Le 21 juin, l’Arménie a aussi rejoint, de manière surprenante, la récente vague de reconnaissance de l’État de Palestine, après l’Espagne, la Norvège, l’Irlande et la Slovénie. Dommage que cette décision ait été prise au niveau du gouvernement arménien et non pas par le Parlement, comme ce fut le cas dans les pays mentionnés ci-dessus. Pour un régime parlementaire comme l’Arménie, un tel débat est essentiel pour rendre la position de l’État plus audible auprès du public et des acteurs internationaux. Étonnamment, cette décision unilatérale du gouvernement n’a pas été critiquée par l’opposition arménienne. Cela peut s’expliquer par le fait que l’opposition était bien davantage soucieuse de ne pas briser l’élan des manifestations de monseigneur Bagrat. Ce dernier n’a montré jusqu’à présent absolument aucun intérêt pour les événements politiques internationaux.
Le communiqué du ministère des Affaires étrangères précise : « La République d’Arménie a rejoint les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies qui appellent à un cessez-le-feu immédiat à Gaza. Il faut ajouter, en outre, que la République d’Arménie s’intéresse sincèrement à l’instauration de la paix et de la stabilité au Moyen-Orient ainsi qu’à l’établissement d’une réconciliation durable entre les peuples juif et palestinien. Sur diverses plateformes internationales, nous avons toujours plaidé en faveur d’un règlement pacifique et global de la question palestinienne et soutenons le principe des “ deux États ” pour la solution du conflit israélo-palestinien. Sur la base de ce qui précède et réaffirmant sa loyauté envers le droit international et les principes d’égalité, de souveraineté et de coexistence pacifique des peuples, la République d’Arménie reconnaît l’État de Palestine. »
Les États arabes ont salué l’initiative de l’Arménie. Ainsi que la Turquie. Par contre, Israël a vivement protesté, affirmant que cette décision aurait des conséquences négatives sur les relations israélo-arméniennes. Des relations qui n’existent pas dans la pratique, pour ne pas dire qu’Israël les déploie plutôt et pleinement du côté de l’Azerbaïdjan.
La reconnaissance de l’État de Palestine par le ministère des Affaires étrangères de la République d’Arménie correspond aux positions défendues par le gouvernement arménien face à l’agression de l’Azerbaïdjan : l’exclusion du recours à la force, l’application du droit international pour résoudre les conflits et la réaffirmation du principe de la souveraineté du peuple.
Les relations arméno-juives vont bien au-delà des seules relations des Etats Arménie-Israël. La politique de judaïsation de Jérusalem du gouvernement israélien soumet les Arabes, les Arméniens et les autres nationalités à la même politique discriminatoire. La non-reconnaissance du génocide et la coopération militaire entre Israël et l’Azerbaïdjan affecteront également la coexistence et la coopération des communautés arméniennes et juives de la diaspora.
La guerre déclenchée par Israël contre Gaza, en violation flagrante des lois internationales et humanitaires, fait peser une grave responsabilité morale et politique sur les puissances occidentales quant à leur attitude de deux poids et deux mesures. D’un point de vue diplomatique, la décision de l’Arménie contredit la position de ses principaux alliés occidentaux : Etats-Unis, France, Allemagne, lesquels jusqu’à présent n’ont pas reconnu l’Etat palestinien. En ce sens, cette démarche de l’Arménie constitue un message important adressé aux pays arabo-islamiques, où l’Azerbaïdjan trouve souvent des alliés naturels pour sa politique anti-arménienne. Et c’est une question très sensible pour le voisin du sud de l’Arménie, la République islamique d’Iran, cette dernière ayant vivement critiqué la décision de l’Arménie d’ouvrir une ambassade en Israël.
J. Tch.
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