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La « réécriture » des événements historiques

Les Arméniens orientaux sous domination perse ont joué un rôle déterminant dans la guerre qui opposa l’Empire perse à l’Empire russe, le 10 février 1828, et qui fut entérinée par le Traité de Turkmenchay, dont la 15e clause faisait référence au retour au pays des Arméniens déportés de force. À cette époque, Nerses Ashtaraketsi, participa activement, en tant qu’ecclésiastique, aux deux guerres russo-persanes 1804-1813 et 1826-1828. En 1814, il fut ordonné Primat du diocèse arménien de Géorgie par le Catholicos Ephraim A. Dzoragyughtsi (1809-1830). Il appela ses compatriotes au rapatriement, estimant que  leur salut dépendait uniquement du repeuplement de la région de l’Ararat. Environ 40 à 42 000 Arméniens répondirent à l’appel, grâce à quoi la situation démographique de l’Arménie orientale fut rétablie.

Nerses Ashtaraketsi n’a cependant pas réussi à réaliser son objectif principal qui était celui de l’autonomie arménienne au sein de l’Empire russe. Ashtaraketsi n’agissait pas seul, il avait des camarades partageant les mêmes idéaux, des personnalités nationales qui furent célèbres en leur temps, comme les Lazarian, B. Brochian… Pendant la guerre russo-persane, les Arzanov – russo-arméniens – publièrent l’ouvrage « Galerie des rois mémorables d’Arménie» (Галерея достопамятных царей Армени), voulant remonter – par cette démarche qui rappelle le passé héroïque – le moral de leurs compatriotes  et montrer aux autorités russes que le peuple arménien est une nation qui s’est incarné à travers des royaumes et un État.

À cette époque, les patriotes et les intellectuels pensaient que le moment était venu de réformer la situation politique en Arménie. En octobre 1827, ils ont présenté aux autorités russes un projet selon lequel l’Arménie aurait des armoiries, un drapeau et des lois  dans le cadre du gouvernement local, et un détachement militaire arménien serait créé à des fins de défense. Le projet fut rejeté. Nerses Ashtaraketsi fut expulsé d’Arménie et nommé Primat du diocèse arménien de Nor Nakhitchevan et de Bessarabie. Plus tard, N. Ashtaraketsi fut élu Catholicos, il fonda le Collège Nersisian de Tiflis, donna un coup d’accélérateur à l’éducation lorsqu’il se rendit compte que la mise en œuvre du programme d’autonomie ne pouvait être obtenu du gouvernement russe.

Même aujourd’hui, la République d’Arménie, malgré sa déclaration d’indépendance il y a 33 ans, reste essentiellement dominée par la Russie. Bien que la chute de l’Union soviétique ait été une opportunité pour devenir véritablement indépendante, la myopie, la cupidité et l’ambition de ses dirigeants ont conduit le pays au déclin, à la défaite, jusqu’au nettoyage ethnique de la population de l’Artsakh. C’est ainsi que l’Arménie est devenue objet de conflits d’intérêts d’États étrangers.

Beaucoup pensent encore que la Russie a été et reste le principal défenseur de l’indépendance de l’Arménie, le principal garant de sa sécurité, et cela malgré la violation de ses obligations en Artsakh après la guerre de 44 jours. C’est ainsi que Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, a répondu à la déclaration du vice-secrétaire d’État américain James O’Brien qui avait déclaré que « la majorité de la population arménienne veut voir l’Arménie s’éloigner davantage de la Russie », en disant :
«les liens séculaires noués entre la Russie et l’Arménie résisteront à toutes les épreuves».

C’est ainsi que le titre « Le rattachement forcé de l’Arménie orientale par la Russie » de l’histoire de l’Arménie orientale tombant sous domination russe, dans les manuels d’Histoire de 8e du ministère de l’Éducation de l’Arménie, a fait l’objet d’une forte réprobation de la part de la Russie. Et le ministère de l’Éducation s’est trouvé obligé de « rectifier » ce passage de l’histoire d’Arménie…

Quelle contraste entre le Catholicos Nerses Ashtaraketsi et les dirigeants actuels de l’Église apostolique arménienne, ainsi qu’un personnage comme monseigneur Bagrat, qui feignent toujours d’ignorer la collaboration de la Russie avec l’Azerbaïdjan, une Russie qui travaille main dans la main avec les Azéris afin de subordonner les Arméniens à son diktat et de maintenir sa domination.

J. Tch.