La cathédrale russe de Bakou, détruite
Depuis plus de trois décennies, dès le retour au pouvoir de Heydar Aliev à Bakou, le diocèse d’Azerbaïdjan de l’Église orthodoxe russe est devenu l’objet de toutes les attentions du pouvoir.
Lors des grandes persécutions de la période soviétique, comme toutes les communautés religieuses présentes dans le pays, cette Église avait perdu la quasi-totalité de son patrimoine, dont l’immense cathédrale Sainte Alexandre Nevsky de Bakou qui avait été entièrement détruite. Ses fidèles et son clergé avaient également été persécutés et anéantis. Comme dans le reste de l’Union soviétique, après la Seconde guerre mondiale, avait débuté une laborieuse reconstitution des diverses structures religieuses, qu’elles soient chrétiennes, musulmanes ou juives[1].
Archevêque Alexandre Ieshein
Cependant, dès l’indépendance du pays, et plus précisément à partir de 1992, l’archevêque Alexandre (Ischein), alors Primat du diocèse, s’est attelé à cette tâche et est devenu un collaborateur zélé de Heydar Aliev, puis de son fils[2]. A sa mort, en 2021, s’est ouvert une longue vacance de 3 ans marquée par des luttes intestines entre deux factions. La ligne « locale » domestiquée par le pouvoir alievien poussait à la nomination de l’archimandrite Alexy Nikonorov, né en Azerbaïdjan et totalement soumis au pouvoir[3], tandis que le Patriarcat et les « patriotes » locaux souhaitaient la nomination d’un religieux venu de Russie.
Alexy Nikonorov
L’ouvrage de propagande de l’église albanienne, dont l’auteur n’est autre que l’archimandrite russe Alexy Nikonorov
En décembre 2023, après avoir été élu par le Synode de l’Église orthodoxe russe, le hiéromoine Philarète Tikhonov, un religieux du diocèse de Kolomna en Russie, devait être nommé évêque du diocèse de Bakou et de l’Azerbaïdjan par le Patriarche Cyrille 1er. Il avait alors été préféré à l’archimandrite Alexy Nikonorov. Ce dernier et ses partisans s’était aussitôt élevés contre ce choix en dénonçant de prétendues « pressions d’Etchmiadzine » sur le Patriarcat de Moscou et en attribuant des origines arméniennes à l’archimandrite Philarète pour le discréditer et définitivement l’écarter. Toutefois, les partisans de Nikonorov n’avaient pas pour autant réussi à convaincre le patriarche de Moscou de le nommer à la tête du diocèse. Le 12 juin dernier, contre toute attente, un archimandrite du nom d’Alexy Smirnov était nommé primat du diocèse d’Azerbaïdjan et de Bakou de l’Église orthodoxe russe. Aujourd’hui, alors qu’il n’est installé que depuis trois mois, le nouveau primat est l’objet d’une intense campagne visant à le discréditer afin qu’il démissionne.
Le 27 septembre, le journaliste Narek Haroutunian a publié dans les colonnes du journal « Hraparak » qui parait à Erevan un article consacré à la situation intitulé « Scandale dans le diocèse russe orthodoxe d’Azerbaïdjan ». Son contenu est fort intéressant pour quiconque s’intéresse d’une manière générale à la vie religieuse dans la région. Il intéresse également les Arméniens dans la mesure où le scandale évoqué concerne les rapports entre l’Église russe locale et le pouvoir alievien. Mais le débat qui agite le clergé et les fidèles de cette communauté d’Azerbaïdjan ne constitue en réalité pas un fait isolé. Il met d’une part en évidence les liens étroits de cette Église avec V. Poutine comme avec I. Aliev[4]. Mais également ce qui peut opposer les membres de cette entité ecclésiale lorsque les intérêts des deux autocrates sont divergents.
Smirnov, Poutine et Aliev
Dans tous les cas, les uns comme les autres ont en commun un mépris total pour le sort des Arméniens et de leur Église. Qu’ils appartiennent à l’une ou à l’autre des deux factions, ils participent de la même manière à la politique azerbaïdjanaise de réécriture de l’histoire des chrétientés locales et d’effacement des Arméniens[5].
Traduction et présentation : Sahak SUKIASYAN
Selon des articles publiés dans la presse azerbaïdjanaise, on assisterait actuellement à un grand scandale dans le diocèse de l’Église orthodoxe russe de Bakou et d’Azerbaïdjan. Le fait est que le clergé local n’est pas satisfait du nouveau primat de ce diocèse, l’évêque Alexy Smirnov, alors qu’il a été élu il y a moins de six mois. Selon ces articles, ce dernier est arrivé à Bakou le 15 juin après sa nomination et a immédiatement commencé à « blesser » le clergé local.
