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Une agence de renseignement indépendante

En août, deux faits liés aux renseignements et à la sûreté extérieure étaient à la fois directement et indirectement liés à la sécurité de l’Arménie. Le premier d’entre eux a été l’échange, le 2 août, de 26 prisonniers entre la Russie et l’Occident, au total sept pays étaient concernés. Négociée par la Turquie, ce fut la plus grande opération d’échange après la chute du mur de Berlin. Le journaliste Pablo González – de son vrai nom Pavel Rubtsov – connu en Arménie en tant que journaliste espagnol, était dans le lot des prisonniers remis à la Russie. Depuis 2012, celui-ci avait eu libre accès aux plus hautes sphères du pouvoir en Artsakh et en Arménie, et pendant la guerre de 2020, il avait été en Artsakh sur tous les fronts en tant que journaliste indépendant. Il avait même interviewé Nikol Pachinian, se faisant passer pour un correspondant de l’agence de presse espagnole EFE. Ce sont les renseignements polonais qui l’ont arrêté en tant qu’espion russe.

Le deuxième cas concerne Pavel Durov, le fondateur de la chaîne internet et de messagerie Telegram. Il se trouvait en Azerbaïdjan lors de la visite d’État de Poutine à Bakou, les 18 et 19 août. Selon certaines rumeurs, une rencontre entre Poutine et Durov aurait eu lieu. Durov, d’origine russe, mais devenu citoyen français et également citoyen des Émirats arabes unis, a été arrêté par la police des frontières française, en vertu d’un mandat d’arrêt français, à son arrivée à l’aéroport du Bourget, venant de Bakou. Il a été mis en garde à vue pendant trois jours, puis mis en examen et libéré sous caution. L’enquête est menée par l’Agence nationale de lutte contre la criminalité (C3N) et l’Office national de lutte antifraude (Onaf).

Ces deux incidents sont liés à la Russie, avec laquelle l’Arménie a des alliances, celles de la coopération stratégique bilatérale et dans le cadre de l’alliance militaire de l’OTSC. Lors de la guerre de 2020, la direction des renseignements arméniens, directement liée aux renseignements russes n’a pas pu prévoir l’attaque azérie du 27 septembre. Les renseignements russes n’ont pas non plus signalé aux services arméniens l’imminence d’une attaque, ou alors étaient-ils à leur tour impuissants. Le fait que 50 pour cent des pertes du côté arménien se soient produites dans les premières heures de la guerre montre l’importance des services de renseignement pour la sécurité du pays.

L’implication des services de renseignement russes dans la défaite lors de la guerre de 44 jours n’a pas encore été pleinement révélée. De nombreuses rumeurs circulent sur leur travail au détriment des forces arméniennes. Leur rôle négatif en tant que casques bleus n’est plus à démontrer. Il y a assez de preuves de leur connivence avec les forces azerbaïdjanaises.

Ces questions vitales ont amené le gouvernement arménien à réorganiser en profondeur les services de sécurité arméniens et à créer en décembre 2022 un service de renseignement propre, indépendant du service de sécurité nationale d’Arménie (le Service de sécurité nationale est l’ancien KGB) et Christine Grigorian a été désignée comme la première cheffe de service. Elle avait auparavent assumé le poste de défenseur des droits de l’homme.

L’une des principales raisons de la demande du gouvernement arménien de retirer les gardes-frontières russes de l’aéroport de Zvartnots ainsi que des frontières de l’Azerbaïdjan a été la méfiance vis-à-vis des Services de renseignements russes et la défense de l’indépendance des services de renseignement arméniens.

Afin de construire une nouvelle structure de renseignement solide et fiable, l’Arménie coopère avec les services de renseignement des pays occidentaux, en particulier avec les agences de sécurité nationale des États-Unis, de France et d’Angleterre, dont les récentes visites de leurs directeurs à Erevan ne sont pas passées inaperçues.

J. Tch.