La Turquie est un pays vraiment étrange. Le « Parti républicain du peuple » (CHP), le principal parti d’opposition aux autorités pro-religieuses et aussi fortement nationalistes de longue date, tente de se présenter comme beaucoup plus démocratique, moderne, épris d’égalité, de justice, de paix etc., mais cependant n’arrive apparemment pas à se débarrasser de la fibre nationaliste.
Ainsi, le maire CHP de Bolu, Tanju Özcan a fait ériger la statue du joueur de l’équipe nationale turque de football, Melih Demiral. Ce dernier n’est autre que celui qui a « laissé son empreinte » sur l’Euro-24 avec le scandale qu’il a provoqué lors du match de son équipe contre l’Autriche, en faisant le signe des « Loups gris» sur le terrain, ce geste à connotation politique qui lui a valu deux matches de suspension. Évidemment, la statue reflète également et surtout le geste en question, puisque celui-ci est la raison même de cette initiative.
Il semble que le maire Özcan avait promis d’ériger cette statue au moment des faits cet été. A cette occasion, il a annoncé : « Le symbole du loup gris est le symbole du monde turc. Je refuse qu’un parti se l’approprie et tente de s’en emparer. »
La cérémonie d’ouverture de la statue a eu lieu le 4 octobre.
Le maire de Bolu, Tanju Özcan, devant la statue
* * *
Un autre phénomène intéressant et aussi deux mots sur la politique.
Nous avons recueilli cette information sur le site du journal en ligne ultranationaliste et pro-gouvernemental ensonhaber.com. Avec une pareille « couleur », ce journal devrait, en principe, plus que saluer une telle initiative. Mais il s’avère que même pour les ultranationalistes, il existe quelque chose qui pèse encore plus lourd que le nationalisme : ce sont les intérêts politiques.
En effet, le journal en question critique vivement le maire de Bolu et l’accuse de « ne savoir faire rien d’autre qu’ériger des statues ». Il suffit donc qu’une « valeur nationale » donnée (bien entendu aux yeux des Turcs, dans le cas présent) soit défendue par une figure de l’opposition, pour qu’elle devienne critiquable… Cependant, attribuer ce phénomène uniquement à la Turquie ne serait pas, à notre avis, très correct ni très juste.
* * *
Puisque nous parlons du football et des Turcs, ajoutons aussi ceci :
La préfète du Rhône Fabienne Buccio a publié mercredi dernier un arrêté interdisant la présence des supporters de Besiktas pour l’affiche de la League Europa entre l’OL et le club turc, le 24 octobre à Décines, en raison d’un « antagonisme fort et durable ». Rappelons que la précédente rencontre européenne entre les deux équipes (2-1), le 13 avril 2017, avait été émaillée de très graves incidents survenus entre les supporters des deux clubs.
Ce soir-là, Jean-Michel Aulas avait décrit « une marée humaine incontrôlable », avec la présence de plus de 20.000 supporters de Besiktas un peu partout dans le stade, qui s’était accompagnée de nombreux affrontements tout autour du Parc OL, et d’un coup d’envoi reporté de quarante-cinq minutes. Le souvenir est encore traumatisant pour beaucoup de fans de l’OL présents il y a sept ans et demi à Décines, et pareille configuration anormale de supporters turcs en masse dans un stade adverse ne devrait pas se reproduire dans deux semaines.
Selon cet arrêté préfectoral, outre l’interdiction d’entrée au stade pour les supporters turcs, seront également interdits les signes distinctifs en ville, au stade, dans les gares, les aéroports, sur les autoroutes et devant l’hôtel des joueurs du mercredi 06h00 au vendredi midi.
Le club lyonnais, de son côté, semble avoir tiré les leçons des risques qu’entraîne une billetterie (trop) vite ouverte au grand public, en sachant que de nombreux fans turcs présents au stade le 13 avril 2017 résidaient en France ou en Allemagne. L’OL veillera donc, au lancement de cette billetterie, à privilégier au maximum ses abonnés et ses sympathisants.
Pour conclure, rappelons que juste après le tirage au sort de cette Ligue Europa, des ultras du club turc avaient chauffé leurs homologues lyonnais avec une photo postée sur les réseaux sociaux et cette banderole : « Êtes-vous prêts, les ultras lyonnais ? Un deuxième round ? ». L’OL comme la préfète du Rhône, espèrent vivement que pareil rendez-vous, classé à très haut risque n’aura pas lieu le 24 octobre.
© 2022 Tous droits réservés