Consécration du nouvel archevêque russe Alexy Smirnov
Le nouvel archevêque russe et les responsables oudis
Il a notamment menacé de les priver de leurs distinctions ecclésiales et de procéder à un examen strict de leurs « compétences professionnelles ». Il a également exigé qu’une prière spéciale soit dite pendant la Divine liturgie pour demander la victoire de l’armée russe en Ukraine. Le 6 juillet, lors d’un événement public, le chef de la métropole de Stavropol de l’Église orthodoxe russe, le métropolite Cyrille Pokrovsky, a levé son verre et proposé de porter un toast pour célébrer le retour du « diocèse de Bakou à sa patrie »[6].
Notons qu’à une certaine époque, le diocèse de Bakou était subordonné à la métropole de Stavropol et que l’évêque Alexy Smirnov, avant d’être nommé à Bakou par le Patriarche Cyrille, servait dans cette même métropole de Stavropol. À cette occasion, on se souviendra que le métropolite Cyrille Pokrovsky est connu comme un homme d’Église aux opinions patriotiques extrêmes et à une attitude anti-occidentale prononcée, qui est également impliqué dans l’appareil de propagande de l’armée russe. Il a fait partie de ces ecclésiastiques qui ont immédiatement salué le début de la guerre russo-ukrainienne en 2022.
L’actuel Primat du diocèse de Bakou, Mgr Alexy Smirnov, est considéré comme la « créature » du métropolite Cyrille Pokrovsky[7]. Dès son arrivée à Bakou, l’évêque qui venait d’être nommé a annoncé qu’il interdisait de prier pendant les cérémonies pour l’établissement de la paix entre la Russie et l’Ukraine, obligeant à prier pour la victoire de l’armée russe en Ukraine, ce qui était considéré comme inacceptable et comme une forme de « politisation de la communauté orthodoxe » locale.
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[1] Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la période khroutchévienne qui avait suivi la mort de Staline n’avait pas été spécialement propice à cette reconstruction de la vie religieuse dans le pays.
[2] Ce hiérarque russe était en particulier connu pour ses déclarations violemment anti-arméniennes. Voir ses déclarations du 10 octobre 2020 https://www.azernews.az/nation/170840.html
[3] Il est l’auteur de nombreux articles consacrés au patrimoine arménien d’Artsakh qu’il « albanise » et d’un récent ouvrage révisionniste qui est le condensé de sa thèse d’histoire. L’archimandrite Alexy est un agent majeur de l’appareil de propagande azerbaïdjanaise qui intervient dans de très nombreux colloques en Azerbaïdjan comme à l’étranger. Il assure également une collaboration active avec le groupuscule des Oudis qui se présentent depuis 2003 comme la « Communauté chrétienne albanienne-oudie d’Azerbaïdjan ». Il est également très présent sur les réseaux sociaux où, en vêtements civils, il arbore fièrement le drapeau azerbaïdjanais.
[4] Le 19 août dernier, les deux autocrates s’étaient rendus ensemble à la cathédrale des Saintes femmes myrophores de Bakou. Après avoir été reçus par le nouveau primat, ils avaient alors éclairé des cierges et échangé des présents avec ce dernier : https://pravoslavie.az/newses/news/?id=14834
[5] Le 27 septembre dernier, l’évêque Alexy participait avec tous les autres responsables religieux du pays à une cérémonie marquant le 4e anniversaire de la « Guerre des 44 jours » menées contre l’Artsakh et l’Arménie en 2020.
[6] Autrefois, les paroisses orthodoxes russes d’Azerbaïdjan dépendaient de ce siège métropolitain situé dans la Fédération de Russie. Mais le pouvoir aliévien ne pouvant admettre la soumission de « ses Chrétiens » à une juridiction « étrangère », a encouragé la création de ce diocèse et tenté de contrôler son activité en utilisant des religieux autochtones. Se pose donc aujourd’hui la question de la conformité, de la fiabilité et de la fidélité, de cette structure au modèle aliévien de contrôle de la vie religieuse
[7] Une circonstance « aggravante » vient s’ajouter dans le cadre de cette nomination : la Métropole de Stavropol située en Fédération de Russie compte depuis des siècles une importante communauté arménienne avec de nombreuses églises et une structure diocésaine très organisée.
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