Le 4 octobre 2024
Quarante participants intéressés par le devenir de « Nor Haratch » étaient présents à la réunion publique « Continuer ou arrêter ? » Dans la salle de la Cathédrale Sainte-Croix de Paris des Arméniens catholiques, Hampig Talatinian, le responsable culturel de la paroisse, a ouvert la soirée, soulignant que la réunion a pour but de trouver une solution aux difficultés financières auxquelles est confronté « Nor Haratch ». Il a lu le mot d’encouragement du Prof. Gérard Dédéyan. Jiraïr Tcholakian a pris la parole et a remercié les participants intéressés par le sort du journal. Il a souligné que « ce n’est pas la première fois qu’une alarme retentit au sujet d’un titre de la presse arménienne. En 2009, quand la nouvelle de l’arrêt de la publication du journal “ Haratch ” a été révélée, la rédactrice en chef, Arpik Missakian, était en détresse, la rédaction l’était aussi, ainsi que les lecteurs et la communauté toute entière. Témoins de cet état de fait, nous avons prévu d’organiser cette réunion publique. Nous nous sommes souvenus que bien que la décision d’arrêt ait été prise par Arpik Missakian, les lecteurs de “ Haratch ”, étaient aussi visés par cette décision. De même aujourd’hui, le décideur sera la direction du journal, mais la communauté, les lecteurs ont la parole pour proposer des solutions. Ce sont les lecteurs qui ont fait vivre le journal par leurs abonnements et leurs lectures, et aujourd’hui les personnes présentes à cette rencontre sont venues participer à la réflexion collective et faire des suggestions. »
J. Tcholakian a dit que la crise que traverse le journal est multiple. « La crise à laquelle est confronté “ Nor Haratch ” à plusieurs vecteurs : politique, culturel, économique, humaine, et elle est liée au changement générationnel, technologique et stratégique. Enfin, elle est liée au devenir des Arméniens. La presse – le système d’information – est toujours le premier poste qui exprime l’identité d’un collectif, ses contradictions et ses réussites, et ses combats divers.
L’inquiétude actuelle de “ Nor Haratch ” est principalement le résultat de la crise politique que vit la République d’Arménie,
de la polarisation de la société arménienne et de la propagation de cette crise dans la diaspora. Il faut aussi ajouter que depuis l’indépendance de l’Arménie la formation de nouvelles diasporas affecte la place de la diaspora arménienne occidentale traditionnelle.
Cette crise constitue un tournant dans le monde des médias arméniens. “ NH ” est l’un des rares journaux qui voient encore le jour en tant que quotidien (tri-hebdomadaire), principalement en arménien occidental, à l’orthographe classique et indépendant de toute affiliation politique. Comme dans le cas de “ Haratch ” par le passé, la crise de la presse indépendante est un indicateur des problèmes auxquels est confrontée la diaspora traditionnelle. Compte tenu du processus de la mondialisation, dans le cadre de laquelle les Arméniens sont une minorité et les Arméniens de la diaspora occidentale sont une minorité d’une minorité, alors la question est de savoir s’il est nécessaire de créer des médias pour servir cette frange de la diaspora arménienne ? L’intérêt national, nécessite-t-il une presse libre, la voix d’une pensée indépendante, un espace pour la diversité d’expression ?
L’existence de la presse est une démarche politique, elle est le résultat d’une prise de conscience politique, un moyen pour les membres de la communauté de communiquer entre eux pour construire et maintenir leur identité propre, un moyen de contribuer à la vitalité de la vie communautaire.
Le principal problème qui nécessite une solution immédiate est de savoir comment résister, comment continuer, comment faire
face ? Continuer pendant combien de temps, avec quelle garantie ? Ou bien s’il faut arrêter, quelles seraient les conséquences ?
Le modèle journalistique que nous avons créé est basé sur la publication d’un journal imprimé. Il a besoin d’être rénovée, il manque de souffle, de jeunesse. Il ne sera pas possible, à l’avenir, de continuer uniquement avec le journal imprimé. Les médias internationaux sont diversifiés, peut-on suivre et comment suivre le rythme de l’innovation ? Les médias arméniens d’Arménie bénéficient du soutien d’organismes et de fondations internationaux, des aides auxquelles les médias de la Diaspora ne peuvent pas accéder. Comment trouver les sources financières ?
L’Arménie et la diaspora sont confrontées à des défis existentiels pour lesquels les médias ont un rôle à jouer. Les temps ont changé, bien entendu, les règles du journalisme ont également changé, de nouveaux moyens d’information et de communication sont apparus, qui nécessitent de nouveaux investissements constants. Ainsi que des journalistes formés aux nouvelles technologies.
Beaucoup de choses ont changé au cours des 15 années d’existence de “ Nor Haratch ”. Si l’on ne considère que le domaine politique, de nombreux bouleversements sont intervenus en Arménie, qui ont eu des conséquences psychologiques irréversibles, depuis la tentative ratée de conclure un accord de paix avec la Turquie en 2009 jusqu’au nettoyage ethnique de l’Artsakh. Le renversement du pouvoir de Serge Sarkissian et l’arrivée au pouvoir de Pachinian. Sur le plan mondial, le Printemps arabe, la crise bancaire du Liban, le coronavirus, l’attaque russe contre l’Ukraine, la guerre Israël – Palestine… Et tout cela a eu des conséquences sur les relations entre l’Arménie et la diaspora. Et tout cela a eu un effet sur “ Nor Haratch ”, à tel point que les lecteurs et les abonnés qui n’étaient pas d’accord avec la ligne éditoriale du journal ont cessé leur abonnement et leur soutien. Pour continuer, nous avons besoin d’une ou de plusieurs soutiens financiers capables de résister aux secousses politiques internationales et nationales. »
La deuxième partie de la réunion a été consacrée aux propositions et aux observations des présents. Il y a eu des propositions pratiques pour trouver une solution immédiate, pour gagner du temps afin de trouver des solutions à plus long terme ;
= Créer une association d’amis de « Nor Haratch », afin de lancer une collecte d’aide.
= Augmenter le tarif de l’abonnement, compte tenu du renchérissement de l’envoi postal, du prix du papier, de l’encre, de l’électricité et de la main d’œuvre au fil des années.
= Réunir un groupe d’intellectuels pour soutenir « Nor Haratch », afin que soit établi un fonds inviolable qui rapporterait une contribution annuelle stable au journal.
Il y a eu également d’autres propositions visant à :
– transformer le journal en un hebdomadaire
– ajouter une section en arménien oriental
– numériser les numéros précédents de « NH »…
Les personnes présentes à cette réunion ont insisté sur la nécessité de poursuivre la publication de « NH ». Des solutions à court et à long terme sont nécessaires. Quelle est la somme nécessaire pour maintenir la publication ? Pour répondre aux besoins à court terme, cent mille euros par an sont nécessaire. Norvan Serpazan a déclaré qu’il était possible de collecter sans difficulté cette somme, pour laquelle il faudrait créer une association.
C. I.
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