Les élections législatives géorgiennes du 26 octobre ont été marquées par de multiples violations électorales : corruption, répression, bourrage des urnes, utilisation de fausses identités. Des faits qui évoquent de mauvais souvenirs chez les Arméniens. Cela rappelle l’atmosphère électorale toxique et violente qui a régné, par le passé, en Arménie, que ce soit sous le régime de Robert Kotcharian ou de Serj Sarkissian, ainsi que les manifestations populaires nationales, les affrontements post-électoraux émaillés de meurtres, comme ceux de 2008, dont les coupables n’ont d’ailleurs toujours pas été poursuivis par la justice. La Révolution de velours de 2018 a libéré l’Arménie de ces carences notoires, au moins temporairement et espérons-le, durablement, et ce pourquoi les Arméniens devraient vraiment être reconnaissants envers ceux d’entre eux grâce auxquels ce choix démocratique a été réalisé.
Dans le passé, la Géorgie a été le premier pays du Caucase à emprunter la voie de la démocratie en élisant Saakachvili à la présidence en 2004. Un modèle pour le peuple arménien. Même si les défis que les deux pays affrontaient n’étaient pas les mêmes. De 2004 à 2024, en vingt ans, l’histoire s’est inversée. La Géorgie a renoué avec son passé, plus exactement avec les coutumes électorales de la période qui a immédiatement suivi la période soviétique. Et ce phénomène pourrait avoir un impact négatif sur la démocratie naissante de l’Arménie.
La Géorgie, comme l’Ukraine durant la révolution orange, se sont heurtées à la forte opposition des Russes. L’opposition de ces derniers à la révolution de velours de l’Arménie était également grande, mais elle n’était pas frontale. Les Russes ont voulu mettre l’Arménie à genoux en laissant l’Azerbaïdjan déclencher la guerre. L’Arménie a payé cette épreuve au prix fort : la défaite militaire, un nettoyage ethnique radical qui a conduit à la perte de l’Artsakh, l’occupation de 250 kilomètres carrés du territoire souverain de l’Arménie par l’Azerbaïdjan. Malgré toutes ces pertes, toutes ces humiliations, les citoyens arméniens n’ont pas voulu d’un retour au passé, celui du pouvoir de la corruption, des élections truquées et lors des élections de 2021, ils ont de nouveau confié celui-ci au parti du Contrat civil, qui a assuré des élections démocratiques et équitables, accordant à l’Arménie le droit de choisir son avenir et de recouvrir sa souveraineté. Sachant que cela n’est pas du tout une garantie absolue face aux défis et aux pièges géopolitiques qui la guettent.
La Géorgie était le seul État de la région à organiser des élections démocratiques et libres, ce qui constituait un avantage certain pour l’Arménie. Grâce à la Géorgie, l’Arménie a accès à la mer Noire et à l’Europe. Mais la victoire récente aux élections du parti pro-russe « Rêve géorgien » crée l’occasion de pressions accrues de la partie russe sur l’Arménie, et renforce, de même, la pression azérie. En ce sens, l’Iran reste le voisin le mieux disposé, compte tenu de sa méfiance vis-à-vis de l’alliance entre l’Azerbaïdjan et Israël. L’Iran offre aussi la possibilité de communiquer avec l’Inde, les pays du Golfe et la Chine. Les conditions favorables (sont) seraient réunies pour établir des relations diplomatiques avec la Turquie, mais le pétrole, le gaz et le capital azéris ont plus de poids que les relations diplomatiques et les échanges commerciaux avec les Arméniens.
J. Tch. ■
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