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Arrêter ou continuer ?

Il est question de l’avenir de « Nor Haratch ». Le monde change de jour en jour, le numérique transforme les sociétés, les modes de vie, les façons de travailler et de penser. Et le journalisme fait partie intégrante de ce changement. En tant que presse arménienne indépendante de la diaspora, suivre le rythme de l’innovation constitue un grand défi. Les ressources économiques et humaines de la presse arménienne de la diaspora sont très limitées. Le monde de l’information est de plus en plus virtuel, l’usage du papier imprimé se rétrécit, l’information sur les réseaux sociaux se généralise, le contrôle de l’authenticité de l’information devient plus difficile, l’intelligence artificielle offre de nouveaux modes d’information…

Depuis sa naissance, « Nor Haratch » fait toujours partie de ce que l’on nomme la «presse écrite». La principale raison de la crise que le journal traverse n’est cependant pas le problème de sa modernisation, mais une préoccupation plus élémentaire.

Il y a 15 ans, le journal démarrait avec une équipe rédactionnelle enthousiaste, des organisations soutenant financièrement le journal, des sponsors et des lecteurs fidèles. De nombreux défis ont été relevés : créer un hebdo en français, diffuser des infos en ligne et sur certains réseaux sociaux, réaliser des vidéos, créer une librairie… Toutes ces réalisations ont été faites grâce aux supporters, aux sympathisants et au dévouement du personnel. Au fil du temps, certains parrains du journal ont retiré leur soutien, et parmi eux, certains l’ont conditionné à un changement dans l’orientation de la ligne éditoriale, accusant la rédaction d’être « pro- Pachinian». Il y a une différence manifeste entre la perception de la rédaction et celle de certains de ses lecteurs concernant les relations Arménie-Diaspora. Si prendre la défense du renforcement de l’État arménien, si défendre un pays de droit et la voie démocratique signifie être « pro-Pachinian » oui, la rédaction assume cette étiquette.

Il y a aussi, d’autre part, des abonnés qui ont arrêté leur abonnement parce que certains articles publiés dans le journal les avaient froissés. Tout cela crée des problèmes matériels et financiers auxquels il faut trouver des solutions.

Il est normal qu’un journal soit la cible de critiques. Celles-ci sont importantes et utiles, surtout lorsqu’il s’agit d’un journalisme, où les points de vue, la perception des phénomènes politiques et sociaux donnent lieu à de grandes variétés de lecture. Cependant, l’intolérance, la menace de suspendre l’aide, sont des limites que nous considérons comme inacceptables, infranchissables.

Aujourd’hui, « Nor Haratch » est confronté à un dilemme : soit arrêter de publier le journal, soit trouver de nouveaux sponsors, de nouvelles sources, élaborer un nouveau plan pour poursuivre son activité.

La crise actuelle est double : capitalistique et fonctionnelle. Il y a 15 ans, le principal défi de la rédaction était de maintenir la tradition de la presse écrite indépendante. Ayant opté pour l’orthographe classique et principalement en arménien occidental, « NH » a naturellement été lu par la diaspora classique arménienne occidentale. Le supplément français a également été lu par les descendants de la diaspora traditionnelle née en France. Notons, par ailleurs, que la presse écrite, de manière générale, est en déclin depuis des années. L’objectif initial de la rédaction est épuisé : la presse écrite recule, la défense de l’orthographe classique, même au sein de la presse arménienne occidentale, n’est pas valorisée, ni même par les organisations engagées dans sa protection. Il nous faut de nouveaux leviers, de nouveaux financements, de nouveaux mécènes, pour poursuivre un nouveau programme en adéquation avec les exigences d’aujourd’hui.

La crise que traverse « Nor Haratch » ne doit pas faire oublier le rôle des lecteurs et sympathisants qui l’ont défendu fermement, même si parfois, ils ne partageaient pas ses prises de position éditoriales.

Comme tout être vivant, les médias connaissent des hauts et des bas, des succès et des échecs. Début 2024, nous avions prévu l’organisation d’une enquête sur l’avenir de notre média. Une petite étude a été réalisée pour découvrir les sources d’information de la jeunesse, dont la conclusion confirme leur terrible limitation et par conséquent, aussi, le manque de diversité de cette information… Étant donné tous ces éléments, nous souhaitons adresser une invitation pour une rencontre publique, une occasion d’échanger avec nos lecteurs et de réfléchir aux moyens de faire face aux défis modernes.

J. Tch.