Vahram Atanesyan (1)
Le 5 janvier, le site officiel d’Ilham Aliev a publié son message de félicitations à l’occasion de la fête de Noël. Contrairement aux précédents qui s’adressaient exclusivement aux fidèles de l’Église orthodoxe, celui-ci s’adressait à « l’ensemble de la communauté chrétienne» d’Azerbaïdjan ». Le choix de la date par Aliev pour diffuser son message aurait pu laisser penser que ces vœux s’adressaient également aux fidèles de l’Église apostolique arménienne…
L’Église orthodoxe russe fête Noël le 7 janvier. A cette occasion, Mehriban Alieva, la « Première dame » d’Azerbaïdjan, a publié un message sur son compte « Instagram ». On peut y lire la déclaration suivante : « A l’occasion de Noël, je félicite sincèrement la communauté chrétienne d’Azerbaïdjan et souhaite bonne santé et bonheur à tous nos concitoyens ». Il faut cependant noter que les médias azerbaïdjanais ne font aucune allusion à de potentielles célébrations de Noël à Bakou. Au lieu de cela, il est largement rapporté que cette fête a été célébrée dans l’église Saint Alexandre Nevski à Gandja (Gantzak), comme l’a rapporté l’agence officielle APA (2). Là, « le message de félicitations d’Ilham Aliev a été lu au début de la Divine liturgie, puis les fidèles ont célébré la naissance de Jésus en allumant des cierges et en priant pour la paix ». Ils ont déclaré que « cette fête était célébrée à Ganja depuis des années et qu’ils n’avaient jamais eu de problèmes pour le faire ». D’après les photographies diffusées par les médias, on constate cependant qu’une douzaine de croyants au maximum ont participé à la cérémonie. Exclusivement des femmes âgées. De plus, aucun ecclésiastique n’était présent sur ces photos.
Le 5 janvier, le président du « Comité d’État pour les affaires religieuses », Mubariz Gurbanli , a qualifié de « sans fondement et intentionnellement déformées » les critiques du rapport de l’Organisation américaine pour la protection des droits des minorités ethniques et religieuses qui faisait notamment état de l’intolérance du gouvernement azerbaïdjanais envers l’héritage chrétien du Haut-Karabakh (3).
Combien de temps encore la propagande d’Aliev selon laquelle l’Azerbaïdjan serait un pays «multiculturel, multiethnique et multireligieux » perdurera-t-elle ?
Parmi les communautés chrétiennes du pays, seule la communauté russe subsiste encore, mais elle disparaîtra également au cours des dix ou vingt prochaines années. Le nombre de la population russe ou russophone à Bakou et à Ganja est aujourd’hui d’au plus 40 à 45 000 personnes (4). La
« communauté chrétienne oudie » est une fiction. il ne subsiste plus qu’une seule localité oudie, la ville de Nij (5), où plus de la moitié des 3 000 habitants sont musulmans.
A la suite du dépeuplement de l’Artsakh, la frontière de la civilisation chrétienne s’est déplacée depuis les rives occidentales de la mer Caspienne et les monts du Caucase pour atteindre Sotk, Khoznavar et Akarag, c’est-à-dire la ligne actuelle de confrontation arméno-azerbaïdjanaise.
Ce défi concerne-t-il seulement l’Arménie, le peuple arménien et l’identité arménienne ?
1 In.am – Erevan
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En lien avec ce texte de Vahram Atanesyan, quelques nouvelles religieuses liées à l’Azerbaïdjan et à la célébration de la fête de Noël dans ses communautés chrétiennes.
Des nouvelles de nos « frères » russes
Conformément aux « bons usages » en cours à Bakou, le diocèse de l’Eglise orthodoxe russe d’Azerbaïdjan n’a pas manqué d’apporter sa contribution à la propagande de Bakou en se félicitant de la prétendue harmonie qui règne entre toutes les religions dans le pays.
Voici ce que l’on peut lire à ce sujet sur son site officiel à l’occasion des célébrations de la fête de Noël : « Le chef des Musulmans du Caucase, Cheikh-ul-Islam Allahchukur Pachazadeh, s’est adressé à la communauté orthodoxe d’Azerbaïdjan avec ses traditionnels vœux à l’occasion des fêtes de la Nativité et du Nouvel An. Il a souligné dans ses vœux que la fête de la Nativité du Christ est une fête de paix, de miséricorde et de fraternité humaine ». Le Cheikh-ul-Islam a souhaité aux chrétiens orthodoxes du pays bonne santé et une vie longue et fructueuse. Son message rappelait également « Que le Tout-Puissant nous aide dans nos bonnes pensées et nos bonnes actions au nom du Créateur Unique et pour le bien du genre humain » (SIC !).
