Le soir du 9 août, un ami m’a informé par un sms : « Nous avons perdu Harout Kurkdjian ».
Cette terrible nouvelle me paraissait incroyable. Comme ça, soudainement ?
Hélas, c’était la triste réalité.
Le même jour, le 9 août, il venait de s’éteindre à Athènes, à l’âge de 81 ans, après une courte maladie (Covid).
Dès les débuts de la fondation de notre journal, Harout Kurkdjian avait aimablement accepté d’assurer la page ” L’arménien chez soi” dans l’Hebdo. C’est ainsi qu’un lien lointain mais très fort s’était établi entre nous, même si nous n’avons jamais eu l’occasion de nous rencontrer physiquement. Chaque fois que nous correspondions, je ressentais cette même chaleur qu’on ressent lorsqu’on échange avec un être très proche ou un être bien-aimé.
Ainsi est fait le métier de journalisme (sans doute comme bien d’autres métiers d’ailleurs) : beaucoup de liens se tissent, d’amitiés se créent à distance, avec des personnes que vous n’aurez peut-être jamais l’occasion de rencontrer physiquement. Il en a été de même pour moi, par exemple, avec le regretté Stepan Boghossian que, après de nombreuses années de profonde amitié à distance, j’ai finalement eu l’occasion de rencontrer personnellement, juste quelques mois avant son décès. Cette rencontre in-extremis m’a apporté une satisfaction inexplicable et inestimable, une satisfaction d’avoir rempli un devoir de conscience.
Mon désir de connaître Harout personnellement, de même, avait largement et depuis longtemps mûri. Mais malheureusement il ne s’est jamais réalisé ! J’ai trop tardé cette fois-ci, ou plutôt, la mort a dégainé plus vite.
Il y a quelques années, lorsque dans un mail j’ai demandé s’il allait bien, Harout m’a répondu par retour de mail : « Dieu merci, je vais bien », et de là en enchaînant sur une anecdote « drôle (?) », m’a raconté que quelques années plus tôt, en raison peut-être d’une homonymie ou pour une autre raison qu’il ignorait lui aussi, on l’avait déjà annoncé mort et « enterré », alors qu’il était bel et bien en vie et en bonne santé.
Hier, lorsque j’ai entendu la terrible nouvelle, je me suis immédiatement souvenu de cette anecdote. Un fol espoir m’a traversé l’esprit… et s’il s’agissait encore d’un malentendu… Dans ce fol espoir et en priant, je lui ai même écrit un ultime mail pour lui demander de confirmer que cette mauvaise nouvelle est à nouveau le résultat d’un malentendu.
Mais malheureusement, cette fois mon mail est resté sans réponse…
Repose en paix et dans la lumière, notre cher ami.
Bénie soit la mémoire des justes.
“NH” – Nos plus sincères condoléances à sa veuve, Maro, à ses proches et à ses camarades.
H.G.
Haroutiun Kurkdjian était né au Liban en 1943. Éducateur, conférencier, écrivain, auteur de manuels, poète et personnalité publique, Il s’était installé à Athènes dès 1984.
Kurkdjian fait ses études primaires et secondaires au Séminaire Nshan Palandjian de Beyrouth. Il poursuit ses études à l’École de philosophie de l’Université française de la même ville, puis vient à Paris et obtient son diplôme de l’Université Sorbonne en 1978, avec le titre de Maître de Philosophie.
L’amour – pour ne pas dire le virus – d’apprendre, d’enseigner, avait germé en lui depuis le début. Ainsi, dès les premières années de ses études, il enseigne l’arménien, le français, la littérature arménienne et la philosophie dans les écoles arméniennes de Beyrouth.
Parallèlement à sa mission d’enseignant, il commence progressivement à collaborer avec la presse écrite arménienne : « Pakine », « Ahegan », plus tard « Haratch », « Aztag »… Comme nous l’avons évoqué plus haut, il avait accepté volontiers de prendre en charge la page d’apprentissage d’arménien dans « Nor Haratch-Hebdo ».
Il est l’auteur de nombreux ouvrages pédagogiques et éducatifs, de dictionnaires. Il est également l’auteur de monographies, d’ouvrages politico-idéologiques, d’une anthologie de la littérature arménienne de la diaspora parmi tant d’autres œuvres,… Il collabore aussi avec d’autres écrivains et auteurs à la publication d’ouvrages littéraires, parfois en tant que correcteur ou traducteur.
Il était également très actif dans la vie communautaire. Il avait rejoint les rangs de la FRA Dashnaktsoutioun dès son plus jeune âge, et avait accompli un important travail rédactionnel sur l’histoire et l’idéologie de la FRA.
Le mois dernier, Haroutiun Kurkdjian a participé, à Lisbonne, à la conférence « Nouvelle équation / Conversation des générations” organisée par la Fondation “Gulbenkian”, inspirée d’un de ses essais écrit en 1968.
Haroutiun Kurkdjian à Lisbonne
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