Ce jeudi 27 octobre, « Nor Haratch » fête ses 13 ans. Après la fermeture du quotidien « Haratch », il était difficile d’imaginer, il y a treize ans, la création, par un groupe de jeunes rédacteurs, d’un journal arménien en France. Cette initiative s’est avérée fructueuse grâce aux fidèles lecteurs de « Haratch » et aux nouveaux qui les ont rejoints. Grâce, également, à un certain nombre de donateurs, de collaborateurs et d’intellectuels. Le journal a perduré avec le soutien de tous ceux qui reconnaissent les valeurs de la culture, de la langue, de la créativité, des sciences, du sacrifice et de l’héritage des ancêtres. L’information est un moyen de vitalisation de la vie communautaire. Arpik, la fille de Chavarche Missakian, admettait qu’après la disparition soudaine de son père en 1957, beaucoup ne croyaient pas en la survie de « Haratch ». «Cela ne durera même pas cinq ans», disait-on. Mais Arpik croyait fermement en sa mission héritée de son père et avait la volonté de la poursuivre. Elle a suivi avec constance sa voie.
Demeurer 5 ans ou 13 ans dans le paysage médiatique ne signifie pas pour autant que le tour est joué. Nous ne pouvons nous contenter de ce qui est accompli. Il faut être capable de s’adapter aux nouveaux supports numériques, par exemple. Mais au-delà du matériel, garder le contact avec la nouvelle génération, transmettre la conscience de s’approprier le patrimoine arménien, reste le principal défi de tous les temps. En particulier dans la diaspora. La presse joue naturellement un rôle important dans ce domaine. Arpik Missakian se rappelait qu’il fut un moment où son père, Chavarche, avait regretté de l’avoir lancée dans le journalisme. La transmission de son expérience, forte de cinquante ans comme rédacteur-directeur du journal, était loin d’être aisée.
Arpik Missakian est l’une des personnalités mystérieuses de l’histoire des Arméniens de France. Après la disparition de son père, le journal fut toute sa vie. Elle n’avait d’autre vie en dehors du journal : de chez elle à la rédaction, et de la rédaction à son domicile. Pendant plus d’un demi-siècle, elle a consacré sa vie à la publication de « Haratch », quotidiennement, jour et nuit. Son combat pour l’indépendance du journal est impressionnant, un défi majeur, pour lequel elle s’est battue avec conviction, restant fidèle aux principes de son père. Elle s’est battue contre la mentalité partisane, pour avoir une imprimerie et des bureaux de rédaction indépendants. Pour assurer une source de financement complémentaire, elle a publié des livres et un supplément littéraire afin d’exaucer le souhait de son père. Aujourd’hui le défi reste le même : l’indépendance et la transmission.
Tenant compte des défis existentiels auxquels sont confrontés les Arméniens d’Arménie et de la diaspora, fêter le 13e anniversaire nous a paru inopportun, en revanche nous avons saisi cette occasion pour mettre gratuitement enligne le film documentaire HARATCH 83, consacré à Arpik Missakian, sur le site norharatch.com. L’expérience de vie d’Arpik Missakian y est présentée. Elle y aborde l’histoire de « Haratch », elle parle de son expérience propre, de son père Chavarche Missakian. Ce film documentaire est le premier volet d’une trilogie consacrée au quotidien « Haratch », réalisé par le cinéaste Arby Ovanessian, dont le personnage principal est Arpik Missakian. À l’occasion du 10e anniversaire de « Nor Haratch », ce film était projeté sur la péniche Anako. Le Covid, la guerre d’Artsakh de 2020 ont empêché d’autres projections publiques et les échanges autour du film. C’est une occasion pour découvrir ce beau documentaire, dans l’attente de la deuxième et de la troisième parties.
J. Tch.