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Les intérêts stratégiques de l’Iran et les bénéfices de l’Arménie

« Les rêves que certains font concernant l’Arménie sous différentes appellations, notamment celui du soi-disant «couloir», ne se réaliseront pas», a déclaré l’ambassadeur iranien Mehdi Sophani. Il a affirmé une fois de plus que l’Iran soutient l’intégrité territoriale, la souveraineté nationale et l’indépendance de l’Arménie, et a ajouté que l’intégrité territoriale de l’Arménie constitue pour l’Iran une « ligne rouge ».

L’opposition de la partie iranienne est multiforme. Les dirigeants de tous les échelons de l’Etat condamnent fermement les reproches du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, adressées aux autorités arméniennes concernant l’article 9 de l’accord trilatéral du cessez-le-feu du 9 novembre, au sujet du déblocage des infrastructures qui auraient été « sabotées » par les autorités arméniennes, la question devant  être résolue conformément à la lettre et à l’esprit des déclarations tripartites de 2020-2022.

Il convient de noter la déclaration de l’ancien chef des Gardiens de la révolution iraniens, Mohsen Rezaye, qui s’en prend directement au ministre russe des Affaires étrangères en personne : « Le comportement de l’homme d’État russe est inacceptable et contredit clairement sa déclaration d’amitié avec l’Iran. Il faut mettre un terme à cette ambiguïté. »

L’opposition de l’Iran au « corridor de Zanguezour »  n’est pas nouvelle. Mais elle est ici véhémente et ne se résume pas à la déclaration de la position de l’État, et comporte deux types de menaces. La première consiste à recourir, si nécessaire, à l’action militaire et la deuxième à suspendre la signature d’une alliance d’amitié et de coopération avec la Russie.

Avant cela, l’ambassadeur de Russie à Téhéran avait été appelé au ministère des Affaires étrangères afin de lui signifier la forte opposition des autorités iraniennes à la déclaration de Sergueï Lavrov adressée à l’Arménie.

La déclaration de l’Iran s’adresse également à la Turquie et à l’Azerbaïdjan, qui ont récemment brillé dans des joutes déclaratives chacun voulant s’accaparer les lauriers de la victoire de la guerre des 44 jours. L’Iran se rend compte, sur le tard, de la grave erreur que fut sa position de neutralité pendant la guerre de 44 jours. Profitant d’une situation politique internationale controversée, le couple turco-azéri poursuit la mise en place de la voie de communication directe et ininterrompue entre les États turcophones, avec la complicité de la partie russe laquelle ayant perdu sa présence militaire au Haut-Karabakh, essaie coûte que coûte de maintenir son influence dans le Caucase du Sud à travers le « corridor de Zanguezour ». Pour l’Iran, il est clair que cela signifierait la perte d’une porte reliant l’Iran à l’Europe.

En ce sens, la note du ministre des Affaires étrangères iranien Abbas Araqchi sur « X » est remarquable : « La paix, la sécurité et la stabilité régionales ne sont pas seulement une priorité, mais sont au cœur de notre sécurité nationale. Toute menace venant du nord, du sud, de l’est ou de l’ouest, de l’intégrité territoriale des pays voisins ou du redessinage des frontières est absolument inacceptable et constitue une ligne rouge pour l’Iran. »

Qu’est-ce qui pousse l’Iran à adopter une rhétorique plus assurée et plus agressive à l’égard de la triade russo-azerbaïdjanaise-
turque ? L’Europe ? L’Occident ?
C’est probable. Une alliance amicale avec l’Iran est aujourd’hui essentielle pour la Russie, tout comme l’amitié et la coopération avec l’Azerbaïdjan et la Turquie lui sont essentielles pour alléger le blocus imposé par l’Occident. Le durcissement du ton à l’égard de la Russie par l’Iran peut avoir en ligne de mire les Occidentaux afin d’améliorer ses relations avec ces derniers. Des évolutions, qui sont positives pour l’Arménie, dans la mesure où la page du « corridor de Zanguezour » pourrait être définitivement tournée, grâce aux intérêts stratégiques de l’Iran. 

J. Tch.