Pour des raisons évidentes, les trois « démocratures » que sont l’Azerbaïdjan, la Russie et la Turquie ont formé un axe anti-français les réunissant dans une alliance objective malgré l’existence d’intérêts divergents, voire opposés, sur d’autres fronts, comme par exemple ceux de l’Ukraine ou de la Syrie.
Il est plus qu’évident que le rapprochement diplomatique et militaire en cours entre Erevan et Paris, et au-delà avec l’UE, voire avec l’OTAN, ne peut que contrarier les plans de ces trois états ennemis de l’Arménie.
La France s’est récemment invitée dans ce scénario régional bien rôdé depuis la « Guerre des 44 jours » et les deux offensives d’agression de l’Arménie qui ont suivi. Son arrivée « intempestive » dans la région vient contrarier ce scenario dans lequel l’un de ces trois états tenait liées les mains de l’Arménie pendant que les deux autres la démembraient.
L’intérêt de la France pour l’Arménie, la présence de la force d’observation de l’UE dans certaines régions frontalières, l’esquisse d’un partenariat militaire, les visites de responsables occidentaux, ne pouvaient que provoquer une réaction d’opposition coordonnée entre ces trois. Contrariés dans leurs plans, Ankara, Bakou et Moscou donnent sans aucune nuance de la « grosse caisse » contre Paris.
Mais pourquoi dans ces conditions, sur un mode plus « subtil » et plus « feutré », celui de la « musique de chambre », l’opposition arménienne a-t-elle choisi de rejoindre ce trio ?
Certes, elle ne présente pas – encore – ouvertement la France comme une « ennemie » de l’Arménie, mais il apparait que depuis plusieurs semaines, certains représentants de cette opposition cherchent à faire naitre le doute sur la sincérité, mais surtout l’efficacité, de cette alliance. Cette opposition présentée par un certain nombre d’hommes politiques et d’analystes d’Arménie comme une « 5e colonne » au service de la Russie a sombré depuis plusieurs mois dans une hystérique campagne pro-russe ouvertement pro-Poutine qui s’exprime de manière débridée dans une presse outrancière, « au ras du caniveau », qui fait feu de tout bois contre les autorités arméniennes.
Les éléments de langage sont visiblement inspirés par des milieux fondamentalistes et viscéralement pro-russes et donc naturellement anti-européens.
Cette palette argumentaire va de la théorie du « complot sorossien », des « révolutions de couleur » de la « négation des valeurs nationales arméniennes » dans la vie sociale, intellectuelle, morale et spirituelle, jusqu’au « suicide collectif » vers lequel Pachinian, son équipe et ses partisans présentés comme des « exécutants » de la politique d’Aliev, mènent à grand train l’Arménie et « les Arméniens authentiques ». Il est plus qu’évident que si les musiciens qui exécutent cette partition sont à Erevan, les commanditaires, eux, se trouvent, dans un pays situé loin au Nord.
Tout récemment, le Président de la République française a été intégré à cette « joyeuse partition ».
Le 27 mars, dans un article au ton extrêmement irrévérencieux intitulé « au sujet de Macron, mais pas seulement de lui », un certain Edik Andréassian s’en prend au chef de l’Etat français.
Monsieur Andréassian est l’une des plumes du journal « Hraparak » qui a récemment publié la fameuse interview de M. Mourad Papazian et le communiqué émanant du « Bureau parisien de la FRA » après « l’incident » qui a couronné le diner donné au Palais de l’Élysée le soir de la panthéonisation de Méliné et Missak Manouchian. Il aurait, selon ses propres dire, été un condisciple de Nikol Pachinian durant leurs études de journalisme.
Les responsables du CCAF ont reçu il y a une semaine le Premier Ministre G. Attal en tant que représentant du Monsieur Macron. Celui-ci était chargé de transmettre, selon la formule consacrée, un « message fort » du Président de la République à la communauté arménienne de France, et au-delà, à l’Arménie.
L’article de M. Andréassian n’aura évidemment pas échappé à l’attention des personnels de l’Ambassade de France à Erevan chargés de la « revue de presse » hebdomadaire qui est ensuite transmise aux autorités françaises intéressées.
La « Communauté arménienne de France » devrait-elle réagir ? Je serais personnellement tenté de dire oui.
Ceux qui suivent de près ou de loin les « affaires arméniennes » savent avec quel promptitude et quel zèle l’Union des Arméniens de Russie, et des figures de la Communauté arménienne de Russie, volent au secours des autorités russes lorsqu’elles peuvent être, dans des proportions bien moindres, être malmenées en Arménie.
Usant de la proximité de M. Papazian avec le journal « Hraparak » qui est l’un des fers de lance de l’opposition à M. Pachinyan, les Co-présidents du CCAF, sans attenter à la liberté de la presse », pourraient-ils, par exemple, prendre sur eux de susurrer « diplomatiquement » à l’oreille de M. Edik Andréassyan – qui a naturellement le droit de penser ce qu’il veut du Président Macron- qu’au regard des circonstances et des enjeux diplomatiques, un journaliste arménien pourrait être bien inspiré de na pas écrire tout cela ?
Faut-il ennuyer M. Andréassian avec de telles peccadilles ?
Le débat est ouvert, mais une chose est certaine, M. Andréassian n’aurait jamais l’impudence d’interpeler dans les mêmes termes M. Poutine ou M. Medvedev.
C’est pour cette raison que les Arméniens épris de démocratie, mais aussi soucieux de l’intégrité de leur pays, se proposent de “lâcher l’ombre pour enfin se saisir d’une proie”.
