Marco Rubio
Par Marc DAVO
Incroyable mais vrai, Donald Trump est élu président encore une fois malgré ses démêlés avec la Justice américaine. Cette élection provoque l’inquiétude chez certains, en Europe notamment, et la réjouissance visible ou retenue chez certains d’autres. Les plus autoritaires voire dictatoriaux, Netanyahou, Poutine ou Aliev, pour ne citer que les plus en vue, affichent leur sourire. Au lendemain de l’annonce du résultat, on observe sur les réseaux sociaux et dans les masses médias une kyrielle de commentaires et d’analyses en Arménie, mais pas seulement, la plupart se référant à l’expérience de son premier mandat marqué par le caractère imprévisible et aussi tranchant du businessman milliardaire.
En fait, ce qui intéresse les commentateurs arméniens, de prime à bord, c’est l’attitude qu’adoptera la nouvelle administration républicaine à l’égard du Sud-Caucase et des relations Arménie-Azerbaïdjan. Certains commentateurs soulignent l’appel téléphonique du candidat Trump au catholicos Aram 1er comme étant de bon augure et mettent l’accent sur la présence dans l’équipe du président élu des personnalités réputées pro-arméniennes qui pourraient accéder à des fonctions importantes. Un journaliste de Shant-TV rappelle que Robert Kennedy Jr ou Marco Rubio (sénateur de la Floride) font partie de cette catégorie puisqu’ils ont souvent fait des déclarations en faveur de l’Arménie. Un autre analyste précise que les éléments gravitant autour du président sont plus avertis des affaires internationales et du Sud-Caucase comme Robert Kennedy Jr ou Vivek Ramaswamy et ne seraient pas inattentifs aux événements dans la sous-région, comme ce fut le cas durant la guerre des 44 jours. Cependant, tous ajoutent qu’Ilham Aliev aussi dispose de moyens d’accès à Donald Trump ou à son entourage immédiat à l’aide d’hommes d’affaires comme Anar Mammadov ou Emin Aghalarov.
Robert Kennedy JR
Un groupe d’analystes arméniens, dont Tigran Grigorian interrogé sur CivilNet, estime qu’étant donné les thèmes de la campagne électorale, plus tournés vers les questions domestiques, le Sud-Caucase occupera moins de place dans la politique générale de Washington. D’après lui, il faudra s’y attendre à un engagement américain amoindri. On peut affirmer le contraire aussi. Le nouveau président attentif à l’aspect économique, ne devrait pas négliger l’impact que la voie médiane (Chine/Asie centrale-Sud-Caucase-Europe) aura sur l’évolution de l’économie mondiale.
Vivek Ramaswamy
Quoi qu’il en soit, la philosophie du 5 avril 2024 (le soutien américano-européenne au renforcement de l’indépendance de l’Arménie) perdra de sa vigueur, même si Nikol Pachinian, de par sa pusillanimité politique, avait déjà quelque peu limité sa portée. D’une manière générale, à l’inverse des Démocrates qui misaient plus sur la diplomatie pour régler les conflits, le recours à la force reprendra du poil de la bête dans la régularisation des questions conflictuelles.
Nul doute que dans ce contexte, l’Azerbaïdjan profitera au maximum du déséquilibre des rapports de force dans la sous-région aux dépens de l’Arménie.
Le seul élément de poids de nature à retenir l’agressivité russo-azérie ne pourra venir que des institutions européennes. La présence en Arménie de la mission civile de l’Union européenne, qui a montré son efficacité, appelée à s’étoffer et à s’inscrire dans une durée plus conséquente, constituera l’un des facteurs susceptibles d’empêcher Bakou de mettre en exécution ses menaces d’invasion du territoire arménien. Il est absolument crucial que le gouvernement d’Erevan ne cède pas aux pressions conjointes de Moscou et de Bakou qui réclament le retrait de la Mission Civile de l’UE.
Le diplomate Ara Papian rappelle sur Factor TV qu’en tout état de cause, les Etats-Unis persisteront dans leur attitude visant à affaiblir leur principal concurrent, la Chine. L’équation Russie-Iran s’analysera à l’aune de cette récurrence, même si la complicité de Donald Trump est grande avec Benyamin Netanyahou, très remonté contre le régime de Téhéran à cause de son soutien aux organisations extrémistes palestiniennes et le dossier nucléaire. La Russie qui a félicité le vainqueur du scrutin ne semble pas pouvoir obtenir plus qu’un cessez-le-feu en Ukraine, croit l’ancien ambassadeur Papian. D’ailleurs, la question de l’accès de l’Asie centrale au marché international via la mer Caspienne et l’Azerbaïdjan, ainsi que celle du couloir de Meghri, invoquées par l’administration Biden devraient être prises en compte.
La transaction politique a déjà commencé entre Trump et Poutine. Comme le nouveau président doit montrer à son électorat qu’il agit, comme promis, pour la paix dans le monde, il a eu, selon Washington Post, une conversation téléphonique avec le maître du Kremlin (Dimitri Peskov, porte parole, a nié), sur une solution en Ukraine (selon toute vraisemblance au détriment de l’intégrité de l’Ukraine). Vadimir Poutine aura les mains libres pour agir plus ouvertement en Géorgie et sans doute en Arménie. M. Pachinian ne pourra plus jouer au chat et à la souris, passer d’un bord à l’autre à sa guise avec Washington et Bruxelles, comme il l’a fait jusqu’à présent. L’Arménie doit « se rendre utile et intéressante » (négociation en vue d’une alliance stratégique, contrats pour la construction de centrales nucléaires, etc.). « Les carnivores », selon l’expression du président Macron, attendent le moment propice pour la déchiqueter. ■
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