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Une campagne préélectorale ?

Le défi sous forme d’ultimatum lancé par le Premier ministre Pachinian qui consiste à débattre avec les anciens présidents au sujet de la tragédie de la perte du Haut Karabagh paraît être un stratagème préélectoral. Surtout quand le défi vient du Premier ministre lui-même. Si cette demande avait été celle d’un tiers, par exemple celle d’une plateforme publique d’intellectuels, de personnalités culturelles, le défi aurait bien sûr résonné différemment. Par conséquent, il est normal que les ex-présidents de la République d’Arménie rejettent l’offre de défier l’actuel Premier ministre, car quoi qu’il en soit, ils ont tous leur part de responsabilité et de culpabilité dans la perte de l’Artsakh, car pendant leur présidence, ils n’ont pas œuvré pour la construction de bases solides pour assurer une solution pérenne ou, comme dans le cas de Levon Ter Petrossian, le but des négociations a été l’attribution à l’Artsakh d’un statut provisoire, une solution qui ne pouvait en aucun cas garantir à 100% que l’Azerbaïdjan n’attaquerait pas, le cas échéant, quand la conjoncture internationale lui serait favorable, comme cela a été le cas en 2020.

Ce que les trois premiers présidents n’ont pas fait, c’est de se préparer à la guerre afin d’éviter la guerre, et pour cela il était nécessaire d’assurer la confiance du peuple envers ses dirigeants. Une confiance dont aucun des présidents n’a bénéficié. Pressé par ses ministres de la Défense et de l’Intérieur, le premier Président a eu la « sagesse » de démissionner de son poste pour éviter des affrontements sanglants. Ses successeurs ont confié la sécurité du pays à la Russie, afin qu’ils puissent s’occuper pleinement du pillage du pays. En 1999, la tuerie au Parlement a accru la méfiance de la population à l’égard de ses dirigeants. Un processus qui s’est poursuivi jusqu’à la fusillade post-électorale de mars 2008 et après quoi, l’Arménie est devenue un État vassal sous l’autorité de la Russie, totalement dépendant d’elle, tant sur le plan économique que militaire et diplomatique.

Cette situation politique malsaine a conduit la population arménienne à quitter sa propre patrie, à émigrer vers la Russie ou l’Occident. Et ce processus a accru la méfiance populaire à l’égard de la classe politique dirigeante, il a conduit à une impasse qui a déclenché la révolution de velours, pour laquelle Nikol Pachinian et ses partisans ont joué un rôle important, tout comme Serge Sarkissian, qui en démissionnant de son poste de Premier ministre et en refusant l’usage de la force envers les manifestants, a évité la répétition du drame de mars 2008.

Alors, pourquoi l’acharnement de Pachinian à vouloir débattre au sujet de cette page douloureuse de l’histoire de l’Arménie ? Quel objectif politique poursuit-il ? Est-ce une stratégie pour préparer les prochaines élections, ou est-ce un souci de moralité, ne pas vouloir porter seul la responsabilité de la tragédie advenue sous son règne ?

Les raisons du refus de débattre des trois présidents sont presque identiques : ils déclarent seul coupable Nikol Pashinyan pour la perte de l’Artsakh. Cette réaction culpabilisante des présidents est une preuve que la question du Haut Karabagh reste un sujet d’intérêt national. Aucun des présidents n’a, par exemple, proposé de changer la teneur du débat, de réfléchir à la manière de résoudre ensemble les problèmes des déplacés, des prisonniers détenus à Bakou et à ceux qu’à l’heure actuelle, l’Arménie est confrontée.Depuis la guerre de 2020, l’opposition parlementaire ne cesse de demander la démission du Premier ministre, et crie à la trahison nationale. Alors qu’au sujet de la perte de l’Artsakh, c’est la responsabilité de l’allié russe qui est très répandue auprès du grand public, sa neutralité face aux agressions azéries et son rôle indéniable dans la remise de l’Artsakh à l’ennemi azéri.

Après l’échec de la «sainte lutte» de l’évêque Pakrad et la campagne anti-Pachinian soutenue par l’opposition, le défi lancé par Pachinian aux présidents a valeur de contre-offensive, visant à prendre les devants d’une nouvelle campagne « anti-gouvernementale ». Il a valeur d’une campagne préélectorale en vue des prochaines élections législatives. D’ici là, les accusations de corruption portées par le Tribunal anti-corruption contre les anciennes personnalités politiques ont trouvé leur vitesse de croisière, au sujet desquelles le Premier ministre a annoncé que la publicité adéquate sera faite.

J. Tch.