Certes le choix est douloureux et cornélien. Mais il est incontournable.
Une nouvelle fois la question s’impose à nous:
Voulons nous-être ? Si oui, que voulons-nous être ?
Sahak Sukiasyan
Ci-dessous, le texte intégral de l’article de M. Edik Andréassian publié par "Hraparak" le 27 Mars.
Bonne lecture à tous !
Le président français Emmanuel Macron est un peu difficile à comprendre. Je me demande quelle histoire on a bien pu lui enseigner à l’école ?
Ignore-t-il que le dernier militaire-général français invité à quitter la Russie l’a été il y a plus de 200 ans, aux alentours de 1812 ? Macron ne dispose-t-il pas de renseignements extérieurs. Ne l’ont-ils pas informé que beaucoup de choses avaient changé dans le monde au cours de ces 200 dernières années et que « jouer les Napoléon » aujourd’hui est, pour le moins, peu fructueux ? Car enfin, au cours de ces 200 ans, la Russie a sauvé au moins à deux reprises le « popotin » de la France après une capitulation sans condition.
Macron a-t-il oublié ces jours difficiles pour la France, lorsque les Allemands et les colonialistes britanniques étaient au pouvoir à Paris ?
Macron annonce très exactement 212 ans après Napoléon que la France enverra des troupes en Ukraine pour combattre la Russie. Si vous lui demandez pourquoi, il vous répondra : au nom de l'indépendance de l'Ukraine... Ce n'est certes pas un objectif condamnable, mais qu'est-ce qui menace aujourd’hui l'indépendance de l'Ukraine ? Les Russes vont-ils l’abolir ? Pourquoi le feraient-ils ? Les Russes affirme que l'Ukraine ne serait pas un État ? Macron confond probablement l’Ukraine avec les autorités bandéristes ukrainiennes qui ont été enrôlées par l’Occident pour diviser l’Ukraine et faire progresser les positions de l’OTAN à l’Est. Et il est d’ailleurs très intéressant de constater que l’OTAN n’envoie pas de troupes en Ukraine, contrairement à Macron.
Monsieur Macron, ne vous semble-t-il pas un peu ridicule d’apparaître comme plus catholique que le Pape ou plus occidental que l'Occident ?
Les contribuables français qui transforment régulièrement et à toute occasion Paris en « Erevan du 1er Mars » pourraient me reprendre: « mais qui es-tu pour débattre des déclarations et des projets de notre président ? « .
Vous avez raison, chers Français, je n'ai pas le droit de faire ça. Que vous vouliez attaquer est une affaire interne qui ne concerne que vous. Mes inquiétudes ont une cause complètement différente. Je suis très préoccupé par cette prétendue « amitié » entre votre Président et notre Premier ministre. Ils se rencontrent et s'embrassent assez souvent, et je crains que votre président ne précipite Nikol dans le même bain que Napoléon et ne déplace la guerre menée la Russie contre l'Ukraine vers l'Arménie.
Que l'OTAN nourrisse de tels plans n’est pas un secret, mais pourquoi la France se joint-elle à ce plan, elle qui avait formé il y a peu de temps une coalition antiturque et qui, en le langue des échecs, avait été gratifiée en retour d’un « mat » de la part de l'OTAN ?
Soit dit en passant, elle a reçu une réponse comparable de la part de l’Arménie de Nikol, qui n'a pas rejoint cette coalition.
Aujourd’hui, qu'est-ce que Macron explique à Nikol ? Il lui dit « nous vous donnerons des armes, nous vous enverrons des soldats ». Sans blagues ? Les contribuables français sont-ils au courant de cela ? L'OTAN permettra-t-elle à la France d'aider l'Arménie à ne pas céder le Sunik ou Tavush à l'Azerbaïdjan ? Ce sont ces questionnements qui m’empêchent de considérer avec bienveillance les embrassades entre Macron et Nikol.
Pourtant, Macron n’est pas le dernier à se précipiter dans les bras de Nikol. Nikol saute littéralement dans les bras de tout le monde … dès lors qu'il voit des bras tendus. Il y a quelques mois, il s’était jeté dans ceux de Scholz. A Prague, il serait tombé dans les bras d'Aliev et d'Erdogan, s’il n’était la jalousie de Macron qui était là.
Combien de fois s’est-il jeté dans les bras de Poutine … D’un mot, Nikol est un partenaire bien imprévisible. Il est prêt à tout, uniquement pour conserver son pouvoir. Il vendra, cédera, démolira, détruira et anéantira, remplira les prisons de gens, pourvu que rien ne menace son pouvoir.
Malgré tout cela, Nikol n'est pas opposé à l’idée d’être photographié dans des poses symboliques. Il possède deux photos très célèbres, l’une avec Poutine et l’autre avec Macron. Nous évoquons les parapluies de Poutine et de Macron sous lesquels Nikol sourit en vain.
Je pense que Vladimir Poutine et Emmanuel Macron ont toujours en mémoire ces photographie des parapluies et qu'ils se souviennent à chaque fois de leur rencontre avec Nikol.
Que veux- je dire par là , Monsieur Macron ?
Vous déclarez qu’il faut envoyer des troupes en Ukraine pour combattre les Russes. Ce n'est guère convaincant. La meilleure preuve en est Nikol se tenant sous vos parapluies.
Comment Poutine et vous pourriez-vous vous affronter alors que vous avez en commun un ami du calibre de Nikol ?
Edik Andréassian
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