Ce même site de l’Eglise orthodoxe russe relate les célébrations de la Nativité en Azerbaïdjan : « En ces jours de solennités, les croyants de confession chrétienne de notre pays glorifient la venue au monde du Christ Sauveur. Des liturgies solennelles se sont déroulées dans les églises de Bakou, Ganja, Sumgaït, Lankoran, Khachmaz et Khankendi (Stepanakert). Le Président de la République d’Azerbaïdjan, Ilham Aliev, le Chef du Bureau des Musulmans du Caucase, Cheikh-ul-Islam A. Pachazade, le Président du Comité d’État de la République d’Azerbaïdjan pour le travail avec les entités religieuses, Mubariz Gurbanli, le chef de la légation apostolique de l’Église catholique Église d’Azerbaïdjan, l’évêque Vladimir Fekete, ont adressé des messages de vœux aux chrétiens orthodoxes d’Azerbaïdjan. Avant le début de la Vigile de Noël, le Chancelier du diocèse de Bakou, l’archimandrite Alexy (Nikonorov), a accordé une interview à plusieurs médias azerbaïdjanais. Lors des offices religieux, un message du Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a été lu. Au cours de la liturgie nocturne dans la Cathédrale des Saintes Femmes myrophores, l’Évangile et les chants de Noël ont retenti en slavon et en azerbaïdjanais. Les enfants présents qui étaient en vacances ont reçu des cadeaux de Noël spécialement préparés à leur attention. »
Enfin, le patriarche Cyrille de Russie a également adressé un message aux deux Catholicos de l’Église arménienne à l’occasion de Noël. Pour des raisons sans doute « diplomatique » ce message n’a été publié ni par Etchmiadzine, ni par Antélias. Un court extrait emprunté à la presse d’Arménie nous apprend seulement que le patriarche russe y déclare : « En cette période difficile de l’histoire, il est de notre devoir à tous de résister aux divisions et de prier le Sauveur pour l’établissement de la paix entre les peuples du monde et de glorifier le nom du Christ par de bonnes actions ». Un message des plus laconiques – le minimum syndical – pour les responsables d’une « Église sœur » (6) et pour une nation, « alliée » de la Fédération de Russie.
Nos faux-frères oudis
Du côté du groupuscule des Oudis de la prétendue « Eglise apostolique d’Albanie », on a pu observer un nouveau déplacement d’une poignée d’activistes dans les localités de Madaghis et de Talich le 23 décembre.
Lors de leurs nouvelles incursions dans ces deux localités, ils ont procédé à la célébration d’un simulacre de célébration dans les deux églises arméniennes du saint Sauveur de Talich et Saint Elysée de Madaghis. Les responsables de cette officine des services azerbaïdjanais ont également adressé leurs vœux à l’occasion des fêtes du Nouvel an et de la Nativité au ministre en charge des affaires religieuses. Sur le papier entête de la « Communauté chrétienne albanaise des Oudis d’Azerbaïdjan », figure depuis plusieurs mois l’église saint Jean-Baptiste du monastère de Gantzasar.
Du côté de l’Église catholique
Sur le site de l’Eglise catholique en Azerbaïdjan, on peut prendre connaissance du message adressé par I. Aliev au Pape François à l’occasion de Noël. Le Khan de Bakou y dit tout ce qui lie son pays au Vatican et à l’Eglise catholique : « Dans notre société, la préservation et le maintien de la diversité ethnique et culturelle, de l’harmonie interconfessionnelle, de l’héritage religieux et moral et des valeurs multiculturelles constituent les principes fondamentaux de notre politique d’État. Les citoyens chrétiens d’Azerbaïdjan s’engagent activement, aux côtés des membres d’autres confessions, dans tous les aspects de la vie sociopolitique de notre pays, apportant ainsi de précieuses contributions au développement global de notre État. Je suis convaincu que la communauté chrétienne continuera à apporter sa force et ses compétences au progrès et à la prospérité de sa patrie, l’Azerbaïdjan. Le développement régulier et dynamique des relations entre l’Azerbaïdjan et le Saint-Siège est gratifiant. L’histoire de nos relations au service des intentions de bonne volonté est riche en événements et réalisations marquants. Je vous exprime ma gratitude pour votre grande contribution personnelle au développement de la coopération entre l’Azerbaïdjan et le Saint-Siège et l’élargissement de notre dialogue constructif, ainsi que pour votre haute appréciation des traditions de multiculturalisme et de tolérance de l’Azerbaïdjan. Je crois que la coopération exemplaire entre l’Azerbaïdjan et le Saint-Siège contribuera à favoriser un environnement de confiance mutuelle entre les civilisations et à promouvoir les valeurs universelle ». Ce chaleureux message d’Aliev s’inscrit dans une stratégie plus globale de rapprochement entre l’Azerbaïdjan et le Vatican qui s’est concrétisé par la nomination d’un ambassadeur résidant le 14 janvier 2023. Jusque-là, c’était l’ambassadeur d’Azerbaïdjan en France qui assurait la représentation de ce pays auprès du Saint-Siège.
