elle encourager l’intégration de ressources étrangères au pays ? Attirer les talents et les capitaux nécessaires pour accélérer la réforme des institutions régaliennes.
Demande d’adhésion à l’UE : 60 000 signatures citoyennes, soutien confirmé de la France et des États-Unis?
L’initiative populaire la plus intéressante de 2024 a abouti à la soumission d’un projet de loi à l’Assemblée nationale en vue de lancer le processus d’adhésion à l’UE. 60 000 signatures de citoyens ont été collectées. Il ne s’agit pas seulement d’une initiative de plusieurs partis et de la société civile, mais aussi d’une opportunité pour le gouvernement, de faire un choix de civilisation nouvelle.
“Après l’adoption de cette loi, nous devrions élaborer une feuille de route avec les dirigeants de l’UE puis soumettre cette initiative à référendum” a déclaré le Premier Ministre.
Olivier Decottignies ambassadeur de France en Arménie a pour sa part confirmé, le 13 janvier 2025, l’engagement de la France pour une paix durable et juste dans la région, un engagement à être aux côtés de l’Arménie, à préserver son intégrité territoriale et sa souveraineté. Un accord de relation stratégique renforcé vient d’être signé avec Antony Blinken, deux jours avant la prise officielle de fonction de Donald Trump.
Pour faire évoluer la gouvernance de l’Arménie et des communautés diasporiques
Nous recommandons de s’inspirer des préceptes de bonne gestion des hommes et des situations produits par des intellectuels et dirigeants d’entreprises remarquables (cf bibliographie). Ils pourraient contribuer à élever sensiblement le niveau des dirigeants de l’État, comme ceux des communautés diasporiques, afin de les rendre plus démocratiques et plus efficients :
(1) Se baser sur un diagnostic critique et objectif des forces et faiblesses de l’Arménie, de ses opportunités et de ses menaces, en tenant compte des réalités du pays et non des fantasmes historiques ou religieux d’hier.
(2) Pour compenser le manque de culture et d’expérience étatique, il s’agit d’identifier et/ou de former rapidement des personnes compétentes, sachant “qu’aucune organisation ne peut à la longue, être supérieure à l’esprit de son chef. ”
(3) Pour y arriver il s’agit de “Recruter les meilleurs, transmettre la flamme et les laisser libres d’exercer leurs talents”.
(4) Dans l’environnement miné du pays il s’agit de rester vigilant mais aussi de travailler dans un esprit d’ouverture, de curiosité, et d’écoute, encourager les débats féconds et l’établissement de relations de confiance mutuelle, avec ses équipes et les différentes composantes de la Nation.
(5) Mais la confiance exige aussi de la légitimité et de l’autorité.
(6) La maîtrise de l’Art de la Paix n’est pas contradictoire avec celui de l’art de la guerre, mais il le transcende, car il met en évidence la dimension humaine par opposition à l’égocentrisme des faiseurs de guerre et des nouveaux impérialistes.
(7) L’objectif de renforcement de l’État est non négociable. L’indépendance formelle acquise en 1991 n’a été qu’un premier pas vers la souveraineté qui reste à consolider.
(8) Le concept de Cause arménienne (Haïtadisme) pratiqué par la diaspora doit changer. Passer de la revendication territoriale, avatar de la Grande Arménie, au développement et à la préservation de son Etat, sa population, sa jeunesse, son patrimoine, sa culture et ses capacités technologiques. Pour encourager les Arméniens à rester chez eux, à y mener une vie normale et digne.
Bref, à penser comme des tenants de la citoyenneté de la République d’Arménie et non comme des descendants de réfugiés dispersés dans le monde. C’est l’esprit du citoyen qui (re)construira le pays, pas l’esprit du réfugié !
Robert AYDABIRIAN
A Grâne, le 15 janvier 2025
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Bibliographie :
(1) “A Precarious Armenia” de l’historien et diplomate Gerard Libaridian, l’un des trois signataires, et co-rédacteur du “Livre blanc sur la guerre du Karabagh & les options diplomatiques et sécuritaires de demain”.
(2) “Le Gouvernement des grandes organisations” œuvre managériale pionnière de Hrant Pasdermadjian (PUF 1940) fils d’un des plus brillants co-fondateur de la FRA.
(3) “Bill and Dave” de Mike S.Malone révèle le secret de la réussite de Hewlett-Packard, remarquable école de gouvernance et d’intégrité des entreprises.
(4) “Seuls les paranoïaques survivent” (Pearson France 2001) Andrew Grove fondateur d’Intel, qui explique que pour pérenniser son entreprise il faut sur sa courbe de vie des traverser les points d’inflexion stratégiques.
(5) ” Les institutions invisibles” de Pierre Rosanvallon (Seuil octobre 2024).
(6) “L’Art de la paix” de Bertrand Badie, le plus philosophe des professeurs en relations internationales développe la notion de paix comme un tout, à l’heure de la mondialisation et des menaces climatiques.
(7) “Déclaration collective pour la souveraineté de l’Arménie” co-signée initialement par Alexandre Armen Couyoumdjian (avocat), Michel Marian (essayiste), Taline Papazian (politologue, directrice Armenia Peace Initative.)
(8) “Le haïtadisme social” vs “le haïtadisme céleste”, extraits de nos échanges avec l’ami Gaidz Minassian, docteur en Sciences politiques et journaliste au Monde.
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