Les attaques génocidaires d’Israël contre les Palestiniens de Gaza vont-elles perturber l’alliance stratégique turco-azérie, formulée de façon concise par l’expression suivante : « Une nation, deux États » ? Le 28 juillet, la déclaration du président Erdogan selon laquelle « les forces turques peuvent entrer en Israël pour aider les Palestiniens, comme elles sont entrées en Libye et dans le Haut-Karabakh », a provoqué une vive réaction des autorités azéries. Selon un haut représentant du ministère de la Défense : «Les déclarations sur la participation des forces armées de n’importe quel pays aux opérations militaires visant à restaurer l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Azerbaïdjan sont sans fondement… La Turquie et le Pakistan ont apporté un soutien politique à l’Azerbaïdjan lors de la guerre de 44 jours. »
Israël n’est ni la Libye, ni le Haut-Karabakh. Ses capacités militaires et ses alliances internationales feront naturellement réfléchir le commandement de l’armée turque jusqu’à dix fois, avant de recourir à une quelconque action armée. Il existe également un précédent avec le navire Mavi Marmara en 2010, lorsque les activistes turcs, avec le soutien des autorités turques, tentaient de lever le blocus de Gaza afin de fournir une aide humanitaire aux Palestiniens, mais l’avancée de la flottille avait été arrêtée net par l’attaque des forces spéciales de l’armée israélienne, et cet épisode s’était soldé par la mort de 10 activistes turcs et par de nombreux blessés. Bien entendu, la Turquie ne peut ignorer cet incident sanglant. Périodiquement, Erdogan prononce des déclarations belliqueuses, à destination du public turc. Cependant, ce qui est surprenant dans cette adresse, c’est la surréaction de l’Azerbaïdjan, comme si l’amour propre et le sentiment de fierté nationale d’Aliev avaient été atteints. Le partenariat stratégique, militaire, et la fraternité déclarée à tue-tête entre les deux pays, rendent encore plus surprenante la réaction azérie.
Depuis les protocoles de 2009, les relations entre la Turquie et l’Azerbaïdjan se sont resserrée de plus en plus au fil des années, jusqu’à la guerre de 44 jours en 2020, déclenchée par l’Azerbaïdjan, à laquelle ont pris part la Turquie, Israël et d’autres pays. Après quoi, en juin 2021 a été signée la Déclaration de Chouchi sur la coopération turco-azerbaïdjanaise, dans laquelle Aliev a spécifiquement souligné la coopération et l’assistance militaires mutuelle comme un événement historique, rappelant en particulier le « corridor du Zanguezour », rendu possible grâce à la nouvelle situation géopolitique créée après la guerre du Karabakh.
Depuis, la demande d’ouverture du corridor du «Zanguezour», reste à l’ordre du jour pour la Turquie et l’Azerbaïdjan. Sur l’insistance des États-Unis, la Turquie a accepté la reprise des négociations pour l’ouverture de la frontière entre l’Arménie et la Turquie. Par une surprenante coïncidence, la 5e rencontre des envoyés spéciaux des deux pays : R. Roubinian et Serdar Kiliç a été prévue le 30 juillet. Rappelons que la Turquie avait mis fin à ses relations diplomatiques avec l’Arménie en 1993, afin d’exprimer son hostilité concernant l’avancée des forces arméniennes en Artsakh.
Dans quelle mesure le conflit israélo-palestinien peut-il changer la donne à la lumière des développements politiques, des alliances et des intérêts des acteurs régionaux comme la Turquie, l’Azerbaïdjan et l’Iran ? La détérioration des relations entre l’Azerbaïdjan et l’Occident est visible, tout comme le rapprochement entre l’Azerbaïdjan et la Russie. Pour combien de temps encore, le « corridor du Zanguezour » peut-il être pour la Turquie un gage de « loyauté fraternelle » envers l’Azerbaïdjan ? En attendant, la route est-ouest traversant Syunik en Arménie intéresse les États-Unis, dans les conditions de la souveraineté de l’Arménie. Cependant, l’Iran est totalement opposé à l’idée de la route est-ouest, car elle remplacerait la voie reliant l’Azerbaïdjan et le Nakhitchevan via l’Iran.
J. Tch.
© 2022 Tous droits réservés