En novembre 2023, lors d’une commémoration inter-religieuse dédiée au 100e anniversaire de la naissance de Heydar Aliev, le père de l’actuel dictateur, Mgr Vladimir Fekete, évêque des Catholiques d’ Azerbaïdjanais, avait déclaré « En Azerbaïdjan, grâce à la volonté politique de Heydar Aliev, les questions humanitaires ont été déclarées prioritaires et ont été placées sous l’attention et la prise en charge directes de l’État. Les traditions culturelles du peuple ont commencé à être relancées, les églises de confessions traditionnelles détruites pendant les années soviétiques ont été restaurées, les organisations religieuses ont reçu un soutien au niveau de l’État pour faire revivre leurs structures spirituelles. Les catholiques d’Azerbaïdjan se souviennent toujours que c’est à l’initiative de Heydar Aliev que l’Église catholique a restauré sa présence historique sur cette terre… » (7).
Pour mémoire, lors de sa traditionnelle bénédiction «Urbi et Orbi » du 25 décembre dernier, le Pape François avait évoqué les relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan en souhaitant «Que s’approche le jour d’une paix définitive entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.», en appelant « au retour chez elles des personnes déplacées et au respect mutuel des traditions religieuses ». Dans son édition du 10 octobre, évoquant l’inquiétude du Pape au sujet du devenir du patrimoine chrétien du Haut Karabakh, l’hebdomadaire « Famille chrétienne » avait pu écrire : « Alors que l’Azerbaïdjan a annoncé la dissolution de la République autoproclamée du Haut-Karabakh après sa victoire militaire dans cette enclave disputée avec l’Arménie, le pape François s’est inquiété du sort réservé aux monastères et églises de la région, lors de l’angélus qu’il a présidé le 15 octobre 2023 sur la place Saint-Pierre ».
Pourquoi parler maintenant ? La vie et l’histoire des 150 000 Artsakhiotes ont-t-elles pour le Vatican moins de prix que celles des Rohingyas, des Ouïgours ou des Bosniaques ?
Nous aurions préféré, et sans doute aussi de nombreux Catholiques avec nous, que le Pape François condamne en temps réel les guerres d’agression de 2020 et 2023 contre l’Artsakh, le long et cruel blocus de neuf mois à partir du mois de décembre 2022 et l’épuration ethnique qui a suivi privant 150 000 arméniens de leur terres ancestrales et livrant cette vielle terre chrétienne au despote de Bakou et à son mentor d’Ankara.
A la veille de la Semaine internationale de Prière pour l’Unité des Chrétiens, tous les Arméniens, indépendamment de leur appartenance confessionnelle apprécieront l’attitude de ces différents responsables religieux à l’égard du « premier État chrétien de l’histoire ».
Sahak SUKIASYAN
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(1) Né en 1959 à Aratchatzor (district de Mardakert en Artsakh), enseignant, journaliste, député au Parlement de Stepanakert de (1990 à 1995), directeur du département de l’information et de la presse auprès du gouvernement de la République d’Artsakh, rédacteur à Radio-Azadutiun (1998- 2000), fondateur et rédacteur en chef du journal Hayrénik (2001-2012). V. Atanéssian contribue à de nombreux media d’Arménie en tant qu’analyste politique.
(2) Azerbaïdjan Press Agency.
(3) Ces affirmations ont également été reprises par Agil Chirinov, le recteur de l’Institut théologique d’Azerbaïdjan: « Du fait des affirmations sans fondement formulées dans le rapport de la Commission des États-Unis sur la liberté religieuse internationale (USCIRF) pour 2023, l’Azerbaïdjan figure sur la liste des pays sous surveillance spéciale en raison de graves violations de la liberté religieuse … C’est un autre exemple de parti pris politique et de double standard. Il est pour le moins injuste d’inclure l’Azerbaïdjan, qui considère le multiculturalisme et la tolérance comme sa base idéologique, sur cette liste »
(4) Lors du recensement de 1979, les Russes étaient au nombre de 475 255 (soit 7,9 % de la population), les Arméniens : 475 486 (7,9 %), les Juifs, 35 487 (0,6 % de la population totale). En 2009, date du dernier recensement informant de l’origine ethnique des citoyens de la République d’Azerbaïdjan, les Russes ne sont plus que 119 300 (1,35 %), les Arméniens, 120 300 (1,35 % de la population, au Haut Karabakh) et les Juifs, 9 100 (O,1 %).
(5) Située dans le nord du pays, dans la région de Qabala, ce village, ainsi que plusieurs autres dans la région, étaient avant 1990 essentiellement peuplés d’Arméniens et d’Oudis, tous fidèles de l’Église apostolique arménienne.
(6) En tous cas pour nous, puisque les informations concernant notre Église apparaissent sur le site du Patriarcat de Moscou dans la rubrique « relation interchrétiennes », en établissant un distinguo subtil avec les « Églises orthodoxes ». Une manière « diplomatique » et « élégante » de nous qualifier « d’hétérodoxes ».
(7) Voir sur le site de l’Église catholique en Azerbaïdjan :
https://www.catholic.az/en/archives/2812
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